Le shadow work, une porte d’accès vers son inconscient
Si certains souvenirs provoquent parfois en vous un malaise ou évoquent un sentiment de honte, c’est parfaitement normal: c’est ce qu’on appelle, selon les travaux du psychanalyste suisse Carl Gustav Jung, «l’ombre».
Dans la psychanalyse, «l’ombre» fait référence à l’ensemble des aspects rejetés ou inconscients de soi-même, comme les instincts, les désirs refoulés, les peurs et les émotions jugées négatives. «C’est quelque chose de très primitif qui se trouve à l’intérieur de nous-mêmes; une zone où l’on peut retrouver de la honte, de la culpabilité ou encore des choses qui ne sont pas nécessairement observées consciemment dans notre quotidien», explique la Dre Roxane Larocque, psychologue au Centre d’évaluation neuropsychologique de l’Est-du-Québec (Céneq).
Bien qu’elle semble inaccessible, cette partie de nous-mêmes peut être explorée par le biais d’une pratique de croissance personnelle appelée le shadow work, désigné en français sous les termes de «travail sur l’ombre» par certains psychanalystes. Basée sur la théorie de Jung, elle permet à un individu d’observer activement les aspects réprimés ou perçus comme négatifs de sa personnalité dans le but de mieux se comprendre et de favoriser son développement personnel.
«Aller à la rencontre de son ombre, c’est aussi aller à la rencontre de soi, de se découvrir complètement et de se libérer. […] De là, il peut se dégager des tendances qui reviennent, et on peut explorer comment ça s’exprime à travers notre vie», souligne la Dre Larocque.
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Une tendance popularisée par la pandémie
Le shadow work a connu une forte croissance de popularité, et ce, en particulier depuis le début de la pandémie. Les requêtes Google concernant cette pratique ont d’ailleurs explosé entre mars et décembre 2020, en particulier au Canada et aux États-Unis, après que celle-ci ait été relayée massivement sur les réseaux sociaux.
Face à une crise sanitaire sans précédent, plusieurs personnes se sont tournées vers des méthodes d’introspection et de développement personnel, souvent à la recherche de réponses et de sens devant l’inconnu. «On est de plus en plus sensibles à l’impact de nos émotions et de l’autorégulation de notre santé mentale. Avec la pandémie, nos capacités d’adaptation ont été mises à rude épreuve, et pour certains, c’est devenu encore plus important de prendre soin de soi», précise la Dre Larocque.
Le shadow work s’intègre facilement dans le quotidien: la première étape est de se montrer plus curieux par rapport à nos mécanismes inconscients. «Ce n’est pas juste de se poser des questions, mais aussi de faire face aux réponses. Une fois qu’on se répond, il faut savoir quoi faire avec ça, surtout si ce qu’on trouve est souffrant», soutient la Dre Geneviève Beaulieu-Pelletier, psychologue, conférencière et professeure associée à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).
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Comment s’y initier?
D’emblée, le shadow work peut consister en une simple observation: le fait de porter une attention particulière à ses réactions émotionnelles, ses pensées et ses habitudes peut permettre de mieux comprendre ce qui les déclenche et ce qu’elles révèlent sur les aspects réprimés de la personnalité.
Cet exercice peut s’accompagner d’un dialogue intérieur, c’est-à-dire en se posant des questions et en tentant d’écouter les réponses qui proviennent de différentes parties de soi. «Le but est de devenir conscient de nous-mêmes, et donc ça peut être la tenue d’un journal, où on peut simplement noter ce qui se passe dans la journée et être attentif à notre relation avec nous-mêmes et avec les autres», explique la psychologue du Céneq.
Un journal dans lequel vous pouvez écrire librement vos émotions et vos désirs peut aussi vous aider à mettre en lumière des aspects cachés de votre personnalité. «Prendre le temps – que ce soit chaque jour ou régulièrement – de mettre ses pensées par écrit est une bonne méthode, précise la Dre Beaulieu-Pelletier. Ça permet de transformer ce qui n’est pas clair en moi vers quelque chose de concret, de le verbaliser».
Selon la professeure, la méditation est aussi un excellent moyen d’accéder à son «ombre», notamment en pratiquant la pleine conscience. Le fait d’être présent et connecté avec soi-même peut nous rendre plus attentifs à vos réactions internes et faciliter une compréhension de vos mécanismes. «Les exercices de pleine conscience sont de prendre un temps pour se centrer sur soi et de s’essayer de s’intéresser à ce qui se passe à l’intérieur, au niveau des sensations physiques, des émotions ou des pensées», explique-t-elle.
Améliorer ses relations personnelles
Lorsqu’il est bien fait, le shadow work peut grandement améliorer la relation qu’une personne entretient avec elle-même et avec les autres. Il permet, entre autres, de prendre conscience de nos réactions émotionnelles, de nos schémas de pensée et des motivations profondes derrière nos actions. Il peut également aider à surmonter des obstacles psychologiques ou à traiter des blessures du passé. «Plus on apprivoise ce qui est là, moins on va être mal et cultiver un regard négatif envers nous-mêmes. On va moins se juger, et développer une image de soi et des autres qui est plus positive», indique la Dre Beaulieu-Pelletier.
L’identification de comportements récurrents contribue aussi à briser certains automatismes néfastes et à s’accepter dans sa globalité, y compris ses faiblesses. «Ça exige des efforts et on tombe dans une grande zone de vulnérabilité, convient la Dre Roxane Larocque. Il faut se demander: “qu’est-ce que je traîne du passé qui est encore présent dans mes relations?”. On essaye de voir en quoi ça part de la part d’ombre en soi, quelle est sa partie à guérir pour être le plus accessible possible».
Être accompagné, un atout considérable
Comme toute technique de croissance personnelle, le shadow work peut s’avérer néfaste s’il est pratiqué de façon excessive ou inadéquate. «On voit de plus en plus, notamment sur TikTok, des conseils d’autoguérison et d’autosoins. L’enjeu avec ça, c’est qu’on ne part pas tous égaux par rapport à ces méthodes-là, on n’a pas tous le même sens d’autocritique et on ne sait pas nécessairement ce qu’on va découvrir», prévient la Dre Larocque.
Le shadow work peut engendrer une surcharge émotionnelle si vous vous y plongez de façon trop subite: il est essentiel d’explorer l’ombre de façon progressive et de prendre des pauses lorsque le processus devient trop intense. Selon la psychologue, certaines personnes peuvent s’avérer plus fragiles que d’autres: l’exploration de l’ombre peut révéler des traumatismes cachés importants et qui doivent être pris en charge. «Le processus peut être très difficile et douloureux: on retombe dans des zones très primitives et dans des blessures qu’on n’avait pas nécessairement envie d’aller explorer. On tire un peu une ficelle sans savoir ce qui est au bout», ajoute la psychologue.
Nombreux sont les gens qui, lorsqu’ils dévoilent un aspect négatif ou honteux d’eux-mêmes, se sentent coupables et se critiquent sévèrement. Il faut cependant éviter de se juger pour ne pas renforcer un schéma de pensées négatives. «Il faut accueillir ce qui émerge, et on essaye de développer un regard d’autocompassion envers ce qu’on ressent, plutôt que de prendre peur. […] Mais si on sent que l’exploration augmente le niveau de détresse de façon significative ou nous désorganise davantage […], c’est important de réaliser qu’on doit être accompagné», indique la Dre Beaulieu-Pelletier.
Bien que tout le monde n’ait pas accès à des services de psychothérapie, l’accompagnement par un intervenant peut faciliter le processus du shadow work et le rendre plus efficace. «On a quelqu’un qui est là dans un terrain neutre, qui nous offre un endroit sécurisant pour aller explorer les choses qui sont très difficiles. Le regard externe permet aussi de voir nos défenses, et son travail sera de les souligner», conclue la Dre Beaulieu-Pelletier.
Cela dit, il est primordial de ne pas se surinvestir dans un angle précis du shadow work, puisque cette pratique n’est qu’un outil de gestion des émotions parmi tant d’autres. «En fin de compte, le shadow work n’est qu’une part du travail fait en psychothérapie. Il faut aussi évoluer avec d’autres aspects de soi-même, notamment nos forces», conclut la Dre Beaulieu-Pelletier.
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