Tests ADN: quand la science réunit les familles

Ils sont des millions à recourir à des tests d’ADN pour reconstituer leur arbre généalogique. Les résultats ont changé la vie de quelques chanceux qui ont pu retrouver des parents perdus de vue depuis longtemps… ou dont ils ne soupçonnaient même pas l’existence.

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Amis de toujours, Alan Robinson (à gauche) et Walter Macfarlane ont fait sans le savoir le même test d’ADN: ils étaient frères.
AVEC LA PERMISSION DE CINDY MACFARLANE-FLORES
Alan Robinson (à gauche) et Walter Macfarlane (à droite).

L’ADN a permis de trouver leur lien fraternel

Walter Macfarlane, 76 ans, et Alan Robinson, 74 ans, se connaissent depuis plus de 60 ans. Ils ont grandi à quelques kilomètres l’un de l’autre à Honolulu, Hawaii, et sont amis depuis la classe de sixième année. Au secondaire, ils faisaient partie de la même équipe de football américain. Ils sont restés si proches que leurs enfants respectifs les appellent oncle Walter et oncle Alan. Alors imaginez leur surprise quand ils ont découvert qu’ils étaient des frères!

«Ça semblait si naturel, confie Walter, parlant de la révélation. On se connaissait tellement.»

Cette découverte est pourtant le fruit du hasard. Walter, professeur de mathématiques et d’éducation physique à la retraite, savait que son arbre généalogique était complexe. Il est né durant la Seconde Guerre mondiale. Sa jeune mère n’était pas mariée et ne pouvait pas élever seule son fils. La famille a donc prétendu que Walter était le fils de sa grand-mère et que sa mère était sa sœur. Walter n’a découvert la vérité qu’après le collège, et même alors sa mère (ni personne, du reste) ne lui a jamais révélé l’identité de son père.

En 2016, Cindy Macfarlane-Flores, la fille de Walter, lui a suggéré d’utiliser une de ces trousses de tests d’ADN généalogiques qui commençaient à se répandre. Quand elle s’est connectée à ancestry.com pour connaître le résultat, il est apparu qu’un certain Robby 737, un autre utilisateur, partageait suffisamment de caractéristiques génétiques avec son père pour qu’ils soient demi-frères. Cindy a demandé à ses parents s’ils connaissaient quelqu’un qui pourrait avoir adopté ce pseudonyme, et sa mère a aussitôt pensé à oncle Alan, l’ami de Walter: son surnom était Robby et il avait piloté des 737 de l’Aloha Airlines.

Est-ce possible? s’est demandé Walter. Dix minutes plus tard, quand il a fini par le joindre, Alan lui a confirmé qu’il était bien Robby 737!
«Je voulais rester cool, se souvient Walter, mais j’étais si excité que j’avais peur d’exploser. J’ai pris un ton détaché: “Je pense qu’on est frères, toi et moi.” Et il a répondu: “Ouais, bien sûr. C’est bon, Walter!”»

«J’étais dans le déni, explique Alan. On se connaissait depuis si longtemps que je croyais qu’il plaisantait.»

C’est prouvé! Ces caractéristiques sont spécifiques aux enfants du milieu dans la famille!

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Alan Robinson et Walter Macfarlane ont fait sans le savoir le même test d’ADN.
AVEC LA PERMISSION DE CINDY MACFARLANE-FLORES
Quand Walter (à gauche) et Alan jouaient au football américain ensemble au secondaire, ils ignoraient totalement qu’il y avait un lien de sang entre eux.

La vérité au grand jour

Pourtant, Alan savait que c’était possible. Il avait été adopté encore bébé par Norma et Lawrence Robinson. Quelques années plus tôt, il avait fait les mêmes tests d’ADN que Walter pour en apprendre plus sur ses origines et ses antécédents médicaux. Mais il n’en avait jamais parlé à Walter.

Les deux amis ont rapidement comparé les résultats de leurs tests sur le site 23andme.com pour se découvrir plusieurs chromosomes X identiques, ce qui signifiait qu’ils avaient la même mère. «Sans cette banque de données, on ne l’aurait jamais su», soupire Alan.

Apparemment, pourtant, leur mère avait tout fait pour que cela ne se sache jamais. Walter savait qu’elle s’appelait Genevieve K. Paikuli, mais sur le certificat de naissance d’Alan, c’est le nom de Geraldine K. Parker qui figurait. Ces initiales identiques ont fait penser aux deux hommes que Genevieve avait sans doute utilisé un pseudonyme en confiant son fils à l’adoption. Alan soupçonnait également les Robinson, ses parents adoptifs, d’avoir su que Genevieve était sa mère biologique, mais de ne lui avoir rien dit pour respecter son désir d’anonymat.

Pourquoi leur avait-on caché qu’ils étaient frères? Ils se l’expliquent par les normes sociales de l’époque et la période agitée ayant entouré l’attaque de Pearl Harbor, sans compter la guerre qui faisait toujours rage au moment de leur naissance.

«Nous ne savons pas ce qui s’est passé, mais nous ne leur en voulons pas, assure Walter. Chacun avait ses raisons d’agir à l’époque.»

Quoi qu’il en soit, les deux hommes ont gagné bien plus qu’ils n’ont perdu. Grâce à leurs tests d’ADN et aux recherches de Cindy, ils ont su qui étaient leurs pères: deux militaires du continent alors en poste à Hawaii. Mais il y a plus: Walter s’est découvert quatre autres demi-frères auxquels il a rendu visite en Californie; et Alan a appris qu’il avait de son côté deux demi-sœurs et un demi-frère. «C’est assez stupéfiant», reconnaît Walter.

Les recherches terminées, Walter et Alan veulent rattraper le temps perdu. Ils s’étaient perdus de vue après le collège et même s’ils se sont retrouvés par la suite, ils ne se voyaient guère, trop pris par l’éducation de leurs enfants. «Si on avait su plus tôt qu’on est frères, on ne se serait pas lâchés», insiste Walter. C’est le cas maintenant. Ils vivent tous les deux à Honolulu à quelques kilomètres l’un de l’autre, comme lorsqu’ils étaient enfants. Ils s’appellent toutes les semaines et se retrouvent régu­lièrement pour dîner. Ils envisagent même de faire une croisière ensemble.

«Notre mère a vécu jusqu’à l’âge de 92 ans, lance Walter; avec un peu de chance, ça nous laisse quelques années. Surtout avec notre bon bagage génétique!»

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«C’est ma fille»

Joanne Loewenstern avait 16 ans quand elle a appris qu’elle avait été adoptée. Ses parents adoptifs lui ont alors raconté que sa mère s’appelait Lillian Feinsilver et qu’elle était morte peu après sa naissance à l’hôpital Bellevue, à New York. Se sentant trahie et perdue, Joanne a passé des nuits à pleurer en essayant d’imaginer le visage de sa mère. Mais quelque chose lui disait qu’elle était toujours de ce monde.

Pendant des années, elle est restée hantée par le doute. La voyant tourmentée, sa belle-fille Shelley Loewenstern lui a suggéré de faire un test d’ADN. C’était en 2017 et Joanne avait 79 ans, mais même si sa mère était morte depuis des années, lui disait Shelley, d’en savoir plus sur sa famille biologique l’apaiserait. Joanne l’a écoutée et, au bout d’environ un an, Shelley a reçu sur ancestry.com un message d’un certain Sam Ciminieri dont la fiche génétique établissait un lien avec Joanne.

Shelley a aussitôt répondu à Sam en lui demandant s’il connaissait une certaine Lillian Feinsilver. Oui, a-t-il répondu, c’était le nom de sa mère. Et aussi invraisemblable que cela puisse paraître, elle était toujours en vie, à 100 ans: Joanne avait vu juste depuis tout ce temps.

Il y aurait d’autres découvertes saisissantes. Lillian vivait dans un établissement pour personnes âgées à Port St. Lucie, en Floride, et Joanne à Boca Raton, à moins de 130 kilomètres.

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Les retrouvailles

«Nous avons hérité de toute une autre famille que nous aurions pu ne jamais connaître», a confié Elliot Loewenstern, le fils de Joanne, au Washington Post.

La grande famille reconstituée a rapidement planifié une réunion à la maison de retraite de Lillian où, un mois plus tard, Joanne s’est retrouvée devant la mère qu’elle avait passé sa vie à chercher. Elliot, Sam, Shelley et l’un des petits-fils de Joanne les observaient. Dans son fauteuil roulant, Lillian qui souffrait de démence restait silencieuse.

Joanne lui a raconté qu’elle avait été adoptée en 1938 et qu’on lui avait dit que sa mère biologique était morte. Pas de réaction. Joanne pleurait doucement quand Lillian a semblé sortir de sa torpeur, comme si elle commençait à comprendre. Puis Joanne lui a parlé avec enthousiasme de ses enfants et de ses petits-enfants. Lillian a souri. Et elle a dit ces mots que Joanne attendait depuis plus de 60 ans: «C’est ma fille.»

Les Loewenstern ont appris par la suite que Lillian avait toujours raconté à sa famille qu’elle avait «perdu sa fille». Tout le monde, elle comprise, était persuadé que le bébé était mort. D’après la famille de Joanne, comme Lillian n’était pas mariée quand elle l’a mise au monde, on a dû lui enlever son bébé pour le confier à l’adoption.

Rien de tout cela n’a d’importance maintenant que la mère et la fille ont eu la chance de se retrouver. Elles ont passé ce premier après-midi à colorier ensemble, et c’est devenu leur passe-temps préféré.

Quand Joanne est revenue voir sa mère trois jours plus tard, Lillian a tout de suite su qui elle était. Elles se voient depuis aux deux semaines pour colorier, jouer et surtout être ensemble. «Je suis heureuse, a raconté Joanne à WPTV. J’en ai rêvé toute ma vie.»

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Suite à un test ADN, il a découvert de sang royal.
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Une révélation royale

Descendant d’esclaves, Jay Speights a eu du mal à trouver des traces écrites de l’histoire de sa famille. Comme son père avant lui, il a passé des années à chercher, et ce n’est qu’à 64 ans qu’un test d’ADN l’a mis sur une piste sérieuse. Le pasteur de Rockville, dans le Maryland, a découvert que 30% de son ADN indiquait qu’il était originaire du Bénin, un pays situé à l’ouest du Nigeria sur lequel Jay ne savait presque rien.

Sur les conseils d’un ami, il s’est tourné vers la banque de données GED Match, qui a aidé de nombreux Afro-Américains à retrouver leur parenté en Afrique. Et après avoir téléchargé ses données sur le site, Jay a noté une étonnante correspondance avec un cousin éloigné, un certain Houanlokonon Deka à l’ADN… royal! L’aristocratie béninoise? Jay était renversé et ne savait pas ce qu’il devait faire.

Le destin – ou peut-être même l’intervention divine – l’a rattrapé quelques mois plus tard quand il en a appris davantage sur sa lignée royale. Au New Seminary de New York, il a rencontré le grand prêtre du culte vaudou pratiqué en Afrique de l’Ouest qui arrivait du Bénin. À cet homme et à son groupe, Jay a raconté son étonnante histoire, et voilà que l’un des Béninois présents a aussitôt réagi: «Je connais votre roi. Voici son numéro.»

«C’est inimaginable, lâche Jay. Depuis des années que je me penchais sur les recherches de mon père, que j’épluchais ses dossiers… et voilà ce qui est tombé dans mon ordi. C’est la main de Dieu.»

La première fois que Jay lui a téléphoné, le roi Kpodégbé Toyi Djigla, chef traditionnel du royaume d’Allada dans le sud du Bénin, lui a raccroché au nez. La deuxième fois, le souverain a passé le combiné à sa femme, la reine Djèhami Kpodégbé Kwin-Epo, qui parlait anglais. Un fructueux échange de courriels entre la reine et Jay s’en est suivi, au point qu’elle lui a appris qu’il descendait du roi Deka qui avait régné quelques siècles plus tôt sur Allada. «Nous serions ravis de vous accueillir chez nous, cher prince», ajoutait-elle.

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Grâce à un test ADN, Jay a atterri au Bénin pour découvrir ses origines... royales!
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En direction du palais

Et c’est ainsi que le 6 janvier 2019, date d’anniversaire de son père défunt, Jay a atterri au Bénin où il a été accueilli par des banderoles rédigées en français, la langue officielle du pays: «Bienvenue au royaume d’Allada, terre de tes ancêtres.» Au moins 300 personnes l’attendaient à l’extérieur de l’aéroport. Elles ont dansé, chanté et joué de leurs instruments pour célébrer le retour de leur prince perdu depuis si longtemps.

En tête d’un cortège de voitures, la reine est venue le chercher à l’aéroport, lui a présenté les dignitaires locaux et lui a fait découvrir quelques lieux historiques. Quand ils sont arrivés au palais pour une audience avec le roi, au moins 1000 personnes les attendaient. Jay était bouleversé.

«Je regardais ces visages et ces silhouettes, cherchant une ressemblance physique, raconte-t-il. J’étais abasourdi, car je me suis retrouvé dans une situation inconcevable pour la plupart des Afro-Américains: j’avais retrouvé la part africaine de mon ADN.»

Jay s’est ressaisi avant de sortir de la voiture. Quand la foule a applaudi en scandant son nom, il a souri et l’a traversée en la saluant. Avant d’entrer dans le palais avec son interprète, il a eu droit à une rapide leçon d’étiquette sur la manière dont il devrait se comporter à l’arrivée du roi et comment il devrait s’adresser à lui. Dans la salle du trône, le souverain lui a souhaité la bienvenue chez lui et, avec l’aide d’interprètes, les deux hommes ont échangé sur le voyage de Jay. Dans la soirée, Jay a participé à un rituel dont le but était de révéler si ses ancêtres acceptaient Jay dans la famille. Heureusement, ils ont dit oui.

Le mystère demeure sur la façon dont ses ancêtres royaux ont traversé l’Atlantique. Le Bénin abritait jadis un des plus grands ports négriers d’Afrique de l’Ouest. La royauté africaine vendait ses prisonniers de guerre aux négriers, ce qui permettait à ses membres d’accompagner les marchands européens vers le Nouveau Monde… avant d’être à leur tour asservis. Les cousins béninois de Jay lui ont assuré que la famille royale d’Allada n’aurait jamais vendu son peuple, mais ils n’ont pas pu lui expliquer comment ses ancêtres s’étaient retrouvés sur un navire négrier. Si Jay se demande encore s’il descend d’esclaves ou de gens qui en ont mené d’autres à l’esclavage, il n’en a pas moins embrassé son héritage béninois.

«J’ai adopté ma nouvelle identité, tranche-t-il. Je peux mettre le doigt sur la mappemonde et clamer que la famille Speights vient de là précisément. Nous descendons d’une famille royale, nous avons une histoire.»

Jay continue du reste à approfondir ses liens avec la patrie de ses ancêtres. Lors de leur rencontre, le roi lui a confié quelques «devoirs princiers»: depuis son retour au Maryland, il a pour mission de trouver le moyen d’acheminer de l’eau potable au village qui entoure le palais d’Allada et de faire la promotion du royaume aux États-Unis. Avec le concours du Rotary Club d’Alexandria West, en Virginie, Jay s’emploie à récolter des fonds pour la construction de puits dans le village.

Il cherche aussi à retrouver d’autres personnes ayant un ADN les reliant à Allada pour qu’ils découvrent à leur tour leur patrie ancestrale. Après tout, tout le monde n’a pas la chance d’avoir dans ses contacts le numéro de téléphone du roi.

Vous serez surpris d’apprendre que ces traits particuliers proviennent de votre ADN!

Contenu original Selection du Reader’s Digest

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