Assemblage requis pour… tout!
Par le passé, les meubles prêts à monter soi-même n’occupaient qu’une modeste part du marché. Les clients les plus téméraires s’offraient une visite chez IKEA et mettaient à l’épreuve leur intelligence contre les génies maléfiques, auteurs des modes d’emploi. À condition d’être attentif aux détails les plus infimes et d’avoir une patience à toute épreuve, l’effort finissait par produire un résultat.
Aujourd’hui, presque tout ce que l’on achète «nécessite un petit assemblage». Commandez une chaise, un lit ou un barbecue et vous recevrez un sac contenant des pièces minuscules avec un mode d’emploi dont le décodage exige une loupe. Je suis persuadé que si j’achetais une voiture, j’aurais droit à 1043 pièces, une clé à molette et un poste de soudage oxyacétylénique.
Ma conjointe Jocasta a commandé récemment deux chaises longues de jardin pour que nous profitions ensemble du soleil. À leur arrivée, j’ai proposé de les assembler. Sur la brochure d’instructions, j’ai vu imprimée en tout petit l’image d’un homme aux épaules carrées et une horloge indiquant que l’assemblage durerait 45 minutes.
Ils auraient mieux fait d’inscrire ces instructions au prix Booker pour les ouvrages de fiction. Une horloge tournant à l’infini avec un type découragé, écrasé par la tâche serait l’idéogramme le plus proche de la vérité. J’ai commencé à assembler les chaises à midi et terminé, quelle ironie, juste au moment où le soleil se couchait.
Les occasions de se tromper semblaient illimitées. Comment distinguer le pied gauche du pied droit? Les flèches minuscules suggéraient qu’il ne fallait surtout pas se tromper, sinon le malheur s’abattrait. Pourtant, impossible de savoir. Pire, il fallait tendre sur le cadre le tissu à mailles sur lequel, avec un peu de chance, on finirait par s’allonger. Pour y arriver, les boulons devaient être serrés avec une clé hexagonale dont le mouvement était entravé par les traverses du cadre.
Alors j’ai peiné, enchaîné les quarts de tour et gémi à chaque effort, les boulons obéissant avec difficulté au fur et à mesure que se tendait le tissu. Ma seule raison d’espérer: la possibilité de finir au moins une chaise; après, il faudrait assurément que je m’allonge.
Vous aimez l’humour? Consultez nos blagues courtes qui font rire à chaque fois!
Une tendance dans plusieurs domaines
Depuis quand les fabricants refilent-ils une bonne partie du travail à leurs clients? Ça ne concerne pas que les meubles. Les compagnies aériennes exigent désormais des passagers qu’ils impriment la carte d’embarquement, mettent les étiquettes de bagage et posent les valises sur le tapis roulant. Je vois venir le jour où on me dira: «Monsieur, tournez à gauche après être monté à bord. Vous avez été choisi pour piloter l’avion aujourd’hui.»
Au restaurant, les plats «déconstruits» sont très à la mode. Pourquoi se donner la peine de préparer un gâteau au fromage si vous pouvez servir deux fraises, une bonne cuillerée de fromage à la crème et un biscuit émietté, puis qualifier la présentation de «tendance»? Bientôt, on nous donnera un couperet et une marmite en nous indiquant l’emplacement du poulailler à l’extérieur. «Bon appétit!»
Au supermarché, vous êtes invités à choisir les caisses libre-service. Oh, avant de partir, si vous pouviez garnir quelques étagères, cela serait vivement apprécié.
Les réseaux sociaux illustrent le summum de cette tendance. À quoi bon employer des gens pour créer du contenu s’ils peuvent compter sur leurs utilisateurs pour qu’ils se divertissent mutuellement? En cas de désinformation, de diffamation ou de cruauté, ils s’en laveront les mains – après tout, ils ne font que vendre la publicité qui entoure le champ de bataille.
Le crépuscule tombe et j’ai enfin terminé ma tâche, avec une seule vis qui n’a pas trouvé sa place. Je pose avec précaution ma corpulence sur une des chaises. Miraculeusement, elle tient!
Jocasta s’installe sur l’autre et je lui offre une bière pour fêter cette réussite, une vraie bière encore fabriquée par une brasserie. Incroyable, je n’ai qu’à la verser dans un verre. Savent-ils à quel point leur modèle opérationnel est dépassé?
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