L’épreuve du volcan: leur lune de miel vire au cauchemar

Dans la jungle, une randonnée de rêve en pleine lune de miel au bord d’un cratère. Une terrible chute. Et la jeune mariée qui doit maintenant soigner seule son mari gravement blessé. Pour le meilleur, et pour le pire.

1 / 11

L’épreuve du Volcan: leur lune de miel vire au cauchemar.
Mark Smith

Une lune de miel aux Caraïbes

Par une torride matinée de juillet 2019, Clay et Acaimie Chastain se garent au pied du mont Liamuiga, dans l’île caribéenne de Saint-Christophe. Ils s’apprêtent à entamer leur première ascension en tant que jeunes mariés. Cinq jours plus tôt, ils se sont dit oui chez eux, dans l’Indiana, aux États-Unis, point culminant d’une romance digne d’un conte de fées.

2 / 11

Lune de miel: les contraires s'attirent.
Josep Suria/Shutterstock

Les contraires s’attirent

Clay, 23 ans, et Acaimie, 25 ans, se sont rencontrés à l’université. Clay – fils de fermier doté d’une attachante énergie de chien fou – est tout de suite tombé sous le charme du sourire envoûtant d’Acaimie.

Ils sont restés en couple à l’université et au cours des années bousculées qui ont suivi, lorsque Acaimie a déménagé dans l’Illinois pour travailler comme gérante de magasin tandis que Clay terminait sa maîtrise en nutrition animale. Ils se relayaient pour effectuer les cinq heures de route afin de se voir. Ils se sentaient engagés l’un envers l’autre et, un peu vieux jeu, ils refusaient de vivre ensemble avant le mariage dans la maison qu’ils avaient achetée à Indianapolis.

Comme tout bon couple, ils cultivaient des différences complémentaires. Acaimie avait toujours tendance à s’inquiéter. «Réaliste», disait-elle. «Pessimiste», répondait Clay.

Elle aimait l’ordre et l’organisation. Elle ne se contentait pas de laver méticuleusement ses draps une fois par semaine: elle s’acquittait de cette tâche tous les samedis à la même heure. Clay, à l’inverse, était un optimiste impénitent – insouciant et décontracté, toujours certain que tout finirait bien.

C’était donc Clay qui avait souhaité passer une journée de leur lune de miel caribéenne à gravir le mont Liamuiga. Surnommé mont «Misery» par les Britanniques qui ont colonisé l’île, ce pic est le plus haut sommet de Saint-Christophe ainsi qu’un volcan endormi, la tête dans les nuages et les pieds plongés dans l’océan. Cette randonnée d’une journée est appréciée des vacanciers en quête d’aventure.

D’ailleurs, on vous propose diverses activités à faire en couple pour passer un bon moment ensemble!

3 / 11
Lune de miel: untrée secrète pour paradis primitif.
Avec l'autorisation de Acaimie Chastain
Clay au sommet du monde, quelques instants avant sa chute.

Entrée secrète pour paradis primitif

Le couple, en tee-shirt et baskets, arrive à bord d’une voiture de location, s’attendant à obtenir sur place plus de renseignements sur le parcours. Seuls les accueillent un parking désert en terre battue et une petite plaque indiquant le départ du sentier. Ils entreprennent tout de même l’ascension, la piste étroite les entraînant au cœur d’une végétation tropicale si luxuriante qu’elle masque le ciel. Des singes vervets jacassent dans les arbres; l’air est lourd et humide.

Ils mettent près de trois heures pour atteindre le sommet, mais la vue – la vue! – est à la hauteur de l’effort. L’île de Saint-Christophe s’étale devant eux, le tapis vert de la forêt pluviale cascadant vers l’azur de la mer des Caraïbes. Ils sont fatigués et en sueur – le bandana rouge de Clay est détrempé –, mais puissamment heureux. Ils dévorent leurs sandwichs, prennent quelques photos ensemble et opèrent le tour du cratère, seuls au monde. C’est prouvé: faire du sport ensemble pimente la vie de couple!

C’est alors que Clay repère un sentier étroit en partie caché par la végétation. Il mène vers le fond du cratère, une cuvette verdoyante dans laquelle la forêt de nuage laisse place à une prairie herbeuse. Une série d’œillets a été vissée dans la roche et des cordes entraînent vers le bas. Pour Clay, il s’agit d’une invitation irrésistible. On dirait l’entrée secrète d’un paradis primitif.

Acaimie, elle, se montre moins enthousiaste. Le sentier est escarpé et elle a le vertige. Mais elle emboîte vaillamment le pas à Clay.

Après quelques minutes de descente, elle en a assez. Elle prévient son mari qu’elle l’attend sur les rochers bordant le sentier pendant qu’il part en exploration. «Reviens vite!», lui lance-t-elle en le regardant zigzaguer sur la piste abrupte, agrippé à la corde.

C’est quelques minutes plus tard qu’elle entend le craquement. Le bruit ressemble à la cassure d’une grosse branche, suivi d’un objet lourd dévalant la pente. «Clay?», s’inquiète- t-elle. Silence.

Acaimie réprime une bouffée de panique. Après tout, elle n’a entendu aucun cri. Il pourrait s’agir de n’importe quoi. Une poignée de minutes plus tard, elle perçoit un grognement étouffé qui ressemble à une voix humaine. Elle se penche, tendant le cou. Puis, elle l’entend à nouveau. Cette fois, aucun doute, c’est Clay. Il s’exprime d’une voix étrangement enfantine, à peine reconnaissable. Une voix qui appelle à l’aide du fond du cratère.

4 / 11

Une lune de Miel aux Caraïbes.
Nicola Pulham/Shutterstock

«Dis-moi ce qui ne va pas»

L’œil vissé sur l’ourlet du volcan, elle tente d’apaiser ses craintes. Son téléphone ne capte aucun réseau, et ses appels au secours se heurtent au néant. «Clay! insiste-t-elle à pleins poumons. Clay, tout va bien?»

Acaimie agrippe la corde et commence à descendre le sentier, dérapant à chaque pas. Lorsqu’il devient trop raide, elle glisse sur les fesses, écorchant bras et jambes en chemin.

Soudain, juste à l’extérieur de la piste, un éclat rouge apparaît; le bandana de Clay. Puis, tout près, son téléphone portable.

Elle saisit les deux objets et poursuit sa course, sans cesser d’appeler Clay à grands cris. «À l’aide!», répète-t-il en retour de cette voix étrange.

«J’arrive! Reste où tu es!», ordonne-t-elle. Elle finit par distinguer son tee-shirt blanc à travers les arbres. Elle veut se préparer à ce qu’elle va découvrir, redoutant que le voir gravement blessé la plonge en état de choc. «Dis-moi ce qui ne va pas», demande-t-elle en s’approchant.

«Je ne sais pas», articule-t-il d’une voix faible.

5 / 11

Lune de miel: un voyage tourne mal.
Jason Patrick Ross/Shutterstock

«Où sommes-nous?»

Clay est assis, penché vers l’avant, la tête dans les mains, dos à sa femme. Elle remarque que l’arrière de son crâne saigne. Son cou et ses épaules sont éraflés. Elle le contourne et constate qu’il a vomi. Du sang s’écoule sur son visage.

Peut-être que la corde qu’il tenait s’est brisée, ou qu’il a effectué un faux pas, mais de toute évidence, il a chuté de haut. Il présente une sévère commotion cérébrale.

«Où sommes-nous?», demande-t-il. Elle lui rappelle la randonnée à Saint-Christophe. Il l’interrompt: «Pourquoi n’appelles-tu pas les secours?» Elle explique l’absence de réseau téléphonique. Il paraît assimiler l’information. Puis, 30 secondes plus tard: «Où sommes-nous?»

Acaimie s’efforce de garder la tête froide. Ils sont seuls sur le volcan. La seule chose à faire est de le sortir de là d’une manière ou d’une autre.

«Regarde-moi, Clay», commande-t-elle. Le regard perdu de son mari la traverse de part en part. «Nous allons devoir escalader pour ressortir d’ici, et tu vas devoir m’écouter.»

Il y a des personnes qui ont un sang froid admirable. C’est le cas de cette randonneuse qui a sauvé une vie sur le mont Washington.

6 / 11

Lune de miel: pas à pas vers le sommet du cratère.
Jason Patrick Ross/Shutterstock

Pas à pas vers le sommet du cratère

Acaimie hisse Clay sur ses jambes chancelantes. Il n’a plus d’équilibre et ne peut tenir seul debout. Tous deux titubent vers l’avant. Acaimie agrippe la corde. Elle positionne Clay devant elle et lui demande de s’accrocher pendant qu’elle le pousse dans le dos. Il avance d’un pas, vacille comme un ivrogne. Il semble à peine maître de ses membres pour suivre les instructions d’Acaimie.

Devant une zone particulièrement escarpée, elle se penche, saisit les pieds de Clay, qu’elle place elle-même sur de bonnes prises afin qu’ils ne glissent pas, avant de recommencer à le pousser.

Centimètre par centimètre, pas à pas, ils grimpent. Au bout de ce qui ne dépasse pas une demi-heure, mais paraît une éternité, ils atteignent le bord du cratère. Acaimie s’époumone: «À l’aide!» Elle espère tomber sur un groupe de randonneurs, mais le sentier est désert.

Il ne leur reste qu’à tenter de redescendre seuls jusqu’en bas. Il est environ 12h30. Il leur avait fallu trois heures pour atteindre le sommet du volcan. Elle se demande combien de temps ils mettront pour rejoindre leur voiture.

7 / 11

Lune de miel: toujours pas de réseau.
Gankevych/Shutterstock

Toujours pas de réseau

Glissant le bras de son mari sur son épaule, Acaimie le guide jusqu’au sentier. On dirait presque une piste noire au ski. Abrupte et sinueuse, elle dévale en zigzag une forêt tropicale si dense qu’on ne voit jamais à plus de quelques mètres devant soi. Les jambes de Clay se dérobent sous son corps; parfois, de manière désordonnée, il se met presque à courir dans la pente et Acaimie doit lutter pour s’assurer qu’il ne les envoie pas s’écraser contre les arbres. Dans certains passages particulièrement raides, elle l’oblige à s’asseoir, passe devant lui et le fait glisser dans ses bras.

À mesure qu’ils progressent, le soleil plonge toujours plus bas dans le ciel. L’esprit d’Acaimie tourne à toute vitesse. Le sentier est trompeur et disparaît par endroits, se divisant en petites pistes qui s’enfoncent dans la jungle. Et s’ils se perdaient? songe- t-elle. Clay survivrait-il à la nuit? Elle jette un nouveau regard à son téléphone. Toujours pas de réseau. Un peu de réseau peu faire toute la différence: retrouvez l’histoire incroyable de ces personnes perdues dans la jungle, mais sauvées grâce au réseau mondial.

8 / 11

Lune de miel: il n'était plus maître de son corps.
Claudiu Maxim/Shutterstock

Plus maître de son corps

Après plus de deux heures de descente, l’état de Clay s’aggrave. Il perd le peu de maîtrise qui lui reste de son corps. Toutes les 10 minutes, il s’arrête, s’effondre sur le sentier, et vomit du sang. «Je veux dormir maintenant», marmonne-t-il, les yeux clos. Acaimie le supplie de continuer d’avancer. «Tu te débrouilles si bien. Je suis si fière de toi», répète-t-elle sans savoir vraiment si ses mots atteignent seulement son mari.

Une fois de plus, elle regarde son téléphone. Pas de réseau. Elle prend alors conscience qu’elle devrait peut-être laisser son mari et courir chercher de l’aide. Un regard sur lui suffit pour abandonner cette idée. Dans cet état, il pourrait s’égarer dans la jungle ou chuter sur le sentier et se blesser.

Ils poursuivent leur progression – Acaimie guidant Clay à peine capable de mettre un pied devant l’autre. Après des heures d’effort, ils marquent une pause. Par réflexe, Acaimie sort son téléphone. L’appareil capte un réseau. Le signal est bas, mais peut-être suffisant.

Elle compose le numéro des secours et entend le son réconfortant d’une voix humaine. Elle décrit la situation – la chute, les vomissements, le sang, la confusion.

À peine audible, son interlocuteur demande s’ils sont capables de rejoindre le départ du sentier ou s’ils ont besoin d’un hélicoptère. Acaimie scrute le paysage autour d’elle.

Avec cette végétation, aucune chance qu’un hélicoptère atterrisse à proximité. Elle répond qu’ils vont essayer de poursuivre leur descente.

9 / 11

Lune de miel: enfin, les secours.
kaser221/Shutterstock

Enfin, les secours

Plus ils avancent, plus la peur l’oppresse. Clay peut désormais à peine utiliser ses bras et ses jambes. Dans une boucle du sentier, Acaimie échoue à le soutenir. La gravité prend le relais; le blessé valse hors de ses bras et roule dans la pente pour s’écraser contre un arbre. Il reste là, prostré, avant de vomir à nouveau du sang.

Elle rappelle les secours: «Si vous êtes près du sentier, montez tout de suite!» Elle raccroche et appelle à l’aide aussi fort qu’elle le peut, jusqu’à ce que sa voix se brise.

La peau de Clay devient froide et moite. Elle doute de pouvoir franchir un pas de plus.

Soudain, elle perçoit un son léger, indéfinissable. Elle se fige, craignant de ne pas le localiser s’il résonnait à nouveau.
«Hé! ho!»

Une voix l’interpelle. Acaimie bondit sur ses pieds. «On est là!», hurle-t-elle alors que deux visages apparaissent en contrebas. «On est là!»

Les secouristes enroulent les bras de Clay autour de leurs épaules, puis saisissent chacun une de ses jambes. Ils le transportent avec précaution jusqu’au pied de la montagne et le couchent dans l’ambulance qui attend. Acaimie s’assied à l’avant du véhicule. Elle fait de l’hyperventilation et ses mains ont fini par s’engourdir par manque d’oxygène. Un sentiment d’horreur la transperce quand elle entend l’ambulancier à l’arrière crier au conducteur: «À l’hôpital, vite, il vomit encore du sang!»

Cette femme s’en est sortie après être restée piégée dans sa voiture au fond d’un ravin pendant plusieurs jours.

10 / 11
Lune de Miel: en vie, grâce à sa femme.
Avec l'autorisation de Acaimie Chastain
Clay, ici à l’hôpital de Saint-Christophe, s’est rétabli de la plupart de ses blessures.

En vie, grâce à sa femme

Aux urgences, les médecins mesurent l’étendue des blessures: une grave commotion, une vertèbre et le crâne fracturés et une fuite de liquide céphalo-rachidien.

Clay passe une douloureuse semaine de rétablissement à l’hôpital de l’île avant d’être évacué vers un établissement en Floride, où les médecins placent un shunt dans sa moelle épinière pour drainer les fluides accumulés.

Neuf jours plus tard, diminué, mais en vie, il rentre en avion dans l’Indiana pour plusieurs mois de rééducation physique et de visites chez une nuée de spécialistes.

À mesure que son esprit s’éclaircit, l’ampleur de ce qu’il a vécu s’impose. Il prend conscience avec stupéfaction de ce que sa femme a réalisé pour lui.

Près d’un an plus tard, son l’équilibre corporel est rétabli, mais il est désormais sourd d’une oreille. «Ce n’est vraiment pas si terrible, commente-t-il, l’esprit toujours aussi positif. Tout au plus un léger désagrément.»

11 / 11
Lune de miel: pour le meilleur et pour le pire.
Sally Jane Steffy
Acaimie et Clay le jour de leur mariage – un aperçu de la force de la jeune épouse.

Pour le meilleur et pour le pire

Acaimie et Clay vivent maintenant dans leur nouvelle maison à Indianapolis. Lorsqu’ils pensent à ce qui s’est produit à Saint-Christophe, ils éprouvent un étrange cocktail d’émotions. Une lune de miel est censée rapprocher deux êtres – une bulle hors du temps au milieu d’une vie effrénée pour apprendre à mieux se connaître. Si la leur a viré au cauchemar, elle a aussi cimenté leur relation. Les mots «pour le meilleur et pour le pire» ne se résument plus à un charmant refrain prononcé devant des amis. Découvrir son partenaire dans les conditions les plus terribles a créé une intimité différente de ce qu’ils partageaient jusqu’alors.

«Nous avons subi un électrochoc, mais dans le bon sens, soutient Clay aujourd’hui. On prend conscience de ce qu’on a, et on en est reconnaissant.»

Assurez-vous de reconnaître les signes que votre couple est fait pour durer.

Contenu original Readers Digest International Edition

Newsletter Unit