Comment vaincre le diabète

Des avancées scientifiques récentes facilitent la prévention et contribuent même à la rémission des diabétiques.

Vaincre Le DiabeteNikki Ormerod

En 2005, alors âgé de 25 ans, Sujay Nazareth, technicien en technologie de l’information à Delta, en Colombie-Britannique, a commencé à avoir constamment soif. Il s’est spontanément mis à perdre du poids et se sentait fatigué, quelle que soit la durée de ses nuits. Des analyses de sang ont révélé un diabète de type 2, qui n’a pas retenu outre mesure l’attention du jeune homme.

«J’avais peur et j’étais troublé. Pendant neuf ans, j’ai fait l’autruche. Je prenais des médicaments et j’essayais de renoncer aux produits sucrés, comme les sodas, sans être vraiment sérieux.» Sujay négligeait parfois de faire les analyses prescrites par son médecin, convaincu que les résultats seraient mauvais. C’est lors de la naissance de sa fille, en 2016, qu’il a résolu de s’attaquer enfin sérieusement au problème. «Je devais me secouer et commencer à m’occuper de moi.» Il regrette aujourd’hui de ne pas s’y être mis plus tôt.

Le diabète de type 2 se caractérise par l’incapacité de l’organisme à produire suffisamment d’insuline (l’hormone qui régule la quantité de sucre dans le sang) ou à utiliser celle qu’il produit. Une trop grande quantité de sucre dans le sang fragilise les organes, les nerfs et les vaisseaux sanguins. Sans traitement, on s’expose à de nombreuses pathologies, notamment des maladies cardiaques et rénales, la cécité ou une atteinte nerveuse pouvant mener à l’amputation d’un membre. Le diabète peut réduire de 5 à 15 ans l’espérance de vie.

Sa prévalence augmente au Canada – 11,7 millions de Canadiens sont atteints de diabète ou de prédiabète, surtout parce que la population vieillit et qu’elle s’est sédentarisée. «La première cause de diabète de type 2 est le vieillissement, rappelle le Dr Tom Elliot, directeur médical du BCDiabetes à Vancouver, en Colombie-Britannique. Avec l’âge, les cheveux grisonnent, la peau se ride et les cellules ne se reproduisent plus aussi rapidement, notamment les cellules bêta qui fabriquent l’insuline.»

Cela dit, un diagnostic de diabète n’est plus aussi dramatique qu’il pouvait l’être il y a encore cinq ans. Et, selon de nombreux spécialistes, les nouveaux traitements, la technologie et la perspective d’avancées révolutionnaires devraient même permettre bientôt de vaincre la maladie.

Saviez-vous qu’une marche par jour pourrait réduire le risque de diabète?

Qui souffre de diabète?

Le risque de diabète avant l’âge de la retraite est plus élevé chez les personnes de plus de 40 ans, en surpoids, qui fument, ne font pas d’activité physique et ont une tension artérielle élevée ou des antécédents familiaux de diabète (surtout dans la famille restreinte). Comme le diabète de type 2 ne s’accompagne pas toujours de symptômes – et parce que certains ajustements à l’hygiène de vie peuvent prévenir la maladie –, l’Agence de la santé publique du Canada et le Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs ont mis en ligne un outil qui permet de mesurer le risque diabétique en tenant compte d’un certain nombre de données, notamment l’indice de masse corporelle (IMC) et les habitudes en matière d’exercice physique.

«Une fois le risque connu, il est plus simple de changer ses habitudes, de maîtriser sa glycémie et d’échapper aux redoutables complications à long terme du diabète», se réjouit le Dr Elliot. Aux changements d’hygiène de vie s’ajoutent de nouveaux médicaments pour réguler le poids et stabiliser la glycémie.

Comme avec d’autres maladies, le diagnostic précoce améliore les options de traitement. La soif, le manque d’énergie ou la fatigue, la vision trouble, l’envie fréquente d’uriner, la perte de poids soudaine et inexpliquée et la cicatrisation plus lente des plaies sont les symptômes les plus fréquents du diabète de type 2. En 2018, après un suivi auprès de 27 000 participants (pendant 11 ans pour certains), des chercheurs japonais publiaient une étude montrant que certains signaux d’alerte précoces, notamment l’élévation de l’IMC et de l’insulinorésistance, apparaissaient jusqu’à 10 ans avant un diagnostic de diabète – raison de plus pour ne pas négliger les examens de routine.

Nombreux sont les mythes sur le diabète. Heureusement, des spécialistes nous éclairent sur les vérités qui se cachent derrière certains d’entre eux et sur la façon de bien soigner cette maladie.

Laptop With Blank White Screen Isolated On A White Background. Laptop Blank Screen Mockup. 3d Renderingistockphoto.com/Sashkinw ; (diététicienne) istockphoto.com/fcafotodigital
Séances à distance avec un conseiller en santé personnel.

La prévention

Près de six millions de Canadiens souffrent de prédiabète, un trouble qui se caractérise par une glycémie anormalement élevée, mais encore insuffisante pour formuler un diagnostic de diabète.

Le prédiabète ne progresse pas nécessairement vers un diabète de type 2, mais en l’absence d’intervention, c’est presque toujours le cas, insiste la Dre Tamara Spaic, endocrinologue au St. Joseph’s Health Care à London, en Ontario. «Le régime, l’exercice et la perte de poids sont des moyens connus de prévention du diabète.» Cent cinquante minutes d’exercice hebdomadaire réparti sur cinq jours permettent de réduire jusqu’à 60% du risque. Ce n’est pas forcément facile, mais pouvoir agir sur sa santé et obtenir un résultat est plutôt une bonne nouvelle, ajoute Tamara Spaic.

Diabète Canada a lancé son programme de prévention du diabète pour soutenir les patients souffrant de prédiabète qui entreprennent de modifier leur hygiène de vie pour y arriver. Il y a trois ans, le Dr Harpreet Bajaj, directeur de la dernière étape de recherche au LMC Healthcare à Toronto et chercheur principal de l’étude, a lancé le recrutement de participants pour étudier l’effet des séances à distance avec un conseiller en santé personnel – un diététicien, par exemple – sur des patients souffrant de prédiabète ou à risque de diabète de type 2. Les résultats seront publiés plus tard en 2023.

Ce programme canadien s’inspire d’une initiative américaine qui a réduit de 58% le risque, chez les prédiabétiques participants, de développer un diabète de type 2. «Nous espérons des résultats similaires», reconnaît le Dr Bajaj.

Peter Lang, professeur de mathématiques à la retraite à Cobourg, en Ontario, participe à l’étude. À 74 ans, l’homme souffre de prédiabète depuis quatre ans. Grâce au programme, il a appris à éviter certains aliments – notamment le riz blanc, le fromage (à l’exception du fromage blanc) et les bananes, qui contiennent plus de sucre quand elles sont mûres. Il sait maintenant qu’il peut faire baisser son stress en allant marcher ou en faisant de l’exercice. «C’est une question d’habitude, admet-il. Ma femme a commencé à m’accompagner. Nous allions soulever des poids au sous-sol pendant une demi-heure après le petit-déjeuner, et maintenant, je marche environ deux heures par jour.» Peter Lang, qui va bientôt boucler son programme de 12 mois, a déjà atteint son objectif glycémique – et il s’accroche.

Il existe plusieurs types de diabète et la gravité de la maladie dépend de plusieurs facteurs. Découvrez tout ce que vous devez savoir sur le diabète, une maladie qui ne cesse de croître au Québec et au Canada.

Healthy Food Poke Bowl With Prawn, Rice, Fresh Vegetables, Edamame Beans, Soybean Sprouts . Traditional Dish Hawaiian Cuisine. Poke Bowl With Shrimp Isolated On White Background. Dinner For Slimming. Salad Bowl With Prawn.istockphoto.com/Ryzhkov
Des aliments peu caloriques, pauvres en glucides et riches en protéines.

Changer d’hygiène de vie

Quand il s’est enfin décidé à affronter son diabète, Sujay Nazareth a consulté un endocrinologue. Trop tard cependant pour qu’un changement même radical de mode de vie suffise pour maîtriser sa glycémie. Non seulement lui fallait-il des injections d’insuline, mais l’atteinte des vaisseaux sanguins de sa rétine était telle qu’il souffrait d’une rétinopathie diabétique qui l’a contraint à recevoir une fois par mois des injections de corticostéroïdes dans les yeux pour prévenir une aggravation des problèmes qui risqueraient de le rendre aveugle.

En plus des médicaments, il s’est efforcé de cesser toute consommation de sucre et a augmenté son activité physique. Il s’est interdit des glucides sans valeur nutritive comme le pain blanc, s’est mis au Coca-Cola Zero, a réduit sa consommation de malbouffe et s’est mis à la marche quotidienne. «C’est à cette époque qu’on m’a diagnostiqué une maladie auto-immune, confie-t-il. Je me suis dit que si je ne pouvais pas maîtriser celle-là, j’arriverais certainement à maîtriser mon diabète.»

La perte de poids a toujours joué un rôle important contre le diabète, peut-être plus que la régulation de la glycémie, si l’on en croit des recherches récentes. On a ainsi démontré qu’il est plus bénéfique pour un patient qu’il perde 15% de sa masse corporelle que de voir baisser sa glycémie. Un comité international de spécialistes qui publiait l’année dernière un article dans The Lancet recommande justement aux médecins d’aller dans ce sens.

Si de nouveaux médicaments facilitent la perte de poids, le régime alimentaire peut contribuer de son côté à la rémission du diabète. En 2021, les résultats de travaux menés à l’université de la Colombie-Britannique ont ainsi établi qu’après seulement 12 semaines d’un régime alimentaire peu calorique, pauvre en glucides et riche en protéines, plus du tiers des 188 participants souffrant d’un diabète de type 2 pouvait désormais se passer de médicaments.

«Le diabète a toujours été considéré comme une forme de fatalité, une maladie qui finirait par progresser et entraîner des complications graves, explique Tamara Spaic. Nous pensons aujourd’hui que la rémission est possible, un peu comme dans le traitement du cancer.»

Découvrez également les meilleurs aliments pour mieux contrer et prévenir le diabète.

Bottles Of The Drug Jardiance, Made By Eli Lilly And Company, Sit On A Counter At A Pharmacy In Provo, Utah, U.s. January 9, 2020. Reuters/george FreyREUTERS/Alamy Stock Photo
Inhibiteurs des SGLT2.

Nouveaux médicaments

Engagée dans la recherche de pointe sur la rémission du diabète, Tamara Spaic, une endocrinologue, estime que le traitement plus agressif de la maladie dès son diagnostic rend désormais cette rémission possible, contrairement à l’approche traditionnelle qui conseille plutôt de modifier l’hygiène de vie – moins de sucre, plus d’exercice, réduction du stress – puis d’observer les résultats sur la glycémie.

En plus de se voir prescrire un médicament qui réduit l’absorption du glucose, ou une combinaison de ce même médicament avec de l’insuline, les patients doivent radicalement changer d’hygiène de vie, notamment en adoptant un régime hypocalorique strict. «Nous espérons qu’après au moins trois mois d’intervention intensive, les patients retrouvent une glycémie normale et n’aient plus recours à des médicaments.»

Si la perte de poids, le régime et l’exercice restent au cœur du traitement du diabète, la Dre Spaic pense que certaines nouvelles classes thérapeutiques approuvées par Santé Canada au cours des cinq dernières années ont aujourd’hui un effet majeur car elles font plus que simplement réduire le glucose. Les agonistes du récepteur GLP 1 (pour Glucagon-like peptide 1), par exemple, favorisent la perte de poids; de leur côté, les inhibiteurs des SGLT2 (pour Sodium glucose cotransporter 2) réduisent le risque de développer une maladie cardiaque ou rénale.

«Les patients atteints de diabète ne meurent pas d’hyperglycémie, mais plutôt de maladie cardiovasculaire.» L’endocrinologue explique en effet qu’environ deux patients sur trois en unité de soins intensifs cardiologiques et deux sur cinq en unité de dialyse médicalisée sont diabétiques. «C’est un progrès énorme que de pouvoir donner aux patients des médicaments qui réduiront de 20% à 30% le risque de souffrir d’une maladie cardiaque ou rénale.»

Trulicity Diabeteavec la permission de lilly
Agonistes du récepteur GLP 1.

Nouvelle technologie

Grâce à ces nouvelles classes thérapeutiques pour le diabète, Sujay Nazareth se passe désormais d’insuline et ne reçoit plus qu’une injection hebdomadaire d’un agoniste des récepteurs GLP 1 qui fait baisser sa glycémie et facilite la maîtrise du poids en supprimant son appétit. La mesure du glucose en continu (CGM) lui permet de surveiller sa glycémie. C’est un développement assez récent dans l’univers sans cesse en évolution de la gestion du diabète.

Le CGM est un petit appareil portable muni d’un capteur cutané de la taille d’une pièce de monnaie relié à une minuscule aiguille posée sur l’épiderme qui mesure la glycémie à quelques minutes d’intervalle et envoie le résultat à un appareil à distance, comme un téléphone intelligent.
«Quand j’ai appris que j’étais diabétique, je n’aurais jamais imaginé pouvoir disposer un jour d’un appareil comme le CGM», se réjouit Sujay Nazareth. Les mesures lui permettent d’ajuster sa médication, son niveau d’activité et son apport alimentaire – tout cela en temps réel.
Grâce au CGM, explique le Dr Elliot, plus besoin de piquer le bout du doigt pour mesurer la glycémie en capillaire. Les appareils de CGM sont fiables et précis, bien que les capteurs assez coûteux ne durent que de 10 à 14 jours. Au Canada, ils ne sont pas remboursés dans toutes les provinces. (La RAMQ par exemple ne le rembourse que pour les patients souffrant de diabète de type 1.)

«Du jour au lendemain, grâce à cet appareil, on sait en temps réel si le choix diététique est le bon. On sait ce qui se passe quand on fait de l’exercice ou qu’on se dispute avec son partenaire, dit-il. C’est simple, cet appareil a fourni la clé des modifications à apporter au comportement du diabétique.»

De nouveaux modèles de CGM – plus petits et encore plus précis – seront mis sur le marché d’ici une année ou deux, se félicite le médecin.

Les prochaines étapes

Le système de santé du Canada débourse annuellement environ 30 milliards de dollars pour soigner les diabétiques. On ne s’étonne pas que le gouvernement ait investi plus de 15 millions de dollars dans la recherche sur le diabète en 2021. Mais toute cette recherche ne changera rien si les diabétiques n’ont pas accès aux traitements et outils novateurs ou qu’ils n’ont pas les moyens de se les payer. Laura Syron, présidente et chef de la direction de Diabète Canada, elle-même diagnostiquée en 2017 d’un diabète de type 2, a lutté pour qu’on dispose en cette matière d’une loi-cadre nationale qui a été adoptée l’an dernier.

«Il existait une stratégie nationale pour le cancer, une autre pour la santé mentale, mais il n’y avait rien pour le diabète. » Le nouveau cadre permettra de mettre fin à l’ensemble disparate de programmes proposés au pays au profit d’un réseau unifié qui facilitera la mise en commun d’informations et de bonnes pratiques – de la prévention à la qualité des soins aux patients – afin d’assurer que tous les Canadiens bénéficient du même accès aux traitements les plus récents.

Laura Syron espère aussi qu’on apprendra à parler autrement de la maladie. Elle ne supporte plus la manière dont les médias abordent le diabète ni l’image stéréotypée d’une personne en surpoids qui se gave de sucre dès qu’il en est question. Contre le préjugé tenace et erroné du diabétique responsable de sa maladie, elle souhaite plus de compassion et une meilleure compréhension des causes multifactorielles de la maladie. « J’ai eu le sentiment d’être nulle quand j’ai été diagnostiquée, se souvient-elle. Je me suis stigmatisée moi-même.» Et, pendant des années, elle a navigué entre l’apathie (« tu as de la chance que ce ne soit pas plus grave ») et les reproches («tout ça c’est ta faute»).

«C’est une maladie épuisante, une inquiétude qui vous contraint à une surveillance permanente, poursuit-elle. Il y a tout juste 100 ans, un diagnostic de diabète était synonyme d’une condamnation à mort. L’insuline a été une avancée énorme, mais depuis, les changements ont été lents – jusqu’à aujourd’hui.»

Il semble en effet désormais que chaque mois apporte sa nouvelle étude sur le diabète. Y compris au Canada. En janvier, de nouveaux essais cliniques menés par des chercheurs de l’université de l’Alberta ont révélé que des cellules productrices d’insuline issues de cellules souches pouvaient être transplantées dans la paroi abdominale d’un patient atteint de diabète. Le nombre de participants était modeste, mais 35% de ceux qui avaient bénéficié de ces implants de la taille d’une carte bancaire ont montré des signes de production d’insuline dans le sang six mois après la transplantation, et ce résultat est passé à 63% après un an.

De l’investissement à la recherche, cet élan donne aux spécialistes du diabète la conviction qu’un jour ou l’autre le remède surgira. «Nous devons continuer à nous battre, reconnaît Tamara Spaic. Chaque génération aime prédire qu’il y aura un remède dans 10 à 15 ans, mais aujourd’hui, la recherche sur le diabète précise de manière exponentielle notre compréhension de la maladie. Je suis sûre que nous finirons par savoir comment la guérir.»

Le diabète de type 2 affecte 90% des personnes atteintes de diabète. Connaissez-vous réellement les facteurs de risque et les traitements efficaces contre le diabète de type 2?

Nouvel espoir pour le diabète de type 1

Le diabète de type 1 est une maladie auto-immune où le pancréas est incapable de produire de l’insuline. On parlait jadis de diabète sucré, et il apparaissait généralement chez des enfants et des adolescents, mais la maladie peut survenir à tout âge. Comme avec le diabète de type 2, les études identifient de nouveaux gènes et la recherche autour des cellules souches se montre prometteuse en termes de traitement, voire, un jour, de guérison. L’arrivée au Canada du pancréas artificiel qui combine un appareil mesurant le glucose en continu (CGM) et une pompe qui instille automatiquement de l’insuline au patient en fonction de sa glycémie est assurément l’annonce la plus encourageante pour les patients souffrant d’un diabète de type 1.

Bien moins courant (et connu) que le diabète de type 2, découvrez ce qu’il faut savoir sur le diabète de type 1 qui représente environ 10% des personnes atteintes de diabètes.

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Contenu original Selection du Reader’s Digest