6 jours piégée dans sa voiture au fond d’un ravin

Après l’accident, Corine s’est retrouvée piégée dans sa voiture au bas d’un talus, elle commençait à perdre espoir d’être retrouvée. Voici le témoignage d’une mère déterminée à vivre.

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Témoignage: l'accident de voiture.
Steven P. Hughes

Juste avant l’accident de voiture

Corine Bastide verrouille doucement la porte de l’appartement de son petit ami pour ne pas le réveiller. Il est 23h le 23 juillet 2019 et l’air est encore lourd après une journée à 31°C. Elle s’est disputée plus tôt avec son ex-mari au sujet de leurs trois fils et, énervée, elle sait qu’elle ne pourra pas dormir. Elle a donc décidé de rentrer chez elle en voiture, un trajet de 36 kilomètres sur l’autoroute reliant Liège à sa maison, dans le village belge de Wanze.

En entrant dans sa voiture, elle coince une mèche de longs cheveux auburn derrière son oreille et lisse distraitement sa robe verte aux motifs colorés. De la sueur ruisselle sur sa nuque.

La circulation est faible. Corine agrippe le volant, concentrée à la fois sur la route et sur ses pensées tournées vers ses fils, qui vivent avec elle la moitié du temps: Hadrien, 18 ans, amateur d’athlétisme déterminé à dédier sa vie à aider les victimes de crimes; Audric, 16 ans, champion de saut en hauteur; et Dorian, 12 ans, son «Dodo» et athlète en devenir.

Sans eux, je ne serais rien.

Assurez-vous de savoir comment éviter les accidents mortels en auto.

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Témoignage: l'accident de voiture.
Jag_cz/Shutterstock

L’accident

Perdue dans ses pensées, elle ne remarque la vibration de la voiture qu’au bout de 20 minutes.

Elle imagine David Bartholomé, son petit ami depuis cinq mois, la sermonner: «Je t’avais bien dit de faire réparer tes freins.» Il se passe tellement de choses dans sa vie – un divorce et la responsabilité de ses garçons en plus de son boulot dans une cafétéria locale – que faire inspecter sa voiture n’était pas une priorité. Jusqu’à maintenant.

Sors de l’autoroute, se dit-elle. Plus la voiture roule lentement, plus il sera facile de s’arrêter. Le panneau indiquant la sortie vers le village de Saint-Georges-sur-Meuse se trouve droit devant elle. Elle dirige la voiture vers la voie de sortie et commence à appuyer sur les freins. Doucement d’abord, puis de plus en plus fort. Rien!

Sa petite Fiat Bravo grise à hayon continue de prendre de la vitesse, tanguant alors qu’elle tente de la maî­triser. Elle heurte quelque chose. La voiture est dans les airs, puis dévale une pente qui semble aussi abrupte qu’une falaise, parsemée de roches irrégulières, d’épais troncs d’arbres et de branches basses. Les secondes, les minutes, une éternité passent. Puis un crissement terrible, le métal qui se froisse contre le métal, et le bruit du verre qui vole en éclats.

Corine est allongée sur le dos, désorientée. Elle ne comprend pas que la voiture s’est retournée. Elle est parvenue, elle ne sait comment, à décrocher sa ceinture. Elle perçoit le son d’une respiration haletante, rapide et sonore. Est-ce moi? Il doit être près de minuit. Elle aurait dû être arrivée chez elle à cette heure-ci. Quelque part dans l’habitacle, son portable sonne. Ses pensées s’entrechoquent: Est-ce que je suis vivante? Par pitié, aidez-moi! Quelqu’un m’a-t-il vue quitter la route?

Mais une seule pensée forme un chœur clair et constant dans la clameur du reste. Mes garçons sont ma bouée de sauvetage. Puis elle perd connaissance.

Pensez à abandonner ces habitudes qui réduisent la durée de vie de votre voiture.

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Témoignage: Corine n'arrivait pas à atteindre son téléphone après l'accident de voiture.
Steven P. Hughes

Jour un: constat des dégâts

La sonnerie du téléphone réveille brutalement Corine. Sans réfléchir, elle tend le bras pour l’attraper à tâtons. Tout à coup, la réalité s’impose à son esprit. Elle est allongée sur la paroi intérieure du toit de sa voiture, le siège conducteur suspendu au-dessus d’elle. Une branche dépasse du trou qui remplace le pare-brise. En silence, elle récite, comme pour s’ancrer dans le présent, son nom, la date du jour, le prénom de ses fils. Il y a eu un accident. Je suis en vie.

Des éclats de verre miroitent autour d’elle; le contenu de son sac à main est éparpillé partout.

«Han!» grogne-t-elle en tentant de se déplacer. Mais elle en est incapable car sa jambe gauche et son dos sont incrustés dans les éclats de verre.

Cette douleur! Bien qu’elle ne s’en rende pas compte à ce moment, son dos est brisé en plusieurs endroits, et tout son côté gauche est paralysé.

Il faut que quelqu’un me voie. La route est si proche. Elle entend les voitures qui passent. «À l’aide!» crie-t-elle, aussi fort que possible. «Je suis en bas!»

Elle appelle au secours jusqu’à ce que sa voix se brise. Personne ne l’entend. Même si elle n’est pas tombée loin – deux mètres tout au plus – la circulation est trop bruyante et le véhicule trop bien dissimulé dans le bois. Pendant ce temps, la sonnerie de son portable ne cesse de retentir.

David essaie certainement de la contacter. Et peut-être Hadrien, avec qui elle est en contact presque tous les jours.

Environ deux heures plus tard, le téléphone s’arrête définitivement de sonner, sa pile est à plat.

Elle gît là, attendant que quelqu’un la trouve. Il est maintenant midi passé et il fait encore plus chaud que la veille.

David doit penser que je suis fâchée contre lui. Et il a dû appeler Hadrien. Que pensent-ils qu’il m’est arrivé?

Elle s’endort en début de soirée. Pendant ce temps, David, qui a tenté de joindre Corine sur son portable à plusieurs reprises, appelle Hadrien.
«As-tu eu des nouvelles de ta maman?
— Non, répond-il. Est-ce qu’il y a un problème?»

Cette randonneuse n’aurait jamais pensé avoir sauvé quelqu’un du suicide.

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Témoignage: Corine était déterminée à sortir après l'accident de voiture.
Jonathan Weiss/Shutterstock

Jour deux: déterminée à sortir

Le soleil se lève dans une chaleur étouffante, c’est le jour le plus chaud de la semaine jusqu’à présent. Corine s’éveille, ses membres sont engourdis, mais elle sent une détermination nouvelle. Aujourd’hui, elle va se porter secours à elle-même. C’est une coureuse. Elle sait ce que c’est que d’atteindre sa limite et de la repousser. La voiture est sa limite, ainsi que les ronces et le talus. Il faut sortir de la voiture, escalader péniblement le ravin et faire signe à un véhicule de s’arrêter.

«S’il vous plaît, appelez le père de mes enfants, s’imagine-t-elle dire à son sauveteur. Ils doivent savoir que je vais bien.»

C’est ainsi qu’elle considère Stéphane. Le père de mes enfants. L’homme avec qui elle a été en couple pendant 23 ans après avoir quitté l’île Maurice pour s’installer en Belgique, il y a plus d’un quart de siècle.

C’est étrange, elle n’a ni faim ni soif. Elle regarde autour d’elle pour trouver un moyen de sortir de la voiture. Avec son châssis plié et tordu, ce n’est pas facile, mais… là! oui, elle va se servir de la ceinture de sécurité enroulée au-dessus d’elle comme d’une corde pour se hisser à travers l’ouverture découpée à l’avant! Serrant les dents sur la douleur aveuglante, elle déplace son corps; à chaque mouvement les éclats de verre dans son dos et ses jambes s’enfoncent plus profon­dément. Il lui faut 15 minutes pour n’avancer que d’un ou deux centimè­tres. Hadrien, Audric, Dorian. Ils sont son mantra.

«Allez, tu peux le faire», s’encourage-t-elle à haute voix, imaginant qu’Hadrien lui parle. Le soleil est haut dans le ciel lorsqu’elle parvient enfin à passer la tête à l’extérieur. En levant le regard, elle aperçoit des morceaux de ciel bleu à travers la canopée de branches cassées. En tournant la tête pour observer vers le bas, elle pousse un cri de frustration: la voiture est perchée sur une petite corniche, et il reste une chute de 50 centimètres pour atteindre le plat couvert de racines noueuses et de pierres tranchantes.

Si je m’élançais tête la première, je pourrais me briser le cou.
Découragée, elle reste là, rassemblant les quelques forces qu’il lui reste pour battre en retraite dans la voiture. Quand elle parvient à se réinstaller à l’intérieur, le ciel commence à changer de couleur.

«Dors, s’exhorte-t-elle, épuisée. Il reste encore demain.»
Pendant ce temps, Hadrien et David appellent tous les gens qu’ils con­naissent. Mais personne n’a eu de nouvelles de Corine.

«Il n’y a même rien sur Facebook, remarque Hadrien. Si une matinée s’écoule sans qu’elle publie de billet, c’est qu’il y a un gros problème. Il est temps d’appeler la police.»

À la fin du deuxième jour, ils apprennent que la dernière localisation du signal du portable de Corine a été détectée dans la région de Saint-Georges-sur-Meuse. Mais il y a tant de fermes et de petites communautés dans cette zone, et la faible population est disséminée sur plus de 20 km2 dont la majeure partie est couverte de forêt. À cette heure, elle pourrait être n’importe où. Peut-être a-t-elle été enlevée. Peut-être est-elle morte.

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Peut-on vraiment être allergique au soleil?
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Jour trois: l’épuisement

Le temps ne change pas, chaud et moite, sans un nuage dans le ciel.

Ce matin-là, Corine, désespérée et déterminée, déplace son corps pour appuyer ses épaules et ses bras contre une portière et tenter d’ouvrir l’autre d’un coup de pied. Encore et encore, elle grogne d’effort. Mais elle est trop faible et les portières sont tellement endommagées qu’elle ne parvient pas à les faire bouger. Et maintenant? Corine regarde autour d’elle. Ses yeux tombent sur la portière arrière, que l’accident a laissée partiellement ouverte. Et si elle tentait de se faufiler dans l’entrebâillement les pieds en premier? Mais en a-t-elle la force?

Demain, décide-t-elle.

Selon la gravité de la situation, assurez-vous de savoir comment réagir dans les 10 minutes qui suivent un accident de voiture.

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Il est inutile de s’excuser de partager la nouvelle de votre promotion sur Facebook.
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Jour quatre: nous te retrouverons

Corine se réveille mouillée. Il pleut par intermittence, l’eau pénètre par le pare-brise fracassé et détrempe sa robe, déjà humide de son urine. Le temps se réduit à la lumière et à l’obscurité, au jour et à la nuit, à la différence entre vivre et mourir. Elle ne peut que rester là, à écouter le bruit de la circulation, la pluie et le sifflement du vent.

Sur Facebook, Hadrien implore quiconque aurait des informations de le contacter ou d’appeler la police, et la famille crée une affiche qu’elle placardera partout au cours des jours suivants.

Nous te retrouverons, se jure-t-il. Nous avons besoin de toi.

On sous-estime parfois la force des réseaux sociaux: perdus dans la jungle, ils ont été sauvés grâce au réseau mondial.

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Après la tempête de neige, il ne cesse de pleuvoir.
NOPPHARAT689/Shutterstock

Jour cinq: tu reverras tes garçons

Une pluie torrentielle transforme la voiture en baignoire, et Corine se retrouve à demi submergée, ses longs cheveux flottant autour d’elle. Si seulement elle pouvait se laisser engloutir et que tout s’arrête.

Hadrien, Audric, Dorian.

«Tu reverras tes garçons, annonce-t-elle à voix haute. En vie.»

Elle tente de recueillir l’eau de l’averse, d’abord dans une boîte de gomme à mâcher vide, mais le carton ne fait que l’absorber. Elle cherche encore et aperçoit la branche qui dépasse à l’intérieur du véhicule, ses feuilles ruisselant d’eau.

Avec précaution, elle lève la tête, la bouche ouverte, et guide la branche sur sa langue à l’aide de sa main droite. Elle tète comme un bébé, aspirant assez d’eau de la végétation pour humecter son palais.

Sa robe est remontée dans l’eau et ses cuisses sont exposées, brûlant d’une multitude de coupures. Elle grelotte de manière incontrôlable, en partie parce que la température a chuté et que sa robe mouillée est glacée.

Sans rien à manger pendant cinq jours et uniquement de l’eau de pluie pour étancher sa soif, elle est en train de tomber en hypothermie: son corps affamé consomme ses propres cellules graisseuses pour la maintenir en vie.

Sans réfléchir, elle arrache frénétiquement sa robe et hurle lorsque le tissu emporte des lambeaux de peau avec lui. Puis elle demeure immobile, comprenant qu’elle doit rapidement reprendre ses esprits. «Tu ne peux pas dormir, parce que si tu t’endors, tu mourras de froid, se rappelle-t-elle à voix haute. Je vous en supplie, retrouvez-moi vite. Je ne sais pas combien de temps il me reste.»

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Témoignage: les retrouvailles après l'accident de voiture.
Avec la permission de Corine Bastide
Corine avec Audric (à gauche), Dorian et Hadrien, Noël 2019.

Jour six: libération et retrouvailles

Le soleil est ressorti, accompagné d’une légère brise. Le temps idéal pour courir ou assister à l’une des nombreuses compétitions d’athlétisme des garçons. Mais pas pour cela. À bout de forces, Corine, catholique pratiquante depuis toujours, a une conversation avec Dieu.

«Seigneur, si tu vois quelque chose que je n’ai pas encore essayé, aide-moi à trouver une solution, implore-​t-elle. Car je ne peux rien faire de plus toute seule.»

Pendant ce temps, les parents d’un ami d’Hadrien, Laurence Lardinois et son mari, Olivier Lechantre, sont de sortie cet après-midi pour faire des courses. Ils pensent à Corine. Plus tôt dans la journée, Olivier a aidé son fils à placarder des affiches «Personne disparue» dans le quartier.

Ils conduisent lentement dans la sortie vers Saint-Georges-sur-Meuse lors­que Laurence, installée côté passager, aperçoit au bas du talus une voiture retournée et tellement couverte de végétation et de boue qu’on la croirait abandonnée là depuis longtemps.

«Mais ça pourrait être Corine, dit-elle. Allons voir.»
Ils se garent et descendent avec précaution, Olivier menant la marche car le terrain est semé de pierres, branches et racines sur lesquelles trébucher. Soudain, ils entendent une voix faible.

«Aidez-moi, appelle Corine. Je suis en bas!
— Êtes-vous Corine?
— Oui! Comment connaissez-vous mon nom?
— Beaucoup de monde vous cher­che! C’est un miracle, lui répond-on. Un miracle!»

Laurence appelle la police, et environ 10 minutes plus tard, une ambulance arrive et un hélicoptère atterrit dans le champ voisin pour transporter Corine à l’hôpital de Liège. Les secouristes doivent couper des branches et arracher la portière de la voiture pour la sortir de là sans danger.

À l’hôpital, les médecins diagnostiquent de multiples fractures sur sa colonne vertébrale, une grave faiblesse du côté gauche, un poumon affaissé et de l’hypothermie. Lorsqu’elle sort de la salle d’opération, David et ses fils sont là.

«Tu nous as fait une sacrée peur», lui confie David.
Le cou et la colonne vertébrale soutenus par un appareil orthopédique, le corps brisé et meurtri, elle fond en larmes. «Pensiez-vous que je vous avais abandonnés?» demande-t-elle.

Puis elle tourne la tête vers les garçons, qui se tiennent devant elle, embarrassés. Ils voudraient la serrer fort dans leurs bras et ne plus jamais la lâcher – mais ils ne peuvent pas.

«C’est en pensant à vous que j’ai tenu», leur avoue-t-elle.

Vous serez bouleversé par le courage de ces hommes prisonniers dans les profondeurs d’une mine d’or.

Contenu original Selection du Reader’s Digest

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