Jean-Marie Lapointe: face à la souffrance de l’autre

Peu importe qu’il soit animateur, auteur, comédien ou conférencier, Jean-Marie Lapointe fait tout de la même façon: avec cœur.

Jean-Marie Lapointe se retrouve face à la souffrance de l'autre.Photo de Will Lew
Il n’existe pas un seul Jean-Marie Lapointe. Certains se souviennent de ses performances au cinéma (Le vent du Wyoming, L’homme idéal) ou à la télévision (Lance et compte, Bouscotte), alors que d’autres préfèrent l’animateur dynamique et chaleureux (Écoute-moi, Les fils à papa, Fin de mois). Sans compter que tous savent qu’il est le fils de Jean Lapointe, cet artiste qui a fait rire tout le Québec, mais l’a aussi ému en étant une des premières personnalités publiques à aborder ouvertement son alcoolisme.

Aujourd’hui au milieu de la cinquantaine, Jean-Marie Lapointe fait preuve de la même franchise désarmante. Car derrière sa fière allure, sa carrure athlétique et son aisance remarquable à entrer en contact avec les autres, peu importe leur statut, il n’a jamais caché les écueils qui ont jalonné son parcours. Dans ses livres (Mon voyage de pêche, Je ne t’oublierai pas, Être face à la rue) comme dans ses nombreuses conférences, ce touche-à-tout passionné raconte avec fougue et sans filtre ses échecs, ses idées noires, ses dépendances de même que ses nombreuses victoires contre l’adversité. Pas étonnant que tant de gens se reconnaissent dans ce gaillard au cœur tendre.

Certains vous imaginent comme une force tranquille, un homme en total contrôle de ses moyens. En êtes-vous conscient et trouvez-vous cela ironique considérant toutes les épreuves que vous avez traversées?

J’en prends conscience quand vous m’en parlez! Ce qui m’importe, c’est d’être dans l’instant présent et d’avoir une vie en cohérence avec mes valeurs. La meilleure publicité que je puisse me faire, c’est de travailler sur un projet en accord avec mon potentiel, d’y mettre tout mon cœur. Car on va se souvenir du projet que je viens de terminer, mais pas celui d’il y a 20 ans. Cela dit, je n’ai pas de plan de carrière, pas de stratégie, pas de plan de match.

Pendant près de 10 ans, non seulement vous avez connu un passage à vide sur le plan professionnel, mais aussi sur le plan financier. Qu’avez-vous appris lors de cette traversée du désert et comment avez-vous réussi à vous en sortir?

Au moment d’amorcer la série documentaire Face à la rue en 2017, il était minuit moins une sur le plan financier: j’avais près de 100 000$ de dettes, et je devais de l’argent à beaucoup de gens, heureusement des amis très proches qui ne mettaient aucune pression pour que je les rembourse. Après le début du tournage, j’ai commencé à recevoir des sous, et j’ai pu tranquillement rembourser tout le monde. Mais je vivais dans l’anxiété, dans la peur de ne plus travailler, de devenir un has been. J’en ai rencontré des gens qu’on cataloguait ainsi, qui avaient connu la gloire et qui étaient tombés dans l’oubli… Dans Face à la rue, j’interviewais des êtres brisés, abandonnés, qui avaient sombré dans l’alcool, les drogues ou le sexe. Mes périodes de disettes et de souffrances m’ont permis de me connecter aux leurs. Bref, j’y trouve un réconfort.

Avant cette période sombre, vous étiez pourtant déjà connu comme un animateur empathique, un porte-parole dévoué, dont auprès de votre père pendant ses téléthons.

En effet, je possède des prédispositions à la compassion, à la bienveillance, à l’écoute et au non-jugement. Ça fait partie de moi, de mon histoire de vie, que de m’attacher aux autres et d’essayer de les comprendre. Le fait d’avoir des parents alcooliques m’a probablement aussi amené vers cela.

Vous avez été un enfant chétif, puis sportif, turbulent. Vous arrive-t-il de vous imaginer aujourd’hui à cet âge, à l’heure de la pandémie et de l’école à distance?

Il n’aurait pas fallu que le petit garçon anxieux, en manque de reconnaissance et d’amour que j’étais, vienne au monde à l’ère des réseaux sociaux, car j’aurais sans doute souffert davantage.

Autrefois, quand tu te faisais pointer du doigt à l’école, ça restait à l’école; aujourd’hui, ça peut être sur le Web au grand complet… Par contre, mis à part mes souffrances financières, que j’ai trop longtemps gardées pour moi, j’ai souvent eu le réflexe de parler à mon père quand je n’allais pas bien, ou alors à des professeurs qui m’ins­piraient confiance. Cette capacité à demander de l’aide, à être résilient, je l’ai eue très jeune.

On pourrait vous qualifier de bénévole de haut vol tant vous êtes impliqué dans de nombreuses causes (les troubles alimentaires, la toxicomanie, l’intégration des personnes handicapées, etc.), souvent plusieurs heures par semaine. Qu’en retirez-vous?

J’ai animé plusieurs Téléthons des étoiles avec André Robitaille, qui me disait toujours: «Le bénévolat, ce n’est pas payant, mais c’est enrichissant». Le bénévolat donne un sens à ma vie, me permet de grandir et de rencontrer des personnes extraordinaires. Quand la pandémie a éclaté, j’ai appris qu’il y avait des manques dans les ressources en itinérance. Alors depuis deux ans, tous les mercredis, je sers des repas aux personnes qui fréquentent la Maison du Père, et j’ai ma récompense: je jase avec eux, ça me fait du bien, et je sais que ça leur fait du bien aussi. Quand tu habites ton discours, que l’on te sait engagé avec une organisation, le public sait reconnaître la cohérence; il n’y a rien de mieux que les preuves vivantes, les actions, pour convaincre les gens de goûter à ce qui me rend heureux, comme le bénévolat.

Jean-Marie Lapointe, qui a toujours à coeur les questions d’entraide et de solidarité, anime cet été la nouvelle émission Victorieux à deux, sur les ondes de Moi et Cie. À partir du 6 juin, à 21h.

Inscrivez-vous à l’infolettre de Sélection du Reader’s Digest!

Contenu original Selection du Reader’s Digest