Il perd la vie en voulant sauver les baleines

Pendant plus de 1000 ans, les hommes ont pris la mer pour aller tuer des baleines. Joe Howlett, un pêcheur du Nouveau-Brunswick, a été un des premiers à s’embarquer pour sauver les baleines. Il y a perdu la vie.

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Le jour de la mort de Joe Howlett, l'homme qui sauvait les baleines, avait parfaitement commencé.
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Un jour comme un autre…

Le jour de la mort de Joe Howlett avait parfaitement commencé. Dans le port de Shippagan, la mer était d’huile, les vents calmes, le soleil se levait dans le ciel bleu foncé du Nouveau-Brunswick, et Joe, 59 ans, manœuvrait le Shelagh, le vaisseau de recherche de l’Institut canadien des baleines, pour une journée d’observation dans le golfe du Saint-Laurent. Au large, il s’est extasié de la lumière dorée de l’aube en compagnie des quelques scientifiques qui avaient déjà quitté leur couchette à cette heure matinale.

La météo était favorable. L’équipage savait que Joe Howlett et Philip Hamilton, le directeur scientifique du Shelagh, tenteraient peut-être de secourir une baleine. La veille au soir, ils avaient reçu un appel du ministère fédéral des Pêches et Océans (MPO): pas loin d’eux, une baleine noire s’était empêtrée dans des lignes de casiers à crabes. Le pêcheur qui l’avait repérée avait bien tenté de s’en approcher, mais elle s’était déchaînée, soulevant la mer autour d’elle, et il avait bien vu son immense corps strié de ces profondes cicatrices blanches caractéristiques des baleines prises dans de l’équi­pement de pêche. Sur les quelques 450 baleines noires encore en vie à travers le monde, plus de 85% s’y sont retrouvées prises au moins une fois.

Pendant plus de 1000 ans, des gens sont montés à bord de petites embarcations dans l’espoir de tuer une baleine. Joe a été parmi les tout premiers à prendre la mer pour secourir les cétacés.

L’appel reçu la veille n’était pas inhabituel pour lui: il était un des membres fondateurs de l’équipe de sauvetage de baleines de Campobello, des pêcheurs bénévoles qui interviennent depuis 2002 pour libérer des baleines prises dans des filets au large des côtes des provinces maritimes du Canada. Pour démêler avec adresse l’écheveau des fils, Joe était un des meilleurs, un habitué des rencontres intimes avec les baleines en détresse, qui peuvent peser jusqu’à 70 tonnes.

En effet les baleines font partie des 23 des plus gros animaux et espèces vivantes au monde.

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Joe Howlett, un pêcheur du Nouveau-Brunswick, a été un des premiers à s’embarquer pour sauver les baleines.
Chelsea Murray

En 2017

L’année 2017 avait déjà très mal débuté pour cette espèce menacée de disparition. Dans le golfe du Saint-Laurent, les pêcheurs et les scientifiques avaient trouvé un nombre sans précédent de baleines noires mortes à la suite d’une collision avec des navires ou après s’être empêtrées dans des lignes de pêche. Elles deviennent souvent incapables de nager librement et de se nourrir, et meurent de faim ou à cause de l’infection provoquée par les profondes entailles que les fils creusent dans leur chair – jour après jour, mois après mois –, les sectionnant parfois jusqu’aux os. Le 9 juillet, quand l’équipage du Shelagh a reçu l’appel, on venait de découvrir sept baleines mortes en l’espace de quatre semaines. Comme il était pêcheur, Joe savait bien que son pro­pre gagne-pain était à l’origine de cette catastrophe. Alors il les secourait. Parce qu’il avait le sentiment d’avoir une dette envers l’océan. Ce qui le motivait, c’était de rendre à son tour ce qu’il avait reçu.

Joe Howlett, Joey pour les intimes, a grandi à Hubbards, en Nouvelle-Écosse. Dès sa plus tendre enfance, il a été à la pêche, a fait de la voile et a pratiqué toutes sortes de sports, sans jamais s’aventurer bien loin de sa région natale. Jusqu’à l’été 1975, celui de ses 17 ans. Avec son ami Steve Croft, ils se sont embarqués à bord d’un navire d’exploration pétrolière de Shell en partance vers le nord pour y faire de la prospection sismique. Les deux amis ont vogué jusqu’à l’île de Sable, Terre-Neuve, l’île de Baffin, jusqu’au Groenland même, travaillant à tour de rôle pendant six heures d’affilée dans la cuisine pour nourrir les 30 membres de l’équipage. En cours de route, Joe a été promu matelot.

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Sauver des baleines: East Quoddy Lighthouse sur l'île de Campobello au Nouveau Brunswick.
James W. Thompson/Shutterstock

La vie de Joe

Joe n’est jamais revenu finir ses études secondaires à Hubbards, il a choisi de se joindre à la garde côtière. Au début de la vingtaine, il a brisé la glace dans le passage du Nord-Ouest, navigué tout autour de l’Amérique du Nord et a été surpris par un ouragan dans le triangle des Bermudes.

En 1986, âgé de 28 ans, il travaillait à l’Institut océanographique de Bedford où il cartographiait les fonds marins cernant Campobello, une minuscule île du Nouveau-Brunswick où vivent moins de 900 habitants. Il ne lui a pas fallu beaucoup de temps pour rencontrer Darlene Brown, qui était originaire de la région.
«Joe soutenait toujours qu’il y avait trois choses qu’il ne ferait jamais dans sa vie, raconte son frère Tony: s’installer au Nouveau-Brunswick, se marier, devenir pêcheur. La même année, il a fait les trois!»

Joe a épousé Darlene en 1987. Ils ont eu un garçon, Tyler, et Joe est devenu un second père pour Chad, le fils aîné de Darlene.
Son frère Tony se souvient que, la dernière fois qu’ils se sont vus, Joe lui a dit qu’il était «plutôt heureux» du tournant qu’avait pris sa vie. «Mes enfants sont ici, je vais y rester. C’est comme ça.»

Vous aurez peut-être la chance d’apercevoir des baleines en marchant dans le sentier de Pointe-à-la-Renommée en Gaspésie, qui fait partie des 25 randonnées pédestres à faire au Québec.

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C'est à Campobello au Nouveau Brunswick que Joe a eu ses premiers contacts avec les baleines et a commencé à les sauver.
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Premières rencontres

C’est aussi à Campobello que Joe a eu ses premiers contacts avec les baleines. Une nuit, seul en mer peu après son arrivée dans l’île, il les a entendues qui suivaient son petit bateau. Elles s’appelaient l’une l’autre, et leurs dos brisaient la surface de l’eau tout autour de lui. Quand il l’a raconté à sa sœur, Mary Ellen Lonergan, elle s’est inquiétée pour sa sécurité: et si elles venaient trop près et faisaient chavirer son bateau?
«Tu n’as pas peur, Joey? a-t-elle demandé.

— Mel, lui a-t-il répondu, elles savent que je suis là.»
À la fin du XVIIIe siècle, l’huile de baleine fournissait son énergie à toute la civilisation occidentale. L’épicentre de cette industrie se trouvait au Massachusetts, la baleine noire était une des plus recherchées. C’est d’ailleurs pour cela qu’en anglais on l’appelle right whale, la bonne baleine: c’était la meilleure à tuer. Le massacre s’est un peu calmé à la fin du XIXe siècle, quand le pétrole a remplacé l’huile de baleine, mais il a repris de plus belle avec l’invention des lanceurs de harpon et des navires-usines.

Un écologiste a été avalé par une baleine… c’est l’une de ces histoires insolites, mais vraies!

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Sauver les baleines: vers 1930, on tuait chaque année 50 000 baleines.
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Chasse à la baleine

Vers 1930, on tuait chaque année 50 000 baleines et, dans les années d’après-guerre, l’huile de baleine a largement servi d’excipient bon marché, de la margarine au savon en passant par la crème glacée. Selon une étude de 2015, près de trois millions de baleines ont été tuées au cours du XXe siècle.
La pêche commerciale à la baleine a enfin été interdite en 1986. Certaines espèces se sont rétablies depuis, mais dans le cas de la baleine noire – qu’on surnomme la «baleine urbaine» parce qu’elle vit à proximité de nos côtes industrielles –, le déclin a été trop brutal. Son habitat, qu’elle partage avec les humains, est miné par tous les dangers.

Dans les années 1980, Scott Kraus, de l’aquarium de Nouvelle-Angleterre, a mis au point une méthode pour identifier les baleines, notamment grâce à leurs callosités, les plaques rugueuses et surélevées qui forment des dessins uniques sur leur peau. C’est ainsi que, vers la fin de la décennie, son équipe a pu établir le nombre de baleines noires qu’il restait dans la région: environ 270. Certes, leur population était petite, mais lentement et contre toute attente, elle grossissait. Par contre, les deux grands périls subsistaient: les collisions avec les navires et les empêtrements dans les lignes de pêche.

Les collisions avec les navires tuent les baleines brutalement, mais la souffrance qui résulte de leur empêtrement dans les équipements de pêche est plus complexe et plus effroyable encore. Entravés dans les lignes, les mammifères peuvent traîner le matériel pendant des années et, sans relâche, la résistance de l’eau tend les cordes de nylon qui s’enfoncent de plus en plus profondément dans leur chair. Ils en deviennent trop épuisés pour suivre leur nourriture, et si les cordes se prennent dans leurs fanons, ils ont du mal à se nourrir. Et bien sûr, le stress qu’ils éprouvent peut affecter leur fertilité. Il n’y a donc pas seulement plus de baleines qui meurent, il y en a moins de nouvelles.

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Joe Howlett lors d’un sauvetage de baleine en 2016.
Jerry Conway/Institut canadien des baleines
Joe Howlett lors d’un sauvetage en 2016

Technique de sauvetage

Il fallait réagir, et vite. D’un côté, les scientifiques et les défenseurs des baleines se battaient pour que les corridors de navigation soient déplacés dans la baie de Fundy pour qu’il y ait moins de risques de collision. De l’autre, Charles «Stormy» Mayo, le cofondateur du centre d’études côtières de Provincetown, au Massachusetts, et son ami David Mattila mettaient au point une action plus immédiate, plus risquée aussi: le démêlage des animaux empêtrés, une méthode de sauvetage qui s’inspire… des techniques séculaires de la chasse à la baleine.

L’idée leur est venue après avoir discuté avec Charlie, le père de Charles Mayo. Charlie était un pêcheur expérimenté, il avait lui-même pratiqué la chasse au dauphin-pilote au large de Cape Cod. Les deux hommes se sont dit que, tout comme les baleiniers le faisaient autrefois avec des flotteurs de bois, ils pourraient fixer des bouées de plastique sur les fils qui entravent l’animal. Et l’épuiser, comme on l’a toujours fait, non plus pour l’achever, mais pour s’approcher de lui et couper les lignes meurtrières.

Au lieu d’un harpon, c’est un grappin que les secouristes attachent à une ligne de contrôle et à une bouée. Puis ils le lancent dans l’enchevêtrement des cordes qui meurtrissent la baleine, s’approchent au plus près et, avec leur gaffe, une sorte de long manche muni d’un canif au bout, sectionnent les cordes l’une après l’autre.
Charles Mayo et David Mattila ont procédé à leur premier sauvetage de baleine en 1984. Mais ils ont continué à travailler avec Charlie pour améliorer leurs interventions. Leur centre d’études côtières a rapidement commencé à former des gens venus du monde entier. Parmi eux, en 2002, les cofondateurs de l’équipe de sauvetage de baleines de Campobello, Joe Howlett et Mackie Greene.

La langue de la baleine bleue peut peser autant qu’un éléphant! C’est l’un des faits insolites qui vous sont probablement inconnus.

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Comment sauver une baleine?
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Comment sauver une baleine?

Libérer une baleine n’est pas à la portée du premier venu et, à bien des égards, Joe Howlett et Mackie Greene étaient les secouristes parfaits. Au début des années 2000, ils dirigeaient chacun un bateau d’observation des baleines, ils avaient l’habitude de travailler avec des cordes et de passer de longues heures en mer. Il y avait entre eux une amicale et stimulante émulation, et ils se sont tout de suite bien entendus. «Combien de fois Joe n’a eu qu’à me pointer la mer depuis son bateau, se souvient Mackie, pour que je sache exactement où diriger le mien!»

Mais la force motrice du groupe, c’était Joe Howlett. «Il repoussait toujours les limites, dit son collègue et ami, David Anthony. Il était un des meilleurs, cela ne fait aucun doute. » Néanmoins, il était intraitable au chapitre de la sécurité. Si une opération de sauvetage semblait trop dangereuse, l’équipe ne l’entreprenait pas.
Un an environ après que Joe Howlett et Mackie Greene ont commencé à secourir les mammifères marins, l’Institut canadien des baleines a enfin réussi à convaincre Transport Canada et l’Organisation maritime internationale de déplacer les corridors de navigation de la baie de Fundy et du bassin Roseway, au large de la côte sud de la Nouvelle-Écosse. Le risque de collisions a diminué de 90% dans certains secteurs et, dès 2010, 490 baleines noires fendaient déjà la mer. Un succès tel que l’espèce est même devenue l’emblème de la préservation de l’environnement : on avait prouvé que l’humain est aussi capable de redonner la vie.

Sauf que l’humain n’est pas seul dans la nature: sous l’eau, il se passait aussi quelque chose… Les courants océaniques avaient commencé à déplacer, loin de leur habitat naturel et des zones sécurisées de la baie de Fundy, les masses de zooplancton dont se nourrissent les baleines noires. (L’eau froide contient plus d’oxygène et, au fur et à mesure que les eaux du golfe du Maine se réchauffent, l’océan pousse le zooplancton à migrer vers
le nord dans les eaux plus froides du golfe du Saint-Laurent.)

Du coup, les baleines se sont mises à suivre leur nourriture dans ces étendues océaniques où les vaisseaux ne ralentissent pas; où chaque printemps, précisément au moment où les baleines arrivent, des milliers de casiers à crabes, rattachés à des cordes très résistantes, sont jetés vers les fonds marins. Créant une forêt souterraine de nylon prête à piéger tout ce qui s’y aventure.

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Il faut sauver la baleine 4123.
Institut canadien des baleines/Aquarium de Nouvelle-Angleterre
La baleine 4123

La baleine 4123

Le 10 juillet 2017, à bord d’un navire du MPO dans le golfe du Saint-Laurent, Joe Howlett et l’équipage du Shelagh ont trouvé la baleine noire 4123, un mâle de six ans, en très mauvaise posture. Une ligne de pêche extrêmement tendue encerclait son corps de toutes parts et elle traversait plus de 10 fois sa bouche et ses fanons.
Joe s’est installé à la proue avec sa gaffe, prêt à agir. Avec précaution, le navire a avancé vers 4123, qui fuyait à leur approche. Joe avait remarqué que, derrière le corps de l’animal, les fils n’étaient pas encore trop serrés et qu’il aurait de l’espace pour les sectionner. Le vaisseau a rattrapé 4123, et le capitaine a manœuvré pour se positionner parallèlement à son corps gigantesque. Le mammifère n’ayant ni viré ni plongé, Joe a dirigé sa gaffe vers une corde et l’a tranchée. Sans doute agitée et souffrante, la baleine a secoué sa queue, projetant de l’eau sur le bateau.

Le capitaine s’est éloigné un peu pour que 4123 se calme, puis a tenté une deuxième approche. À nouveau, Joe a inséré son couteau dans l’enchevêtrement des lignes, visant cette fois une corde bien tendue. Il a réussi à y accrocher son grappin. Philip se souvient d’avoir vu la baleine plonger et virer vers le bateau. Joe tenait encore la corde avec son couteau quand 4123 a disparu sous la proue. Joe tirait et tirait encore, et là, Philip ne l’a plus vu, mais le capitaine du MPO, si: Joe s’est retourné et, souriant, il a levé un pouce vainqueur vers l’équipage. Il avait réussi! Un instant plus tard, le lobe de la nageoire caudale de 4123 a surgi derrière lui, puis l’immense queue s’est abattue sur son sauveteur.

Philip a couru vers son ami et tenté de prendre son pouls: rien.

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Sauvetage de baleines: Joe Howlett avec Philip Hamilton, le scientifique en chef du Shelagh.
Marianna Hagbloom/Institut canadien des baleines/ Aquarium de Nouvelle-Angleterre
Joe Howlett avec Philip Hamilton, le scientifique en chef du Shelagh

Le 15 juillet 2017, plus de 400 habitants de Campobello et tout le milieu de la préservation des baleines se sont réunis dans la petite église baptiste de l’île pour rendre hommage à Joe Howlett. «Il y a des gens, a dit Mackie Greene, qui vivent ici depuis 20 ou 30 ans mais qui ne sont jamais devenus de vrais insulaires. Joey en était un, un vrai. Il entrait dans n’importe quelle maison, sans frapper. Il ouvrait le réfrigérateur et se prenait une bière. Il était comme nous. Il était l’un des nôtres.»

Après sa mort, le MPO a interrompu les sauvetages le temps de l’enquête. Du coup, à la fin de l’année, on a trouvé 12 cadavres de baleines dans les eaux canadiennes, et cinq dans les eaux américaines. Le 5 octobre, le Réseau canadien pour la santé de la faune a publié son rapport, confirmant ce dont tout le monde se doutait: elles étaient mortes à la suite de collisions avec des navires ou après s’être empêtrées dans des équipements de pêche.

Peu après, à la réunion annuelle du consortium sur la baleine noire de l’Atlantique Nord, Mark Baumgartner et Peter Corkeron, du centre des scien­ces halieutiques du nord-est amé­ricain, ont annoncé que, selon leurs calculs, il ne restait qu’environ une centaine de femelles reproductrices chez les baleines noires. Comme il en meurt au moins quatre chaque année, le même nombre de naissances est nécessaire pour maintenir la population. On a enregistré quelques naissances cette année, mais aucune en 2018. Si cela continue, dit Mark Baum­gartner, «la population aura atteint le point de non-retour dans 20 ans».

Découvrez l’histoire de Moira Brown, dont la mission était de sauver les baleines les plus rares au monde.

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En mars 2018, le gouvernement du Canada a annoncé de sérieuses mesures de préservation pour sauver les baleines.
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Un espoir

En mars 2018, le gouvernement du Canada a annoncé de sérieuses mesures de préservation, bien que controversées: la relance des opérations de sauvetage des baleines noires et l’accroissement de la surveillance aérienne et maritime. Un mois plus tard, Transport Canada a commencé à appliquer des limites de vitesse aux grands navires qui traversent la partie ouest du golfe du Saint-Laurent.

Pendant ce temps, le MPO a interdit la pêche dans les zones où des baleines noires ont été signalées, exacerbant les tensions entre les besoins des pêcheurs et la protection de l’espèce. Plusieurs pêcheurs ont proposé au MPO des casiers à crabes sans cordages, mais il faudrait des années pour en équiper l’ensemble de l’industrie.
Dans le meilleur des cas aujourd’hui, le mieux que l’on peut espérer est d’éviter leur extinction. «Je dois insister, dit Charles Mayo: quand une population est sur une pente négative, et que le nombre de ses individus est déjà très bas, il est difficile d’imaginer qu’elle puisse se rétablir.»

Le terrible après-midi de juillet, Cosette, la femme de Tony, le frère de Joe, était au jardin parmi ses asclépiades quand elle a vu papillonner deux monarques. Elle était d’ailleurs en train de les photographier quand elle a appris la mort de Joey.

Au mois de mars suivant, dans leur maison de Chester, en Nouvelle-Écosse, Tony expliquait: «Au Mexique, les monarques sont un signe de mort.» Quand l’automne arrive au Canada, les papillons entreprennent leur long voyage vers le sud, jusqu’aux montagnes du centre du Mexique, où les Aztèques considéraient les grands nuages orange qu’ils forment comme l’esprit de leurs êtres chers qui sont morts.

Près d’un mois après la mort de Joe, Cosette et Tony ont remarqué une chenille qui rampait sous leur terrasse. Jour après jour, ils l’ont regardée se métamorphoser en chrysalide et, le 25 août au matin, Cosette a vu à travers le cocon devenu translucide les ailes orange d’un papillon prêt à éclore. Elle est sortie faire des courses, et Tony s’est assis sur le sol, à côté du papillon, prêt à le filmer avec son téléphone. Il a attendu sept heures avant de voir enfin le monarque se libérer.

Contenu original Selection du Reader’s Digest

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