Gens d’ici: Sébastien Sasseville

Rien ne l’arrête, pas même son diabète! Sébastien Sasseville pourrait faire sienne la célèbre maxime de l’écrivain Mark Twain: «Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors, ils l’ont fait.»

Portrait de Sébastien Sasseville.Emilie Nadeau

Après avoir grimpé l’Everest, traversé le Canada à la course à pied et à vélo, et participé à des Ironman, Sébastien Sasseville a jugé que tout cela n’était pas suffisant. En 2022, il a entrepris une folle aventure, la Race Across America (RAAM), un parcours de 4800 km où les cyclistes «visitent» pas moins de 12 États américains, mais doivent le faire dans un délai maximal de 12 jours. Entre la Californie et le Maryland, entre déserts et montagnes, là où les températures peuvent parfois atteindre jusqu’à 45 degrés Celsius. Et pour arriver à destination, pédaler jour et nuit s’avère impératif.

Cette épreuve d’endurance, qui existe depuis plus d’une trentaine d’années, nécessite une préparation spartiate. Et malgré tout, les abandons sont nombreux avant le fil d’arrivée. Or, Sébastien Sasseville partait avec une bonne longueur de retard. Atteint du diabète de type 1, la forme la plus sévère de la maladie, la gestion de sa glycémie s’ajoutait aux nombreux défis que lui et son équipe devaient affronter. Alimentation, sommeil, insuline, bris techniques, fatigue, conflits interpersonnels, les imprévus n’ont pas manqué pour les dix personnes prêtes à appuyer ce dynamique conférencier dans cette quête que certains croyaient perdue d’avance.

À son retour, et avec la complicité de son plus fidèle coéquipier, Gabriel Béland, consultant spécialisé en gestion des équipes, il a décidé de replonger dans l’aventure, mais avec un pas de recul. Dans le récit Esprit d’équipe (Édito, 2023), ils décrivent les aléas de la RAAM, mais expliquent surtout les montagnes russes physiques et psychologiques qu’ils ont dû traverser pour que tous et toutes roulent vers le même objectif, et en harmonie.

Vous avez déclaré que votre diabète était devenu votre allié. Au moment d’apprendre le diagnostic à l’âge de 22 ans, auriez-vous cru pouvoir dire cela un jour?

À l’époque, ma principale crainte était de savoir si je pourrais voyager. Mon frère avait été diagnostiqué quelques années avant moi, et à l’époque, il fallait garder l’insuline au réfrigérateur. Les choses ont changé, et avec le temps, j’ai réussi à l’apprivoiser. De nature optimiste, j’utilise beaucoup l’humour dans ma vie. L’idée de faire de mon diabète un allié vient du fait qu’on m’avait dit: «C’est pour le reste de vos jours.» Comme le veut l’expression consacrée: «Soit tu te fais frapper par le train, soit tu embarques.»

Dans votre livre, vous décrivez en détail le fameux jour 9 de la RAAM, celui où vous avez sérieusement songé abandonner pour cause d’épuisement extrême. Vous arrive-t-il d’imaginer votre état d’esprit aujourd’hui si vous aviez tout laissé tomber?

Peut-être que je vivrais paisiblement avec ce choix, je ne le saurai jamais. Mais ce jour-là, même si j’avais l’impression d’avoir atteint ma limite, je faisais partie d’une équipe: nous étions 11, et 10 d’entre nous n’étaient pas épuisés, pouvant prendre de bonnes décisions. Le plus difficile, c’était de sentir que je laissais tomber des gens qui avaient tout donné pour moi. Ça m’émeut d’en parler aujourd’hui. Au fond, me connaissant, il faut dire les vraies choses: ça aurait été une grande déception.

Vous êtes impliqué dans la Fondation pour la recherche sur le diabète juvénile. Êtes-vous inquiet devant la hausse fulgurante du diabète chez les jeunes, et croyez-vous que vos performances peuvent autant les inspirer que les intimider?

Cette augmentation me préoccupe, mais pas tant à titre de diabétique que de citoyen. Les gens ne sont pas obligés de faire ce que je fais, mais les bénéfices du sport, je les vois partout, autant dans ma vie personnelle que professionnelle. Ce n’est pas le RAAM qu’il faut entreprendre, mais de bouger cinq fois par semaine, bien manger, bien dormir, ne pas trop prendre d’alcool. Pourquoi plusieurs personnes ne s’y engagent pas? Ça révèle de plus grands symptômes, entre la paresse, l’absence de sens à sa vie, et un manque d’estime personnelle. Est-ce que mes performances peuvent inspirer les jeunes? La réponse est facile: oui! Est-ce que ça peut les intimider? J’espère que non!

Dans vos conférences, mettez-vous l’accent sur vos performances sportives?

Je parle très peu de moi, et de ce que je fais. Mon message n’en est pas un de performance, d’obligation à accomplir de grosses choses. Le plus important, c’est de commencer par un premier pas, de croire en ce que l’on fait, et de trouver sa voie. Je reçois beaucoup de courriels de gens qui me parlent de leurs premiers pas: quelqu’un qui se remet à courir pour la première fois en sept ans; une autre qui décide de sortir d’une relation toxique; des gens qui démarrent leur propre entreprise, etc. Par contre, quand certaines personnes me demandent d’être leur mentor, c’est non. Je n’ai pas le temps, et je n’ai pas le goût.

Pendant combien de temps serez-vous motivé à relever des exploits sportifs comme la RAAM?

L’ampleur des défis va rapetisser avec le temps, et avec l’âge. J’aimerais bien retourner un jour à la RAAM, mais pas cette année: je n’aurais pas eu l’énergie, et cela exige un cycle d’entraînement d’un an sans aucune vie sociale. Ce qui m’allume, chaque fois, c’est d’apprendre quelque chose, qu’elles soient grandes ou petites. Je n’ai jamais gagné de course, et jamais je ne me suis classé parmi les meilleurs, mais accumuler des expériences enrichissantes, ça, j’adore!

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Contenu original Selection du Reader’s Digest