Anne Elizabeth Lapointe: l’art d’aider son prochain

Anne Elizabeth Lapointe n’est pas seulement la fille du célèbre Jean Lapointe: elle travaille à sa plus grande cause et s’est engagée à la perpétuer.

Portrait d'Anne Elizabeth Lapointe.Dominique Lafond

Elle avait un temps rêvé d’être actrice, mais à l’époque, elle ignorait que son plus grand rôle ne serait pas sur les planches. Dans sa jeunesse, sans que son soutien ponctuel à la Maison Jean-Lapointe ressemble à un semblant de plan de carrière, Anne Elizabeth Lapointe en découvrait les rouages et s’imprégnait de sa mission: redonner espoir, dignité et santé aux personnes enfoncées dans toutes sortes de dépendances, de l’alcool aux médicaments en passant par le jeu.

Plus d’un an s’est écoulé après le décès du fondateur, Jean Lapointe, son père, l’homme aux nombreux talents et aux multiples carrières (humoriste, chanteur, acteur… et sénateur!). En plus de perpétuer sa mémoire, Anne Elizabeth Lapointe continue de construire l’avenir de la célèbre institution, préparant un éventuel déménagement de ses locaux du Vieux-Montréal vers un immeuble patrimonial de l’arrondissement Ahuntsic. Au-delà de tous ces défis, en plus d’être très impliquée au sein de diverses organisations pour changer les politiques publiques, la directrice générale reconnaît qu’elle puise surtout sa motivation, et sa fierté, devant chaque personne capable de surmonter ses dépendances.

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Adolescente ou jeune adulte, auriez-vous cru qu’un jour vous seriez la directrice générale d’une organisation qui porte le nom de votre père?

Dans ma famille, nous avons tous voulu, à un moment donné, suivre les traces de notre père, mais en tant qu’artiste. Finalement, pour mon frère Jean-Marie comme pour moi, c’est la vocation sociale qui l’a emporté. Après mon baccalauréat en communications à l’Université de Montréal, je suis partie à New York étudier le théâtre dans deux écoles, dont celle du célèbre Lee Strasberg, L’Actors Studio. J’aimais le travail d’équipe lié au métier d’acteur, mais passer des auditions, gérer mon trac maladif – comme mon père, mais lui avait le feu sacré! –, ce n’était pas ma tasse de thé.

Avec un tel début de trajectoire, on vous imaginerait davantage en journalisme ou en relations publiques.

Au moment de la fondation de la Maison Jean Lapointe en 1982, et dans les autres maisons de thérapie, les intervenants devaient avoir surmonté un problème de dépendance pour pratiquer ce métier, ce qui n’était pas mon cas; ça me semblait donc inaccessible, même si j’ai été bénévole, impliquée dans l’organisation des téléthons, etc. Pendant mes études à New York, j’ai rencontré un étudiant en toxicomanie qui m’a fait comprendre que j’étais dans le champ: pas besoin d’avoir un problème de dépendance pour travailler dans ce domaine. Dès que je suis revenue vivre à Montréal, je me suis inscrite au certificat en toxicologie.

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À la Maison Jean Lapointe, vous débutez en 2001 comme intervenante auprès des joueurs pathologiques, et depuis 2019, vous en êtes la directrice générale. En regardant en arrière, constatez-vous de grandes avancées, ou d’importants reculs, dans le traitement des dépendances?

Il y a beaucoup moins de tabous, et de préjugés. Quand j’ai commencé dans le domaine, les compagnies d’assurances ne couvraient pas les thérapies: c’est maintenant reconnu comme une maladie, et les employeurs doivent prendre leurs responsabilités. Ce n’était pas le cas il y a 20 ans. On banalise énormément la consommation d’alcool, de même que la présence du tabagisme, surtout avec le succès monstre de la vapoteuse auprès des jeunes.

Voici ce qui arrive au corps quand on arrête de vapoter.

Depuis deux décennies, le développement des nouvelles technologies et les impacts de la récente pandémie ont-ils exacerbé les problèmes de dépendance?

Le jeu est depuis toujours présent, mais le visage a changé: les gens jouent en ligne, à l’abri des regards, et on assiste au phénomène des «3 trop»: trop longtemps, trop souvent, et trop d’argent… Plus récemment, beaucoup de gens sont venus nous voir en disant: «J’ai augmenté ma consommation depuis la pandémie.» Quand une société et une industrie vantent l’idée que l’alcool est associé au plaisir et qu’elle ne cause pas de dommages, c’est difficile de travailler de façon concertée. J’ai vu récemment des données où des jeunes de moins de 35 ans souffrent d’hépatite ou de cirrhose du foie, et en meurent… Nous avons vraiment failli à notre tâche.

À l’heure où vos deux parents sont maintenant décédés, quel est le plus grand héritage ou la plus grande leçon qu’ils vont léguer?

Tout cela va sonner judéo-chrétien, mais pour mon père, il fallait aider son prochain. Il a ouvert sa porte à bien des hommes «maganés», et j’en ai croisé quelques-uns chez nous! À l’époque, je dois admettre que je ne comprenais pas toujours tout ce qu’il faisait. Quant à ma mère, pour qui l’intégrité était une valeur importante, elle était guidée par le proverbe: «Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse.» J’ai grandi avec ces principes, faisant de moi une personne assez bienveillante, et ça se reflète dans mon type de gestion: écraser l’autre, jamais!

Projetons-nous dans l’avenir: à quoi ressemblera la Maison Jean Lapointe dans 20 ans?

Il n’y aura plus personne à aider, donc fermée! (rires) Blague à part, je dois d’abord dire que je suis contente que mon père l’ait vue évoluer: on a sensibilisé plus d’un million de jeunes, et aidé plus de 40 000 personnes et familles. En plus de continuer à répondre aux besoins de la population, je rêve d’un campus, d’une école, où l’on pourrait partager notre expertise pour en faire profiter le plus grand nombre. Si on réussit à atteindre cet objectif, j’en serai très fière.

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Contenu original Selection du Reader’s Digest