Alcoolisme: comment savoir si vous buvez trop d’alcool?

De récentes études avancent qu’un Canadien sur cinq consommerait trop d’alcool. Faites-vous partie du nombre? Des experts font la lumière sur la consommation excessive d’alcool, ses causes et impacts sur notre qualité de vie.

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Alcoolisme: buvez-vous trop d'alcool?
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Consommez-vous trop d’alcool?

Des études démontrent qu’un Canadien sur cinq dépasse les recommandations de consommation sécuritaire d’alcool. Ces recommandations sont : pas plus de deux verres par jour pour un maximum de 10 verres par semaine pour les femmes; pas plus de trois verres par jour et de 15 verres par semaine pour les hommes. Pire encore, une étude du Centre de recherche sur les dépendances, affilié à l’Université de Victoria (Colombie-Britannique), avance que les Canadiens sous-estimaient de 75 % leur consommation d’alcool.

Les femmes, quant à elles, boivent plus que jamais. Un sondage Gallup de 2010 révèle que près des deux tiers des Américaines boivent sur une base régulière. Ce nombre est plus élevé que jamais depuis 25 ans. On boit à toutes les étapes de notre vie : des premières années d’université aux soirées éthyliques après le travail dans la vingtaine jusqu’aux premières années parentales où la jeune maman, manquant de sommeil, a grand besoin d’un martini réconfortant. Et ça ne fait que commencer…

La consommation excessive d’alcool est progressive et, pour certains, elle s’accroît après la quarantaine, explique Dre Vivien Brown, qui pratique la médecine familiale à Toronto et préside la Fédération des femmes médecins du Canada (FMWC). « Les femmes se mettent souvent à boire lorsqu’elles sont seules et que les enfants ont quitté la maison, ou après une séparation ou un divorce », souligne-t-elle. Elle voit des patientes septuagénaires qui prennent « un sherry en fin d’après-midi, puis deux verres de vin au souper et un grog chaud avant de se mettre au lit ». Cela représente 28 consommations par semaine, soit plus du double recommandé.

Des causes de la consommation excessive d’alcool 

Pourquoi boit-on autant? « Quand les femmes se sentent vulnérables, elles ont l’impression que l’alcool est un stimulant sans risque, ajoute la Dre Brown. Pour certaines, boire à la maison leur semble plus acceptable et moins dangereux que prendre des médicaments ou sortir dans les bars. »

Les études démontrent qu’un traumatisme non résolu, la dépression ou l’anxiété sont à la racine de la surconsommation d’alcool chez les femmes. « L’alcool est l’anesthésique qui permet de supporter l’opération de la vie », écrit l’auteur George Bernard Shaw. Il ne manque pas de best-sellers désenchantés écrits par des femmes qui relatent leur descente aux enfers de l’alcool pour oublier un passé douloureux. Mentionnons Drinking : A Love Story de Caroline Knapp, Drunk Mom : A Memoir de Jowita Bydlowska, Blackout de Sarah Hepola et Lit : A Memoir de Mary Karr.

« La consommation d’alcool dite de mésadaptation se rattache souvent à un traumatisme ancien, comme un abus sexuel : on boit dans l’espoir d’engourdir la souffrance psychologique », souligne Karne Graham, conseillère en dépendance et coach en réhabilitation. « Pendant que vous buvez, vous ne touchez pas aux causes fondamentales. Les gens qui boivent trop devraient choisir de travailler avec un conseiller pour aller à la source de ce qui les pousse à s’autoguérir par l’alcool. » Mais le fait de boire pour se détendre et se récompenser est une autre affaire. Karen Graham mentionne que les personnes dans cette catégorie ont généralement plus de facilité à diminuer ou à arrêter leur consommation que celles qui boivent pour oublier.

Alcool : comment déterminer si vous buvez trop?

Répondez au bref questionnaire « Mesurez votre niveau de dépendance à l’alcool » de ToxQuébec pour déterminer s’il vous faut revoir votre consommation d’alcool. Ces 25 questions vous permettront d’évaluer votre niveau de dépendance à l’alcool.

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Défi 21 jours sans alcool
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Témoignage: une femme relève le défi 21 jours sans alcool

« C’est le trou noir ou black-out qui a sonné l’alarme. Deux heures entières effacées de ma mémoire à jamais. C’était l’été dernier dans un terrain de camping avec des amis. Après une soirée animée au cours de laquelle le vin coulait à flots et les conversations allaient bon train, je me suis réveillée avec une gueule de bois sans trop savoir comment j’étais revenue à ma tente, pourtant assez éloignée des autres. Quand j’ai découvert qu’une amie m’avait raccompagnée, je lui ai demandé si j’avais dit ou fait des bêtises. Apparemment non!

J’avais cependant radoté la même histoire que mon mari m’avait racontée au téléphone plus tôt dans la journée à propos de son vol de retour de Cuba. L’équipage ne parlait pas un mot d’anglais et le pilote s’était vu forcé de voler en rond au-dessus de l’aéroport en raison d’un orage violent. Il n’avait rien trouvé de mieux à dire que Good Luck pour rassurer les passagers qui étaient dans tous leurs états. Il semble que j’aie trouvé cette histoire tellement hilarante que je l’ai racontée à quatre (je dis bien quatre) reprises en prenant un malin plaisir à prononcer les mots Good Luck avec un accent espagnol. Et en parlant très fort. « Je pense que tout le terrain de camping t’a entendue », m’a dit mon amie à la blague. Elle souriait, mais moi j’étais morte de honte. J’avais beau essayer, je n’arrivais absolument pas à me rappeler de quoi que ce soit. Il s’agissait d’une amnésie temporaire, mais elle m’a fait réaliser qu’il était peut-être temps pour moi de procéder à d’importants changements.

J’ai toujours cru qu’un black-out était un évanouissement, mais ce n’est pas le cas. Lorsqu’un trou noir se produit, vous semblez fonctionner normalement, mais plus votre niveau d’alcool augmente dans votre sang, plus il neutralise l’action de l’hippocampe. Du même coup, votre mémoire à long terme s’efface.

Ce ne fut pas un week-end perdu, mais ces deux heures-là, je ne les retrouverai jamais. C’est la peur qui m’a fait réagir. Quand je suis revenue à la maison, j’ai tapé un message sur Facebook pour lancer le défi de passer 21 jours sans alcool. J’invitais tous les intéressés à se joindre à mon groupe en ligne : nous pourrions partager des documents, nous tenir au courant et nous encourager pendant ces trois semaines de régime sec. Trois semaines? Est-ce que ça allait être possible? À ma grande surprise, plus de 40 personnes se sont inscrites au défi. La plupart d’entre elles étaient dans la quarantaine comme moi et plusieurs ont avoué qu’elles buvaient plus que ce qu’elles désiraient.

Avant ce trou noir, je ne pensais pas avoir un problème avec l’alcool, pas un gros en tout cas. Bien sûr, il me semblait que je buvais plus que la plupart de mes amies et je me réveillais une ou deux fois par semaine avec un léger mal de tête causé par mes excès de la veille. Mais je n’avais jamais eu de nausée ; je n’avais pas non plus perdu connaissance ou manqué un jour de travail à cause de ma consommation. Le vin était simplement ma manière à moi de me détendre.

J’ai commencé à prendre un verre de façon presque quotidienne il y a 10 ans, quand mes enfants étaient petits et qu’il me fallait une récompense au bout d’une longue journée de travail au bureau et de maternage à la maison. À 21 h, le shiraz tournait joyeusement dans mon verre.

Dans son livre Drink : The Intimate Relationship Between Women and Alchool, la journaliste canadienne Ann Dowsett Johnston raconte sa bataille contre l’alcool et sa réhabilitation qui a commencé par un séjour dans un centre spécialisé. Elle prétend que l’alcool est devenu « la béquille des mères de ma génération » : il a remplacé les tranquillisants dont des millions de ménagères dépendaient dans les années 60. « L’alcool se trouve partout dans notre société, dit-elle. Il est fortement assimilé à notre conception de la fête, de l’élégance et du bien-être. C’est avec lui qu’on se détend, qu’on se récompense, qu’on s’évade et qu’on ventile.

Ma vie à la maison est devenue moins exigeante quand mes enfants sont devenus grands, mais j’ai entre-temps commencé à travailler comme rédactrice à la pige, avec des échéanciers serrés. Quand je fermais mon portable à la fin de la journée, le vin était toujours ma récompense. Il en allait de même pour mon mari, chroniqueur dans un quotidien, qui était aux prises avec des heures de tombée à trois reprises durant la semaine. Le son sympathique du bouchon qui saute et le glouglou du vin qu’on verse dans un grand verre nous permettaient à tous deux de décompresser. La plupart du temps, nous descendions la bouteille et en commencions souvent une deuxième. Je n’ai jamais fait le calcul, mais je savais que j’étais bien au-delà des recommandations faites par les organismes de santé canadiens pour une consommation relativement sécuritaire.

En arrêtant de boire pendant 21 jours, les effets positifs se sont fait ressentir presque aussitôt. En trois jours à peine, je dormais mieux et plus profondément que depuis des années. Je me réveillais plus tôt en me sentant pleine d’énergie et l’esprit clair. J’ai éliminé le grignotage de fin de soirée, une habitude que j’avais prise quand mes défenses étaient émoussées par quelques verres. Le premier vendredi soir sans alcool a été le plus dur. Mon travail était terminé, les enfants étaient sortis et je préparais un bon souper pour mon mari et moi en écoutant de la musique, fine prête pour me détendre en tenant le pied mince et confortablement familier d’un verre de vin. Ce verre fantôme ma réellement manqué. Il y a aussi eu ce week-end au chalet avec des amies, vers la fin des 21 jours. J’essayais de me préparer au manque que je ressentirais pendant ces conversations intimes de fin de soirée généralement accompagnées de vin. Mais à ma grande surprise, j’ai passé le week-end sans peine avec le seul plaisir d’être en bonne compagnie avec des amies pleines de vie.

Au fil des 21 jours, le groupe Facebook a échangé des centaines de messages avec des liens d’articles et de livres, des suggestions de boissons non alcoolisées (la Molson Exel venait en tête de liste) et des stratégies pour arrêter de boire allant de la visualisation de ses envies comme une vague (avec sa montée, son sommet et sa chute) à la superposition mentale d’images de squelettes et de mort sur son verre préféré. Une personne a fait le calcul du coût de sa consommation d’alcool au cours des 30 dernières années (environ 60 000 $). Une autre a mentionné qu’elle devenait un meilleur exemple pour sa fille adolescente. Nous avons partagé les récits de nos chutes passagères : du champagne lors d’un anniversaire, deux bières pour célébrer une victoire dans une régate, une nuit de déprime à ruminer des échecs passés. Plusieurs ont trouvé le défi trop difficile. Une femme qui occupait un emploi très stressant a décroché avant la fin de la semaine, en disant qu’elle se reprendrait plus tard.

Mais une fois le défi terminé, la plupart des gens étaient surpris de voir à quel point ils se sentaient mieux. « Depuis 40 ans, un repas sans alcool était comme une journée sans soleil, disait Larry. Je ne croyais pas passer à travers la première journée. J’ai maintenant réussi à adopter un niveau de consommation plus modéré. » Ce défi de 21 jours sans alcool m’a amenée à redéfinir ma façon de boire. Maintenant, je n’ai plus d’alcool dans la maison. Je limite ma consommation aux fins de semaines et aux occasions spéciales. Le vendredi soir, mon mari et moi partageons une très bonne bouteille de vin. Mon nouvel objectif est de m’en tenir à deux – trois verres maximum – et de ne pas dépasser la norme recommandée de 10 verres par semaine.

J’avais l’impression qu’en délaissant l’alcool, même temporairement, j’aurais l’impression de dire adieu à un ami cher qui m’a toujours fait du bien (sauf le lendemain de la veille). Mais ça a été plutôt comme si je coupais le temps consacré à une vieille copine qui commençait à me siphonner. J’aime toujours prendre un verre de vin ou deux à l’occasion, mais ce n’est plus une nécessité absolue. J’ai remis la boisson à sa place et souhaite qu’elle y reste. »

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