Les effets de l’alcool sur la santé

Même à faible dose, les effets de l’alcool sur la santé ne sont pas sans danger. Voici ses conséquences néfastes.

Illustration pour l'article " mortelle ivresse " du magazine du mois de maiIllustration de Sébastien Thibault

Si, excessive, la consommation d’alcool s’accompagne de risques connus depuis des décennies, on a longtemps pensé que, faible, elle restait inoffensive – un verre de vin, de bière ou de spiritueux par jour – et même bénéfique dans le cas du vin rouge. Le resvératrol que contient ce dernier, un composé stimulant pour la santé, aurait d’importantes propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires et protégerait du cancer, de l’arthrite et d’autres maladies. Mais il apparaît de plus en plus clair que même un simple verre par jour n’est pas si inoffensif.

La revue médicale The Lancet a publié en 2018 une étude menée auprès de millions d’individus –hommes et femmes – dans 195 pays sur le lien entre leurs habitudes de consommation d’alcool et leur santé. Il s’en dégageait que les bienfaits de la consommation d’un verre d’alcool par jour contre les crises cardiaques étaient neutralisés par l’élévation du risque d’accident vasculaire cérébral, d’anévrisme aortique et d’insuffisance cardiaque. Dans l’ensemble, l’étude démontrait que le risque sur la santé suivait la courbe de la quantité d’alcool consommée. À une dose par jour, le risque de développer une des 23 pathologies associées à la consommation d’alcool était plus élevé que chez ceux qui ne buvaient pas. À deux verres quotidiens, il augmentait de sept pour cent. «Le niveau de consommation le plus sûr, c’est de ne pas boire du tout», a conclu l’un des auteurs de l’étude.

«La consommation modérée d’alcool a perdu sa réputation d’être bénéfique pour la santé», soutient Tim Naimi, directeur de l’Institut canadien de recherche sur la consommation de substances psychoactives. Pour commencer, précise-t-il, l’alcool est un cancérigène attesté. L’alcool – même seulement un verre par jour – augmente le risque de nombreux cancers, notamment du foie, du sein, de la bouche, de la gorge et du côlon. Mais des études récentes mettent en évidence d’autres effets négatifs sur la santé.

Comment l’alcool affecte-t-il l’organisme? Voici ce qui se passe quand on boit.

L’alcool perturbe le système digestif

L’alcool qui arrive dans le système digestif après avoir transité par la bouche, la gorge et l’œsophage migre dans le sang à travers les parois de l’estomac et des intestins. La rapidité du processus dépend en partie de la quantité de nourriture contenue dans l’estomac. Si le repas est copieux, le trajet vers les intestins, où a lieu l’essentiel de l’absorption, est plus lent. Il faut alors compter jusqu’à 90 minutes pour qu’une dose d’alcool passe dans le sang. Quand l’estomac est vide, cela se fait en moins de 30 minutes.

La présence d’alcool dans l’estomac déclenche la libération d’enzymes digestives. Ces enzymes qui assurent la dégradation de l’alcool sont généralement très acides – presque aussi corrosives que l’acide d’une batterie. Comme l’eau salée sur la coque d’un navire, elles – et l’alcool – usent peu à peu la muqueuse gastrique, qui devient alors sensible et enflammée (on parle de gastrite), et provoquent un reflux acide. Au bout d’un certain temps (mois ou années), des ulcères peuvent se former sur la muqueuse de l’estomac et de l’intestin – des lésions parfois très douloureuses qui s’apparentent à des ampoules. Ces effets sont liés à une consommation plus importante, généralement établie à plus de huit verres par semaine pour une femme, et 15 pour un homme.

La perturbation du microbiome intestinal guette également les consommateurs modérés. En effet, l’estomac abrite une communauté complexe de micro-organismes – il y en a des milliards – qui décomposent les aliments et boissons et dégagent les nutriments et les calories dont l’organisme a besoin. La libération d’acide par l’alcool risque d’entraîner un déséquilibre entre micro-organismes: trop des uns, pas assez des autres. Selon certaines études, il s’ensuit alors une difficulté à absorber les nutriments, une fragilisation du système immunitaire, voire une dépression. Les polyphénols que contient un verre de vin rouge contribueront certes à maintenir la santé de votre flore intestinale, mais sachez qu’une tasse de thé noir ou une poignée de myrtilles en renferment autant.

À long terme, la consommation d’alcool – même modérée – augmente le risque de cancer. En 2020, 20% des nouveaux cas de cancer au Canada étaient associés à la consommation d’alcool. L’acétaldéhyde – un dérivé de la dégradation de l’alcool – endommage l’ADN des cellules du côlon et favorise l’apparition de tumeurs cancéreuses. Même si elles ne sont pas fatales, les conséquences peuvent être cruelles: sang dans les selles, constipation sévère et, dans de nombreux cas, une intervention chirurgicale invasive pour retirer une partie du côlon.

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L’alcool détruit le foie

De la taille d’un ballon de rugby, le foie est une véritable usine de traitement du sang. Il dégrade et filtre les toxines, produit des protéines, des enzymes et des hormones que l’organisme utilise pour contrer les infections, transforme les vitamines, les nutriments et les médicaments en substances dont l’organisme a besoin.

Le foie dégrade et élimine plus de 90% de l’alcool consommé. Il le fait à l’aide d’enzymes spécifiques qui transforment l’alcool en acétate – essentiellement du vinaigre – une substance qui n’est pas toxique. Le reste est éliminé directement par l’urine, la sueur et la respiration. Le foie dégrade en moyenne environ une dose à l’heure. Au-delà, il a du mal à suivre. Le surplus s’accumule dans le sang et le buveur commence à se sentir… ivre (l’intoxication est généralement mesurée par la quantité d’alcool dans le sang). Notons que les femmes produisent moins d’alcool déshydrogénase – l’enzyme qui intervient dans la transformation de l’alcool – que les hommes. Pour des raisons génétiques, elles éliminent l’alcool plus lentement que les hommes.

À long terme, la consommation excessive d’alcool cause de nombreuses maladies du foie: accumulation de dépôts de graisse gélatineux, gonflement rougeâtre du tissu hépatique et détérioration de cellules fonctionnelles. Le tissu sain est peu à peu remplacé par un tissu cicatriciel dur, on parle alors de cirrhose, une pathologie irréversible à l’origine d’insuffisance hépatique ou de cancer.

Si boire de façon modérée présente un risque moins élevé, cela ne met pas à l’abri des effets délétères sur le foie. Autrement dit, chaque fois que vous buvez de l’alcool, vous faites travailler le foie et cela n’est pas sans conséquence, car l’organe a du mal à mener à bien d’autres fonctions vitales, comme fabriquer des protéines et des nutriments. Une étude menée au Royaume-Uni a montré qu’un verre d’alcool tous les jours présentait un risque plus élevé pour le foie qu’une biture occasionnelle (cinq ou six verres en une fois).

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L’alcool fragilise le cœur

Quand l’alcool pénètre dans le sang, les vaisseaux se détendent et se dilatent. Puis la tension artérielle baisse et le cœur bat plus vite pour assurer la circulation du sang vers les autres organes. Il est possible de ressentir une chaleur soudaine et d’avoir les joues rouges avec l’afflux de sang vers les capillaires de la peau. Mais quid des effets à long terme sur le cœur?

Commençons par ce que nous savons: l’abus d’alcool est néfaste pour le système cardiovasculaire. À une consommation supérieure à 15 verres par semaine pour un homme et huit pour une femme, la tension artérielle monte, le pouls se fait plus irrégulier et l’insuffisance cardiaque ou l’accident vasculaire menacent. La toxicité de l’alcool finit par fragiliser les muscles du cœur, faisant augmenter le risque de cardiomyopathie, une maladie qui voit l’organe se dilater et s’affaisser – comme un ballon partiellement dégonflé – et peiner à pomper le sang. À terme, c’est l’insuffisance cardiaque.

Les choses sont moins claires quand la consommation est modérée. Longtemps on l’a associée à une meilleure santé. On a souligné le «paradoxe français». Depuis les années 1980, malgré un régime alimentaire où abondent les aliments riches et gras, on a observé que l’incidence des maladies cardiaques restait faible en France. Ce phénomène a d’abord été attribué à la consommation de vin rouge et au resvératrol.

Cependant, dans le vin, la quantité de cet antioxydant reste modeste – et insuffisante sans doute pour que cela fasse une différence. Selon des études menées sur des animaux, il faudrait jusqu’à 500 milligrammes de resvératrol pour pouvoir en mesurer les effets bénéfiques, autrement dit 40 litres de vin par jour! Le taux de maladies cardiaques si bas en France – chez les buveurs de vin rouge en général – s’explique par d’autres facteurs, par exemple une plus grande activité physique ou un statut socioéconomique supérieur et non à leur amour du vin.

Quelques groupes semblent toutefois tirer des bénéfices d’une consommation modérée d’alcool – ceux qui se remettent d’une crise cardiaque, par exemple, vivraient plus longtemps avec une consommation occasionnelle, ont révélé certaines études. Cela pourrait s’expliquer par l’élévation du niveau de lipoprotéines de haute densité, le «bon» cholestérol, associée à la consommation d’alcool, qui protégerait des maladies cardiaques. Mais des organisations comme le Fonds mondial de recherche contre le cancer mettent en garde contre l’idée qu’un verre par jour serait bon pour le cœur. Leurs recherches montrent que les risques l’emportent sur les bénéfices.

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L’alcool réduit la taille du cerveau

La plupart des buveurs modérés perçoivent l’effet de l’alcool sur le cerveau de façon positive: ils se sentent plus gais, moins stressés, plus sociables. Il y a une explication: les images de scintigraphie du cerveau ont révélé que l’alcool induisait la sécrétion d’endorphines – l’hormone du bonheur. Faire l’amour ou manger du chocolat en libère aussi; les endorphines réduisent l’anxiété et procurent un certain bien-être.

Mais l’euphorie n’est qu’un aspect des choses. L’alcool a un autre effet sur le cerveau: il le ralentit. Il est donc considéré comme un dépresseur. Il interfère avec les millions de chemins de communications du cerveau, les neurones, et en perturbe ou en désoriente les signaux. Le lobe frontal est alors comme un standardiste qui aurait soudain du mal à faire suivre les appels. Boire trop entraîne des problèmes d’élocution, d’équilibre et de maladresse, caractéristiques de l’état d’ivresse.

Avec le temps, une consommation excessive serait ainsi responsable de lésions permanentes aux cellules cérébrales et aux voies neuronales qui les relient. Il y a de nombreuses conséquences: manque de concentration, mauvais jugement, mauvaise humeur et mémoire défaillante. Il y a un risque d’AVC et de démence (d’après une étude parue en 2018, l’excès d’alcool triplerait le risque de démence). Un ou deux cocktails par jour ont des effets qui ont de quoi surprendre. Une étude récente a démontré que, à la longue, absorber même une quantité minime d’alcool pouvait entraîner une perte du volume cérébral: autrement dit, boire réduit le cerveau.

Une étude publiée récemment dans la revue Nature comparait la réduction du volume cérébral induit par l’alcool à un vieillissement précoce, en termes de déclin cognitif. L’étude, basée sur les habitudes de consommation d’alcool des participants au cours de l’année précédente, a trouvé que la réduction du volume cérébral était quasi proportionnelle à la quantité d’alcool consommée régulièrement. Par exemple, le cerveau des participants de 50 ans qui buvaient une pinte de bière par jour semblait avoir deux années de plus que celui de ceux qui s’abstenaient.

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L’alcool paralyse le système immunitaire

Les globules blancs, les anticorps, le système lymphatique, la rate, le thymus et la moelle osseuse qui composent notre système immunitaire sont exposés aux effets de l’alcool. Normalement, les globules blancs se déplacent rapidement vers le site d’une infection ou d’une blessure pour combattre les virus et les bactéries. Avec de l’alcool dans le sang, ils mettent plus de temps à se mobiliser – comme une armée de soldats enivrés et empotés. Par conséquent, la réponse immunitaire est plus faible et rend l’organisme plus vulnérable à l’inflammation et aux infections.

L’alcool affecte aussi le système immunitaire via l’intestin, car il perturbe le microbiome, les micro-organismes présents dans le système digestif et essentiels aux fonctions immunitaires. Le tractus gastro-intestinal produit par exemple les cellules épithéliales, que l’on peut comparer à des «boucliers de sécurité». Ces cellules couvrent la peau et les parois de la gorge, des intestins, des vaisseaux sanguins et de tous les organes. C’est la première ligne de défense contre les virus et les bactéries. Mais l’alcool endommage la production de ces cellules essentielles, ce qui nous fragilise. Les centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies évaluent par exemple que l’abus d’alcool multiplie par 10 le risque de contracter une pneumonie.

La plupart des recherches sur la réponse immunitaire et l’alcool se sont intéressées à la consommation excessive. Les effets d’une consommation modérée sont moins clairs. Néanmoins, au début de la pandémie de covid-19, l’administrateur de la santé publique des États-Unis a pris soin d’alerter les adultes à risque: il recommandait d’arrêter complètement de boire. Dans la foulée, l’Organisation mondiale de la santé invitait à la réduction de la consommation d’alcool, expliquant que les maladies et les problèmes de santé mentale associés à cette pratique rendaient plus vulnérable à la covid-19.

L’alcool rend impuissant

Shakespeare a écrit que l’alcool «attisait le désir, mais diminuait la performance». La science moderne confirme le poète. Si l’alcool semble aphrodisiaque, il peut avoir l’effet contraire sur l’organisme – surtout si vous buvez trop.
Il est prouvé qu’à petite dose l’alcool désinhibe, rend plus confiant et stimule l’excitation – chez l’homme comme chez la femme. Mais au-delà d’un verre ou deux, les effets négatifs l’emportent sur les positifs. L’alcool réduit la circulation sanguine, ralentit le système nerveux central et diminue la libido – aux dépens de la puissance sexuelle, sans parler du dysfonctionnement érectile et de la difficulté à atteindre l’orgasme.

À long terme, la consommation excessive d’alcool a des effets désastreux sur la santé sexuelle. Chez l’homme, l’alcool affecte à la baisse la production par l’organisme de l’enzyme NAD+, une composante de cette importante hormone sexuelle qu’est la testostérone. La plupart des boissons alcooliques contiennent un composé – le phytoestrogène – susceptible d’accroître le niveau d’estrogène, une hormone sexuelle féminine, chez les gros buveurs. Chez un homme, l’augmentation du niveau d’estrogène diminue la libido, affecte la puissance sexuelle et fait baisser le nombre de spermatozoïdes. L’alcool a également des effets néfastes sur la santé sexuelle de la femme, limite sa fertilité et réduit son désir. Une étude publiée l’an dernier sur 133 femmes a montré que celles qui consommaient modérément de l’alcool avaient vu leur chance d’être enceinte diminuer de 44% par rapport à celles qui ne buvaient pas.

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Contenu original Selection du Reader’s Digest