Changements climatiques: les jeunes sauveront la planète

À l’heure où la population vieillit encore plus vite que le monde ne se réchauffe, un fossé sépare les générations. Les jeunes sont inquiets face aux changements climatiques, mais la plupart ne sont pas en âge de voter. Cependant, le climat ne peut pas attendre.

Changements climati­ques et avenir.Alexandros Michailidis / Shutterstock.com
Greta Thunberg à Bruxelles, Belgique

L’échec face aux changements climati­ques

Dans son discours au parlement britannique en avril 2019, la jeune militante Greta Thunberg a dit s’exprimer au nom des enfants trahis par les politiques et les électeurs ayant échoué à empêcher les changements climati­ques ainsi qu’à celui des milliards d’enfants à naître, futures victimes d’un monde qui se réchauffe rapidement.

«J’ai 16 ans, je viens de Suède et je parle au nom des générations à venir, dit-elle. Mais il se peut que nous n’ayons pas d’avenir.»

Aucun politicien n’a osé atténuer la sombre force morale de ce message. Il aurait fallu pour ça faire preuve d’un grand courage. On a plutôt encaissé les accusations et promis de mieux faire.

Les propos de la jeune Suédoise ont mis en lumière le fossé profond qui sépare les générations en matière de politiques sur le climat: le conflit entre ceux qui ont le pouvoir d’agir et ceux qui devront vivre avec les conséquences de l’inaction de ces derniers. La crise du climat exige une réflexion à long terme, alors que la politique électorale est plutôt sensible au court terme. Les hommes et les femmes politiques ont beau parler d’avenir, sans une modification de notre pratique de la démocratie, le véritable enjeu restera toujours le gain politique immédiat.

Voici ce qu’il faut savoir pour lutter contre les changements climatiques.

Fossé générationnel

Jeunes et vieux sont comme deux tribus politiques adverses. En Angleterre, un sondage récent révélait que, pour près de la moitié des électeurs de 18 à 24 ans, l’environnement était la question la plus urgente de notre temps. Moins de 20 % des électeurs de plus de 65 ans partagent cet avis.

Les changements climatiques sont désormais un conflit entre deux visions du monde sur fond générationnel – et cet affrontement, les électeurs plus âgés sont en train de le gagner. Quand Greta Thunberg parle au nom des générations à venir, le poids du nombre joue en sa faveur. Mais les climatoscepti­ques, ou du moins ceux qui ont d’autres priorités, pèsent plus lourd devant les urnes. Car notre monde a vieilli encore plus vite qu’il ne s’est réchauffé.

Les responsables politiques démocrates qui se sont engagés auprès de Greta Thunberg et des siens pourraient voir leurs efforts entravés par leur propre électorat, hostile à de nouvelles politiques. S’attaquer aux changements climatiques exigera que nous modifiions profondément notre comportement en matière d’alimentation, de logement et de déplacement. Sauf que les vieux ont souvent plus de mal avec le changement que les jeunes. Ceux qui n’ont jamais eu de voiture s’en passeront sans peine contrairement à ceux qui ont roulé toute leur vie.

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Changements climatiques: le climat ne peut pas attendre.Maria Merlos / Shutterstock.com
Près d’un demi-million de personnes avaient participé à la marche pour le climat en septembre 2019 à Montréal

Le climat ne peut pas attendre

Atermoyer est peut-être une solution, puisque la jeune génération finira tôt ou tard par remplacer l’ancienne. La crise actuelle occupera une place plus importante sur l’échiquier politique quand les générations nourries au climat auront gravi l’échelle des âges.

Le problème, c’est que le climat ne peut pas attendre. La jeunesse éclairée d’aujourd’hui ne vieillira pas assez vite; il faut des actions décisives avant 2030, insiste le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC).

Ou alors, il faut corriger le déséquilibre électoral en abaissant l’âge du droit de vote. À voir comment une jeune fille de 16 ans a remis les leaders politiques du Royaume-Uni à leur place, il n’y a pas de bonne raison de lui refuser le droit de vote. Mais les propositions politiquement envisageables – comme l’abaissement de l’âge du droit de vote – ne suffiront pas à créer une différence décisive.

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Le système démocratique trop lent?

Il faut d’autres types de changements institutionnels pour combler le fossé générationnel. Les politiques sur le climat des 30 dernières années illustrent combien la démocratie électorale se prête mal à un consensus sur les actions à mener. Les différentes perspectives sur l’avenir à long terme se transforment en positions polarisées, rendant d’autant plus difficile l’élaboration d’une perspective commune sur les émissions de carbone et l’énergie renouvelable. La politique partisane noie la recherche d’un terrain d’entente.

Le système chinois autoritaire a quelques avantages: le régime du parti unique s’affranchit des cycles électoraux et de la consultation populaire. Les solutions technocratiques qui confient le pouvoir à des experts non élus privent les électeurs de leur droit de regard sur des décisions capitales.

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Greta Thunberg demande une démocratie où elle sera entendue

Mais dépasser la démocratie ne satisferait pas non plus l’actuelle jeune génération, qui ne demande pas moins de démocratie, mais une démocratie où elle sera entendue.

Il faudrait plutôt des réformes qui permettraient de sortir de l’impasse générationnelle qui mine la politique électorale. On pourrait, par exemple, permettre que des individus ayant des opinions divergentes puissent échanger directement entre eux. À l’occasion d’assemblées citoyennes, des enfants d’âge scolaire participeraient à des débats politiques et au processus décisionnel avec des gens de la génération de leurs grands-parents – à condition que les décideurs acceptent d’associer leurs décisions aux résultats de ces délibérations.

Autre possibilité: une démocratie directe plus radicale. Les manifestations, surtout quand elles sont soutenues, poussent les politiciens et les citoyens à réagir. Le voyage de Greta Thunberg à Londres coïncidait avec l’organisation de grandes manifestations organisées par le groupe Extinction Rebellion qui a adopté des tactiques inspirées notamment du mouvement des droits civiques aux États-Unis. Des actions de désobéissance civile ont d’ailleurs paralysé certains quartiers de la ville.

Mettre plus d’énergie au service de ces autres formes de démocratie – les assemblées citoyennes et la désobéissance civile plutôt que les élections et la formation de partis – changera radicalement la vie politique. C’est peut-être le seul moyen d’empêcher que notre planète ne se transforme à en être méconnaissable. 

David Runciman est professeur de politique à l’université de Cambridge et auteur de How Democracy Ends.

Tiré de Foreign Policy (été 2019). © 2019, par le Slate Group

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