Tendre vers le zéro déchet: entrevue avec Mélissa de La Fontaine

Pour Mélissa de La Fontaine, les poubelles de notre société souffrent d’obésité morbide: il est temps de les mettre au régime zéro déchet.

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Mélissa de La Fontaine, conférencière et consultante en approche zéro déchet.
Cindy Boyce
Mélissa de La Fontaine

Faut-il vraiment jeter tout ça?

Son livre aurait pu s’appeler «En as-tu vraiment besoin?» si Pierre-Yves McSween n’avait pas utilisé ce titre pour son ouvrage à succès sur les finances personnelles et les saines habitudes de consommation. Or, l’approche de Mélissa de La Fontaine n’est pas si différente dans Tendre vers le zéro déchet (Éditions La Presse, 2019), voulant éveiller les consciences sur tout ce qui prend le chemin des dépotoirs à cause de notre négligence collective, une aberration dont les impacts socio­économiques et environnementaux sont catastrophiques. Pour cette conférencière et consultante en approche zéro déchet, une petite révolution doit s’amorcer. Elle commence dans nos cuisines et nos placards, là où passent en coup de vent trop de nourriture jetée en pure perte et de vêtements bon marché vite usés. En fait, chaque ménage moyen aux États-Unis possède environ 300 000 objets, tandis que le Canada, qui représente 0,5 % de la population mondiale, produit 2% du volume des déchets générés dans le monde. Devant pareils constats, Mélissa de La Fontaine a décidé de tirer un trait sur sa carrière d’assistante-­réalisatrice pour tenir un rôle de premier plan dans la lutte au gaspillage sous toutes ses formes.

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Le zéro déchet n'est pas seulement pour vous une passion, mais une véritable manière de vivre.
Galina Zhigalova/Shutterstock

Une manière de vivre

Depuis que vous avez découvert Béa Johnson en décembre 2012 , certainement la figure la plus connue du mouvement zéro déchet à l’échelle internationale, cette approche n’est pas seulement pour vous une passion, mais une véritable manière de vivre.

Entre 2012 et maintenant, il y a eu une évolution profonde. Au départ, tout était axé sur ma production de déchets à la maison, et les impacts que je générais. Mais je suis une personne qui, devant un problème, cherche une solution, quitte à la créer! Je me suis vite rendu compte que le sujet est beaucoup plus vaste: tout ce que l’on consomme, même en vrac, génère des déchets et a nécessité beaucoup de ressources pour se rendre jusqu’à moi. Et toutes ces choses auront un impact écologique une fois sorties de chez moi. Par exemple, je n’achète plus de vêtements neufs: c’est non seulement plus écologique, mais aussi plus socialement responsable quand on sait qu’ils sont fabriqués dans des pays où les conditions de travail sont lamentables.

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L’approche zéro déchet est-elle à la portée de toutes les bourses?
Natalia Deriabina/Shutterstock

L’approche zéro déchet est-elle à la portée de toutes les bourses?

C’est vraiment accessible à tout le monde et super économique. Certaines choses peuvent être plus coûteuses, surtout si on décide d’acheter des aliments biologiques non emballés, de provenance locale et de saison, mais il y en a tellement d’autres que je n’achète plus, dont les produits ménagers et les produits de beauté, parce que je les fabrique moi-même. Je me procure aussi des choses durables, comme ma machine à laver âgée de 45 ans, je l’ai fait réparer quatre fois, mais ça me revient beaucoup moins cher que d’en acheter une nouvelle tous les quatre ans. Pourquoi? Parce qu’en plus de la mécanique, on retrouve des composantes électroniques: réparer devient quasiment impossible. Comme dit une collègue: «Quand c’est brun ou beige, c’est plus fiable!»

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Les impacts économiques de l'approche zéro déchet à grande échelle.
Gorlov Studio/Shutterstock

Impacts économiques

Les impacts négatifs sur l’économie ne seraient-ils pas nombreux si le zéro déchet tel que vous le pratiquez était répandu à grande échelle?

Je vous l’accorde: le système économique actuel pourrait s’écrouler si tout le monde faisait comme moi. Mais il faut avoir une réflexion sur ce système: selon RECYC-QUÉBEC, chaque Québécois produisait 685 kg de déchets en 2015, et sur les 77 sites d’enfouissement que comptait la province en 2012, 5 d’entre eux recevaient 75% de tous les déchets produits. Qui veut d’un site d’enfouissement dans sa cour? Sans compter l’impact sur l’environnement: on ne peut pas changer de planète, alors c’est bien plus logique de changer notre structure économique que le climat. Il faut arrêter de croire que les nouvelles technologies vont nous sauver: ça ne fonctionnera pas. Voici 30 gestes qui vous aideront à diminuer la quantité de vos déchets.

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Faut-il facturer les ordures au poids pour tendre vers le zéro déchet?
Adi Loosli/Shutterstock

Faut-il facturer les ordures au poids?

On dit souvent que pour changer les comportements, il faut viser le porte-monnaie des gens. Croyez-vous que la facturation des ordures, au poids par exemple, serait une bonne façon d’accélérer le processus?

La question est sensible, car cette pratique toucherait les gens les plus pauvres. Il faudrait une tarification, mais certains réclament le droit fondamental de jeter, ce qui me fascine… Ça devrait plutôt être une responsabilité. Dans mon livre, j’avoue que ça me désole de conscientiser les gens par le biais de l’argent; malheureusement ou heureusement, cet argument fonctionne. Car si les gens payaient, ils verraient les quantités de déchets qu’ils produisent. Mais ils ne les voient pas. En plus, gaspiller de la nourriture, ça aussi ça coûte cher.

Vous serez surpris par l’envers du décor de la gestion des déchets au Canada…

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Militer avec bienveillance pour une approche zéro déchet.
Halfpoint/Shutterstock

Dans votre livre, vous prônez un militantisme bienveillant, et souriant!

C’est une des seules voies possibles pour amener l’être humain à effectuer des changements: imposez-lui quelque chose, il va se braquer et refuser. Je préfère prêcher par l’exemple, et avec gentillesse. Mais il y a beaucoup de discussions au sein du milieu environnemental, et des tensions; les stratégies sont différentes, certaines plus extrêmes que d’autres, mais toutes sont essentielles. Selon plusieurs, je suis plutôt «soft», mais en dehors de ce milieu, on me considère comme une extrémiste!

Adoptez ces changements simples pour devenir plus écologique.

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L'approche zéro déchet.
Bogdan Sonjachnyj/Shutterstock

Avez-vous aussi l’impression d’être marginale?

Mon objectif, c’est que de plus en plus de gens tendent vers le zéro déchet plutôt qu’une poignée d’irréductibles qui le fait parfaitement: l’impact sera plus grand et poussera notre structure économique à changer. Et plusieurs croient que le zéro déchet me prend beaucoup de temps et d’énergie. Ce qui est long, c’est la transition. On me dit parfois: penses-tu toujours à ça? Honnêtement, pas plus que vous à propos de vos ordures.

Inspirez-vous de ces 20 idées pour un Noël zéro déchet!

Contenu original Selection du Reader’s Digest

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