De la poubelle à l’assiette: contrer le gaspillage alimentaire

Après avoir travaillé des années comme chef dans de grands restaurants, Guillaume Cantin a choisi de s’attaquer au fléau du gaspillage alimentaire.

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Guillaume Cantin contre le gaspillage alimentaire.
Maude Chauvin
Guillaume Cantin

Tout est parti d’un défi

Par une journée fraîche d’octobre 2016, Guillaume Cantin et quelques comparses sont en pleine chasse au trésor dans les ruelles du quartier Rosemont–La Petite-Patrie. Certains examinent le contenu de sacs poubelles, d’autres ont le corps plongé dans des bennes à ordures. Tous s’extasient devant leurs trouvailles: tomates cerises et poires mûres à la perfection, sacs de quinoa jamais ouverts… Autant de victuailles destinées à l’enfouissement. À la perte totale!

Si le chef Guillaume Cantin a décidé ce jour-là de «faire les poubelles», c’est parce que son ami, Thibault Renouf, l’a mis au défi de préparer un repas gastronomique à partir de déchets. Le cuisinier ne doutait pas qu’il trouverait suffisamment de nourriture, mais il s’attendait à trouver des produits moisis et abîmés difficiles à transformer. «C’est vraiment la qualité qui nous a profondément marqués», raconte-t-il. À part une égratignure par-ci ou une tache par-là, les aliments étaient, la plupart du temps, entièrement récupérables.

Le gaspillage de nourriture est un gros problème, c’est d’ailleurs l’un des 23 secrets que les restaurateurs aimeraient vous confier.

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Gaspillage alimentaire: près de 60% de la nourriture produite au Canada finit à la poubelle.
Joerngebhardt68/Shutterstock

Près de 60% de la nourriture produite au Canada finit à la poubelle

Avant ce pari un peu particulier, Guillaume Cantin, qui avait rendu son tablier de chef au feu restaurant Les 400 coups début 2016, et son ami Thibault avaient longuement réfléchi à un enjeu qui les préoccupe grandement: trouver un moyen de changer le système alimentaire dans une optique de préservation environnementale et de transformation sociale. Un enjeu tout à fait d’actualité quand on sait que près de 60% de la nourriture produite au Canada finit à la poubelle et que 32% de ces aliments sont encore tout à fait comestibles!

Dans la foulée de cette expédition dans les poubelles du quartier, une idée germe dans leur esprit: revaloriser les invendus alimentaires en les transformant en produits que les gens aimeront. Ils partent alors à la rencontre des épiciers du quartier et cherchent à savoir ce dont ils ont besoin – ils seront les clients de leur future entreprise. En leur donnant leurs invendus afin qu’ils les transforment en produits qui seront revendus par leurs commerces, leur explique-t-il, ils ressortiront gagnants à la fois sur le plan moral et financier. Écologie rime avec économie! Testez ces trucs pour réduire votre gaspillage alimentaire et économiser jusqu’à 1700$ par année!

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La Transformerie a vu le jour en juillet 2017 pour lutter contre le gaspillage alimentaire.
Bénédicte Brocard

Le projet est lancé

En juillet 2017, Guillaume Cantin et Thibault Renouf, à qui se sont joints Marie Gaucher et Bobby Grégoire, créent La Transformerie. Sa mission: réduire le gaspillage alimentaire et sensibiliser consommateurs et commerçants aux vertus d’une économie circulaire et collaborative. Il faudra plus d’une année à Guillaume Cantin pour mettre au point ses recettes, notamment des conserves de fruits faites à partir d’invendus récupérés dans les épiceries avec qui ils ont développé des partenariats. Les saveurs de ces «Rescapés», comme on les appelle, vont de la tartinade à la mangue et aux épices créoles à la marmelade d’agrumes en passant par la fameuse compote «Tarte aux pommes».

Finalement, au printemps 2019, la machine est fin prête à être mise en marche. En avril, La Transformerie commence sa collecte hebdomadaire du dimanche matin auprès de quatre commerces partenaires. Ils collectent tout: les fruits, certes, mais aussi les produits laitiers, les œufs, la viande, le poisson, bref, tout ce qui aurait abouti à la poubelle ou au compost. De 265 kilos recueillis la première semaine, ils passent rapidement, avec seulement un commerce supplémentaire, à plus de 800 kilos par semaine, grâce, notamment, au travail de sensibilisation qu’ils font auprès des épiceries.

Dans une démarche également écologique, renseignez-vous sur ces épiceries zéro déchet où acheter en vrac.

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La collecte chez divers partenaires pour éviter le gaspillage alimentaire.
La Transformerie

Divers partenariats

«Nous aimons travailler avec La Transformerie, indique Simon Barcelo, propriétaire d’un IGA du quartier et partenaire depuis le tout début de l’aventure. Ils ramassent l’ensemble de nos invendus et s’occupent de les redistribuer à des organismes du quartier, qui les redonnent à des résidents moins bien nantis. C’est sûr que c’est motivant!» ajoute celui qui a déjà avoué à Guillaume Cantin se lever la nuit pour se régaler de son produit fétiche, la marmelade d’agrumes.

En plus des tartinades rescapées, l’entreprise a développé des partenariats avec deux organismes du quartier. La Maisonnette des Parents, active au cœur de La Petite-Patrie depuis plus de 30 ans, ouvre les portes de ses locaux à La Transformerie et bénéficie d’une partie des invendus pour aider les familles. Le Centre de ressources et d’action communautaire de La Petite-Patrie, dont la mission première est de nourrir le quartier, peut compter sur les invendus recueillis par l’entreprise pour remplir ses «paniers engagés».

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La Transformerie fonctionne en partie grâce à ses bénévoles qui on tous le même objectif, lutter contre le gaspillage alimentaire.
Capture d'écran du site internet de La Transformerie

Une affaire qui roule

Aujourd’hui, l’entreprise peut compter sur l’aide d’une trentaine de bénévoles professionnels qui les aident avec la comptabilité, le site internet ou encore le graphisme, ainsi que sur une centaine de bénévoles en cuisine, qui y trouvent parfois plus qu’une simple occupation.

Xavier Lecorgne, résident du quartier arrivé au Canada il y a près d’un an, adore se sentir utile tout en faisant partie de sa communauté. Parce que même s’il passe des heures à coller des étiquettes sur des pots ou à visser des couvercles, il sait qu’au final, la société ressort gagnante grâce au travail de l’entreprise. C’est rempli de cette motivation qu’il revient toutes les semaines.

Guillaume Cantin, lui, est fier de ce qui a été accompli en deux ans et ne regrette pas d’avoir quitté le monde de la restauration. «J’aimais vraiment cuisiner, raconte-t-il, mais aujourd’hui, ce qui me parle, c’est l’action collective.» De quoi sera fait l’avenir? Avec des demandes qui proviennent d’un peu partout au Québec pour reproduire un peu partout le modèle de La Transformerie, il y a fort à parier qu’on n’a pas fini d’entendre parler de Guillaume Cantin et de son plan pour réduire le gaspillage, un commerce à la fois.

Essayez ces façons d’éviter le gaspillage dans la cuisine!

Contenu original Selection du Reader’s Digest

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