Véronique Hivon: Celle qui croit au pouvoir des consensus

Pendant 14 ans, elle a fait de la politique autrement. Maintenant, elle veut faire autre chose, et avec autant de cœur.

Veronique Hivon Femme Politique Quebec 2023 1200x900photo de Maude Chauvin

En avril 2022, son départ de la vie politique a bien sûr attristé les députés et les militants du Parti québécois, mais aussi de nombreux citoyens qui voient en Véronique Hivon une figure rassurante, authentique, et déterminée. Elle qui compte un nombre impressionnant de grandes réalisations (la loi sur les soins de fin de vie, l’instauration des tribunaux spécialisés en matière d’agressions sexuelles, la première politique de lutte à l’itinérance, etc.), certaines accomplies sur les banquettes de l’opposition!, a su laisser sa marque. Pour cette avocate formée à l’Université McGill ainsi qu’à la London School of Economics and Political Science au Royaume-Uni, les politiciens ont tout intérêt à travailler main dans la main pour le mieux-être de la collectivité. Une vision ambitieuse que ses collègues ont souvent jugé utopique, voire naïve, mais c’était sans compter sur la force tranquille de celle qui a beaucoup donné à la société québécoise. Maintenant, il est temps pour elle de prendre un pas de recul, et surtout de reprendre son souffle, loin de la frénésie des corridors de l’Assemblée nationale.

Lorsque vous avez annoncé votre départ de la vie politique, vous disiez rêver «d’un espace de liberté et de normalité». L’avez-vous trouvé depuis?

Je suis encore un peu en lune de miel de ma nouvelle vie! Pendant 14 ans, la politique fut pour moi un grand privilège, mais je savoure maintenant les petites choses du quotidien, dont faire les lunchs de ma fille et aller la reconduire à l’école! En plus, j’ai du temps pour lire, approfondir, et digérer tout ce que j’ai vécu de fort et de puissant au cours de cette période.

D’ailleurs, votre fille a exactement le même âge que votre nombre d’années en politique. Est-elle surprise de voir maintenant sa mère aussi souvent?

La pandémie nous a un peu préparées en travaillant côte à côte dans nos affaires respectives. En lui apprenant la nouvelle, elle a eu la réaction la plus pragmatique qui soit en me demandant tout simplement ce que j’allais faire. Elle semble bien s’adapter, mais je pense qu’elle me trouve un peu intense avec les matières académiques!

Alors que cette page est tournée, tournerez-vous aussi celle du militantisme politique et de l’engagement citoyen?

Deux grandes raisons m’ont poussé à aller en politique: la souveraineté du Québec et la justice sociale. Je serai toujours présente pour ces deux causes, mais je veux exister en dehors de la politique, car elle a longtemps pris toute la place, et pas que sur le plan professionnel. Je veux continuer à faire une différence, mais approfondir les enjeux, et ne pas le faire dans l’urgence et l’instantanéité.

Depuis l’adoption de la loi concernant les soins de fin de vie en 2014, on vous définit comme une bâtisseuse de consensus, une qualité exceptionnelle dans un contexte de joute politique parfois féroce. Un talent inné ou acquis?

L’institution parlementaire s’est forgé sur des siècles de pouvoir masculin, et plusieurs pensent que c’est un fait avéré, immuable. Avant de me lancer en politique, je trouvais cette ultra-partisanerie désolante, et j’ai décidé de ne pas tomber dans ces travers. Et surtout de forger la politique comme moi, citoyenne, je voulais la voir: avec plus d’écoute, plus de collaboration, où les gens se sentent davantage respectés.

Lorsque des personnes réclament vos conseils d’ex-politicienne, sont-ils différents s’il s’agit d’un homme ou d’une femme?

Je suis ouverte au dialogue, et ne veut pas donner l’impression d’avoir la science infuse. Homme ou femme, l’important est de savoir pourquoi on veut aller en politique; j’ai côtoyé tellement de gens pour qui ce n’était pas clair… Que ça soit pour défendre les citoyens de son coin de pays, changer des choses injustes dans sa région ou porter une cause qui nous tient à cœur, il faut trouver un sens à ce que l’on veut accomplir, parce que c’est très exigeant, et rester fidèle à soi-même. Ce qui ne veut pas dire de ne pas s’améliorer, mais toujours être attentif à sa voix intérieure. Quant aux femmes, je leur dirais d’avoir confiance en leurs compétences et leur potentiel. Souvent elles sont studieuses, veulent approfondir un sujet pour se sentir confortables, alors que la politique valorise les contacts informels du type «Parle à un tel ou un tel plutôt que de lire les documents». Mon conseil: ne vous laissez pas encapsuler par cette manière traditionnelle, et faites les choses à votre manière.

Qu’est-ce qui vous manquera le plus de la vie politique, et ce que vous regretterez le moins?

Ce qu’il y a de beau en politique, c’est la franche camaraderie, le travail en équipe avec des gens de 7 à 77 ans de tous les horizons, de tous les milieux socio-économiques, prêts à travailler ensemble autour d’une cause malgré leurs différences. Tu es dans un état constant d’apprentissage, plus ouvert à différentes choses, ce qui te rend un meilleur être humain. Cette richesse est difficile à revivre dans d’autres milieux avec la même profondeur. Ce qui ne me manquera pas? Être parfaite, à l’affût de tout, prête à rebondir, réagir aux actualités du matin tout en parlant à ses collègues pour être sûr de s’entendre. C’est passionnant, mais je ne m’ennuie pas d’être toujours sur le qui-vive. Il y a 14 ans, j’ai dû apprendre en même temps le rôle de mère et celui de députée, éventuellement ministre, avec la culpabilité en prime. Ce n’est pas nécessairement la recette que je recommande!

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