Maux de tête et brouillard mental: qu’est-ce que j’ai docteur?

Incapable de travailler et souffrant continuellement, il ne parvenait plus à soulager ses maux de tête et ses douleurs articulaires.

Brouillard Cerebral Illustration De Victor Wongillustration de victor wong

Le patient: Dwane UnRuh, fonctionnaire
Les symptômes: terribles maux de tête, nausées, brouillard mental, fatigue
Le médecin: DrRoberto Giaccone, neurologue à l’hôpital d’Ottawa

Dwane UnRuh se souvient que tout a commencé le lundi 11 septembre 2017. Ce jour-là, il se réveille en proie à une étrange et terrible douleur dans les bras et les jambes, une «profonde douleur osseuse» qu’il ne connaît pas. Âgé de 56 ans, le fonctionnaire d’Ottawa se rend tout de même au bureau, mais revient rapidement à la maison. Il s’allonge sur le canapé et espère que ça passe.

Mais c’est pire le lendemain. «Je me tordais de douleur comme si j’avais voulu sortir de ma peau.» Une drôle de sensation qu’il éprouve à la tête l’inquiète particulièrement. Rester debout plus de quelques minutes est une torture et le fait vomir. «On aurait dit qu’une plaque de fer m’écrasait le cerveau. Rien à voir avec un mal de tête.»

Après avoir ingurgité la dose maximale d’analgésiques sans ordonnance, il consulte son médecin, qui l’adresse à une demi-douzaine de spécialistes.

Après une analyse sanguine, le rhumatologue exclut l’arthrite et le lupus, deux causes possibles de douleurs articulaires et d’inflammation.

L’interniste fait un examen qui ne révèle rien d’inhabituel, et le psychiatre conclut que la douleur n’est probablement pas psychosomatique.

GMSI

Dwane se demande alors si ses symptômes peuvent provenir d’une anomalie sanguine rare qu’on lui a diagnostiquée deux ans plus tôt lors d’un bilan de santé de routine: une gammapathie monoclonale de signification indéterminée (GMSI), qui stimule la production d’une protéine anormale par la moelle osseuse.

La MGUS aggrave le risque de myélome multiple, un cancer qui affecte les cellules du plasma, et d’amyloïdose, une autre maladie de la moelle osseuse qui peut entraîner un dysfonctionnement rénal, cardiaque, hépatique et intestinal, mais aussi des troubles nerveux qui, pense Dwane, pourraient être à l’origine de la mystérieuse douleur.

Mais la biopsie du coussinet adipeux demandée par une hématologue ne révèle rien qui puisse confirmer l’une ou l’autre hypothèse. Elle écarte également l’amyloïdose. Un généticien clinicien diagnostique ensuite une maladie rare du tissu conjonctif, le syndrome de Loeys-Dietz, qui pourrait expliquer migraines et douleurs articulaires, mais pas les autres symptômes.

Plus de symptômes

Car à la douleur et aux nausées se sont maintenant ajoutés un brouillard mental constant, de la fatigue, des difficultés à déglutir, une hypersensibilité épidermique, des tics vocaux, des spasmes involontaires des membres et des acouphènes. L’homme peine à dire le nom des objets courants et n’est plus capable de travailler. «J’en étais parfois réduit à rester couché dans le noir.»

Chercher des pistes

Dwane espère qu’un rendez-vous avec un neurologue d’un hôpital local lui apportera des réponses, mais après quelques minutes d’échange, le médecin déclare que ses symptômes ne sont pas neurologiques. Résolu à ne pas désespérer malgré presque un an de tests infructueux, il se met à chercher des pistes en ligne auprès des réseaux de patients. Et voilà qu’un membre d’un groupe d’aide aux personnes souffrant de troubles tissulaires diffuse un jour une note sur l’HIS, l’hypotension intracrânienne spontanée.

Caractérisée par un niveau anormalement bas du liquide céphalo-rachidien (LCR) – le liquide clair dans lequel baignent le cerveau et la moelle épinière –, l’HIS est due à une brèche ou à un trou dans la dure-mère, l’enveloppe externe du cerveau et de la moelle épinière. Du LCR s’en échappe alors, ce qui peut provoquer un tassement du cerveau dans la boîte crânienne et, par conséquent, une pression sur ses parties inférieures. En résultent des symptômes qui semblent très familiers à Dwane, notamment un mal de tête qui s’aggrave aussitôt qu’il est debout.

Une recommandation

Une blogueuse locale atteinte du même mal lui donne le nom du neurologue qui l’a traitée, le Dr Roberto Giaccone de l’hôpital d’Ottawa. Lors du premier rendez-vous, le médecin passe presque deux heures à interroger et à examiner son patient avant de diagnostiquer une possible fuite de LCR.

D’après le médecin, environ 70% des personnes souffrant de ce genre de fuite présentent des symptômes (nausées, douleurs au cou, maux de tête quand on est debout, par exemple) non répertoriés dans les manuels. Dwane UnRuh est, lui, affligé de tics verbaux: il dit sans le vouloir des mots comme fiddle ou skittle. «Comme les symptômes varient selon les nerfs comprimés, le diagnostic est difficile», explique le neurologue.

Une confirmation

Pour en avoir le cœur net, Dwane expédie ses IRM à un neurologue réputé de la clinique Cedars-Sinai à Los Angeles. Le spécialiste confirme le diagnostic du Dr Giaccone, même si la fuite n’est pas visible sur les images. Des neurologues de l’université Duke, en Caroline du Nord, rendent le même verdict et recommandent un traitement appelé blood patch épidural, qui consiste en l’injection de sang prélevé sur le patient dans la zone épidurale entre la dure-mère et les vertèbres dorsales. Avec de la chance, le sang coagule et bouche le trou dans la dure-mère, en général quelque part dans la colonne vertébrale.

Réparer la fuite

En mars 2019, après six mois d’attente, Dwane UnRuh se retrouve enfin au bloc opératoire de l’hôpital d’Ottawa. On prélève du sang dans l’artère d’une main, puis on l’injecte dans le bas de sa colonne, près du site présumé de la fuite. «J’étais couché sur le côté sur la table quand, tout à coup, le tintement dans mes oreilles a cessé, se souvient le patient. Je me suis demandé ce qu’était ce bruit. Puis je me suis rendu compte que j’entendais clairement.»

Dans 15 à 20% des cas, la fuite reprend. Mais trois ans plus tard, Dwane, lui, semble tiré d’affaire. La plupart de ses symptômes se sont atténués. Il lui arrive encore d’avoir des trous de mémoire et de la difficulté à se concentrer, mais il a recommencé à travailler à plein temps après 10 semaines de rééducation physique et cognitive.

Malgré plus d’un an et demi de souffrances, Dwane UnRuh estime qu’il a eu de la chance parce que le diagnostic a été relativement rapide et la récupération presque complète après une seule intervention.

«Au bureau du Dr Giaccone, on m’appelle le miraculé, dit-il en riant. C’est sans doute vrai.»

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Contenu original Selection du Reader’s Digest