Comment les changements climatiques affectent votre santé

Partout dans le monde, les changements climatiques s’accompagnent de dangers sanitaires. Et, selon un rapport de 2017 des Nations Unies sur l’aggravation de la situation, nous perdons du terrain chaque année. Si nous n’arrivons pas à inverser la tendance, on observera une augmentation marquée des décès d’ici 2030.

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Le Canada est particulièrement exposé à un grand nombre de changements et de catastrophes climatiques.
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Le Canada est particulièrement exposé à un grand nombre de catastrophes climatiques

«Le territoire national est très étendu, la géographie et la géologie en sont variées. On voit des inondations au Québec et des feux de forêt en Alberta», explique le Dr Bradley Dibble, cardiologue de Barrie, en Ontario.

Selon un rapport substantiel publié par Environnement et Changement climatique Canada en avril 2019, notre pays se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne mondiale. Pourtant, un sondage mené en 2017 par Santé Canada révèle que plus de la moitié de la population n’est pas d’avis que les changements climatiques menacent déjà notre santé et nos vies. À tort. Cet état environnemental critique rend les Canadiens malades de mille et une manières qu’on n’aurait jamais imaginées. Certains groupes sont particulièrement vulnérables, comme les enfants et les personnes âgées, les personnes souffrant déjà de problèmes médicaux et celles qui vivent en marge de la société. Mais personne n’est à l’abri.

«La crise climatique va se transformer en crise sanitaire, précise le Dr Dibble. La planète survivra et certaines espèces survivront, mais l’espèce humaine sera réellement menacée dans les décennies à venir.» Et elle l’est déjà sous de nombreux aspects.

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Une toux sans autres symptômes pourrait être un cancer du poumon.
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Difficultés respiratoires

Quand nous brûlons des carburants fossiles, nous libérons dans l’air des particules fines issues du pétrole et du gaz ainsi que d’autres toxines. «Certaines de ces particules de carbone peuvent rester dans les poumons pendant des dizaines d’années, comme de la suie dans une cheminée», explique le Dr Don Sin, pneumologue et directeur du centre pour l’innovation cardiopulmonaire à l’hôpital St. Paul de Vancouver.

Cette accumulation provoque une inflammation et peut entraîner des problèmes comme la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) ou l’asthme. En 2015, plus de 7000 Canadiens sont décédés de complications causées par la mauvaise qualité de l’air. Et selon une étude publiée dans le European Heart Journal en 2019, la pollution de l’air tue désormais 8,8 millions de personnes par an dans le monde – plus que le tabac.

Les poumons des femmes semblent particulièrement sensibles aux cancers causés par la pollution, ajoute le Dr Sin. Quelque 10 000 femmes meurent de cancer du poumon chaque année, et 15% des nouveaux cas touchent des personnes qui n’ont jamais fumé. «Au Canada, le nombre de décès par cancer du poumon chez les femmes non-fumeuses dépassera certainement très bientôt le nombre de décès par cancer», déplore le Dr Sin.

Les 8000 feux de forêt qui se produisent chaque année au Canada, comme ceux qui ont dévasté de grands espaces en Alberta au printemps dernier, contribuent à la pollution de l’air. Et leur fréquence et leur intensité augmentent avec les vagues de chaleur et de sécheresse. Selon une étude du Canadian Journal of Emergency Medicine, le nombre d’ordonnances pour des traitements contre l’asthme et la BPCO a bondi de 22% dans la région de Yellowknife à l’été 2014, lorsqu’elle a été envahie par la fumée des incendies. Le nombre d’urgences pour des problèmes respiratoires a grimpé de 42%; dans le cas des enfants, cela a plus que doublé.

Judy Mori, 69 ans, vit près de Vernon, dans la vallée de l’Okanagan, en Colombie-Britannique, et souffre de pneumopathie interstitielle, qui crée des cicatrices et entraîne des troubles respiratoires. «Ces deux ou trois derniers étés marqués par de graves incendies ont été vraiment terribles, affirme-t-elle. Le ciel est devenu gris, une odeur de fumée flotte en permanence dans l’air. Certains ont surnommé cette vallée “Smokanagan”.»

S’exposer à de l’air enfumé pouvant entraîner chez elle une infection mortelle, Judy doit donc rester confinée à l’intérieur lorsqu’on prévoit de mauvaises conditions météorologiques. Cela peut durer des semaines. Et même si vos poumons sont en parfaite santé, il vaut mieux éviter de respirer le smog ou la fumée pour éviter les dégâts que causerait à long terme une inflammation chronique.

Autre danger respiratoire: la moisissure. Elle inquiète dans les régions accablées d’inondations répétées, comme près de la rivière Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, où les crues ont infiltré les maisons deux années d’affilée et déplacé 200 familles. La moisissure produit des toxines et des spores qui peuvent déclencher des réactions allergiques ou des infections en cas d’inhalation. La montée du niveau de la mer et l’étalement urbain, couplés à des pluies intenses, entraîneront de plus en plus d’inondations similaires.

Pour éviter de respirer de l’air pollué, portez un masque de catégorie N95. «Un masque chirurgical ne sert à rien, affirme le Dr Sin. Il est trop mince. Il ne protégera pas du tout contre les particules.» Les jours où l’air est mauvais, pratiquez votre activité physique à l’intérieur; marchez par exemple dans un centre commercial ayant l’air conditionné.

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Troubles cardiaques

«Tout ce que l’on respire pénètre aussi dans les vaisseaux sanguins», rappelle le Dr Dibble. Lorsque le système cardiovasculaire est enflammé, de la plaque peut s’accumuler dans les artères. Cela aggrave les maladies cardiovasculaires et augmente les infarctus liés au climat. Des recherches en cours laissent en effet penser que les sujets souffrant par exemple de diabète et d’hypertension subiraient des effets plus prononcés. Selon l’étude du European Heart Journal, jusqu’à 80% des patients décédés à cause de la pollution de l’air meurent en fait d’infarctus, d’AVC et d’autres problèmes cardiovasculaires.

Également dangereuses, les températures élevées, qui empêchent la régulation de la température interne par le système sanguin. «La chaleur stresse l’organisme, explique le Dr Dibble. Elle complique le maintien du bon équilibre des fluides.» Si plusieurs autres pays parviennent à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, comme le dioxyde de carbone et le méthane, le Canada a augmenté ses émissions entre 1990 et 2016 à cause d’activités comme le transport, le chauffage résidentiel, la production industrielle et l’exploitation minière.

Au moins 90 personnes sont mortes au cours de la vague de chaleur qui a accablé certaines régions du Québec à l’été 2018. À Toronto, la chaleur causerait 120 décès par an. Les enfants et les personnes âgées sont davantage sujets aux coups de chaleur dangereux, car leur système nerveux central n’est pas aussi efficace que celui des adultes pour réguler la température corporelle. Les personnes qui travaillent à l’extérieur, celles qui prennent certains médicaments comme des diurétiques ou des bêtabloquants, et celles qui souffrent de maladies chroniques peuvent aussi avoir du mal à supporter la chaleur.

«Je suis très affectée par les grandes chaleurs», affirme Mercedes Jasmine, réfugiée d’origine nigériane arrivée à Montréal en 2018 avec sa fille en bas âge. Mercedes, 37 ans, a beaucoup fréquenté les hôpitaux au cours de sa vie car elle est atteinte de drépanocytose, une maladie du sang. La chaleur peut la déshydrater, causant un douloureux blocage des vaisseaux sanguins qui nécessite un traitement d’urgence. Mais cette mère célibataire, médecin de formation au Nigeria, ne peut s’offrir l’air conditionné dont elle a tant besoin. Elle vit de prestations de l’aide sociale le temps d’améliorer ses compétences. «Je suis inquiète, admet-elle. Les changements climatiques sont réels et ils nous touchent tous, mais pour les personnes vulnérables, la chaleur peut être terrible.»

Même en parfaite santé, il faut boire beaucoup d’eau, réduire son activité et porter des vêtements amples et frais pendant les épisodes de chaleur. L’air conditionné réduit le taux d’humidité et rafraîchit, mais tout le monde n’en dispose pas – et une panne de courant peut empêcher son utilisation.

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Avec les changements climatiques du Canada, les insectes porteurs de maladies peuvent survivre dans des habitats plus variés.
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Problèmes immunitaires

En 2014, Keri Wizbicki, infirmière à Winnipeg, se faisait coiffer. Soudain, sa coiffeuse a poussé un cri perçant. Une tique à pattes noires était logée dans son cuir chevelu. «La coiffeuse l’a retirée avec ses doigts», raconte Keri, 38 ans, qui avait fait du camping quelques jours plus tôt. Elle l’ignorait alors, mais cette tique transportait probablement des bactéries qui l’ont infectée lorsque son corps a été écrasé.

«Il n’a pas fallu longtemps avant que les choses commencent à se dégrader», poursuit-elle. Elle a commencé à ressentir des douleurs, de la fatigue, des étourdissements et d’autres symptômes si graves que ses médecins ont d’abord pensé à une tumeur cérébrale ou une sclérose en plaques. Après des mois à consulter des spécialistes, on lui a diagnostiqué la maladie de Lyme en 2016. Keri, qui aimait monter à cheval, faire de la randonnée et voyager autour du monde, est désormais en congé d’invalidité de longue durée en raison de symptômes qui se déclenchent souvent après un effort aussi simple que prendre une douche.

Plus de 2000 cas de maladie de Lyme ont été déclarés dans le pays en 2017, mais l’Agence de santé publique du Canada admet que le nombre réel des infections est probablement plus élevé. Une autre maladie transportée par les tiques, l’anaplasmose, prolifère également depuis qu’on suit son évolution. Avec le réchauffement du Canada, les insectes porteurs de maladies peuvent survivre dans des habitats plus variés.

C’est aussi la raison pour laquelle, chaque année, on enregistre des centaines de cas d’infection par le virus du Nil occidental. Un grand nombre de patients ne sont pas diagnostiqués ou n’éprouvent aucun symptôme, mais les 200 cas déclarés en 2017 représentent une augmentation depuis 2013, malgré la mise en place de mesures de surveillance. «Les moustiques n’ont pas besoin de passeport ou de visa, et ils n’ont que faire des frontières, déclare Atanu Sarkar, qui étudie les maladies transmises par les moustiques à l’université Memorial. Les changements climatiques favorisent l’expansion du territoire des moustiques de plus en plus au nord, et le virus suit cette progression.»

Atanu Sarkar conseille de contacter votre agence de santé publique locale et de vous renseigner sur les risques spécifiques dans votre région, mais il est recommandé à tout le monde d’utiliser des moustiquaires aux fenêtres et de tenir propre l’extérieur de sa maison. «Les moustiques pondent des œufs dans tout ce qui retient l’humidité – un jouet laissé dehors ou un gobelet de café.» Si vous allez dans les bois, utilisez du répulsif à insectes et couvrez vos jambes.

Les changements climatiques créent d’autres problèmes pour le système immunitaire. Si vous êtes parmi les 20% de Canadiens atteints d’allergies respiratoires, attendez-vous à affronter des épisodes plus longs, car l’augmentation du taux de dioxyde de carbone entraîne une surproduction de pollen chez des plantes comme l’ambroisie, et les températures plus élevées permettent à d’autres espèces allergènes, comme le caryer, d’étendre leur territoire.

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Mangez dans de plus petites assiettes pour perdre du poids.
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Carences alimentaires

Le réchauffement climatique menace également notre assiette. Les sécheresses et orages violents qui détruisent les récoltes sont de plus en plus fréquents. Ils entraînent une hausse des prix dans les supermarchés du nord, explique la Dre Courtney Howard, médecin urgentiste à Yellowknife et présidente de l’Association canadienne des médecins pour l’environnement. Des effets similaires se font ressentir dans tout le pays; le rapport canadien de 2019 sur le prix des aliments estime que les produits frais coûtent jusqu’à 6% de plus que l’an dernier. «Chaque fois que le prix des aliments augmente, une nouvelle vague de Canadiens se retrouve à la banque alimentaire ou doit tenter de s’arranger avec des produits moins chers et moins nutritifs», déclare-t-elle.

Pour les habitants du Grand Nord, le dégel du pergélisol complique l’accès à la nourriture. Dans la vallée du Mackenzie, dans les Territoires du Nord-Ouest, ce dégel est de 10% plus profond qu’il ne l’était il y a 20 ans. «Le risque de tomber à travers la glace des lacs est plus grand, et le pergélisol devient plus marécageux», décrit la Dre Howard.
Le transport et la chasse sont moins fiables, et c’est un problème grave si, par exemple, la viande de caribou est une importante source de nourriture pour votre famille. Au Canada, environ un tiers des Métis et des autochtones et deux tiers des Inuits chassent pour se nourrir.

«Les températures plus chaudes rendent la motoneige inutilisable», explique Bernard Stehelin, 48 ans, pilote de brousse qui est né et a grandi à Whitehorse. Plus tôt dans l’année, un de ses amis proches a échappé de peu à la noyade lorsque la glace a cédé sous sa motoneige, alors qu’il était passé par là sans incident pendant 16 ans.
Il peut aussi être difficile de collecter de l’eau propre et des aliments nutritifs pendant et après de grandes catastrophes climatiques. Les interruptions de courant, qui ont tendance à durer plus longtemps lors d’événements météorologiques extrêmes, entraînent une dégradation rapide et dangereuse de la nourriture.

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Les changements climatiques jouent sur la santé mentale.
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Maladies mentales

Fuir un feu de forêt ou subir une inondation peut provoquer de l’anxiété, une dépression, et même un trouble de stress post-traumatique. «On a tendance à éprouver les symptômes les plus sévères dans le premier mois suivant un événement grave, affirme la Dre Howard, mais même un an plus tard certaines personnes en sont toujours secouées.»
Des adolescents évacués lors des incendies de Fort McMurray en 2016 ont présenté des taux de dépression près de deux fois plus élevés que ceux de la ville de Red Deer, épargnée. Ils étaient aussi quatre fois plus portés aux pensées suicidaires.

D’autres risques sont plus insidieux. Par exemple, le bon fonctionnement des 200 000 fermes canadiennes est inextricablement lié au climat, et les agriculteurs vivent une grande détresse lorsque leurs récoltes souffrent de la sécheresse ou sont anéanties par un seul orage – des événements qui peuvent diminuer leur production de moitié.
Selon une étude menée par l’université de Guelph en 2015, 45% des producteurs agricoles présentaient un stress élevé et une majorité d’entre eux souffraient d’anxiété. Et plus du tiers étaient dépressifs. L’inconfort physi­que d’une vague de chaleur a aussi un effet sur l’humeur. Une analyse de 2018 a révélé un lien indéniable entre temps chaud et risque élevé de suicide. La fumée des feux de forêt a même un impact psychologique, soutient la Dre Howard. Et d’autres recherches émettent l’hypothèse d’un lien entre mauvaise qualité de l’air et aug­mentation des problèmes de santé mentale.

De nombreux Canadiens s’inquiètent profondément des effets des changements climatiques sur notre planète – un trouble appelé angoisse écologique. Selon un sondage de 2015 d’Environics Institute, la moitié des personnes interrogées mentionnaient une inquiétude «sévère» ou «extrême». Nous perdons espoir pour les générations futures. Un sondage Ipsos de 2018 a révélé que près de 60% d’entre nous ne sont pas convaincus que notre société est capable de réduire suf­fisamment ses émissions de carbone pour faire une différence. «Cette écoanxiété peut entraîner des crises de panique, une perte d’appétit, de l’irritabilité et des troubles du sommeil», affirme le Dr Dibble.

C’est encore plus dangereux en cas de maladie mentale déjà diagnostiquée. Matthieu Kelly, un agriculteur de 41 ans de Watrous, en Saskatchewan, souffre d’un trouble anxieux exacerbé lors des périodes de stress, qui peuvent se produire souvent dans un métier caractérisé par de longues heures de travail, des marchés instables et de courtes fenêtres de temps pour les semis et les moissons.

«La météo joue beaucoup», affirme-t-il. De fortes pluies peuvent retarder les semis, par exemple. «Ce printemps, je stressais au moment de planter mes semences.» Il a fini par appeler Farm Stress Line, une ligne d’écoute téléphonique provinciale, pour obtenir du soutien. Il gère aussi son anxiété en faisant des promenades et en se confiant à sa femme. «Il existe des outils pour m’aider à supporter tout cela.»

La thérapie cognitivo-comportementale peut en aider certains à contenir leurs pensées négatives, et l’exercice physique libère une décharge d’endorphines permettant d’améliorer l’humeur. Changer nos habitudes dans le bon sens aide également, comme accompagner ses enfants à l’école à pied au lieu de prendre la voiture. Mais se porter volontaire d’une manière ou d’une autre pour aider l’environnement est probablement ce qu’on peut faire de mieux, dit la Dre Howard. Matthieu Kelly s’est joint à un groupe d’agriculteurs partageant les mêmes idées que lui, qui adoptent des pratiques plus durables en matière de gestion de l’eau et de protection des sols.

«Nous avons changé d’état d’esprit dans le mode de fonctionnement de notre ferme, déclare-t-il. Notre environnement change sans cesse, et nous faisons de notre mieux pour suivre le rythme de mère Nature.»

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Contenu original Selection du Reader’s Digest

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