Rencontre avec le musicien Jean-Michel Blais, vedette sur Spotify

Réputé pour sa musique hypnotique et son sens unique de la mélodie, le musicien Jean-Michel Blais est aujourd’hui un habitué du circuit international.

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Le musicien Jean-Michel Blais est une star de la planète musique.
Daphné Caron

Star de la planète musique

Vous ne connaissez peut-être pas ce Québécois de 35 ans, mais l’année dernière, on l’a écouté 15 millions de fois sur Spotify, et les amateurs qui le plébiscitent sur le leader mondial du streaming musical provenaient de 65 pays. Difficile d’imaginer aujourd’hui qu’il y a une quinzaine d’années, par « une nuit de désespoir », le jeune homme s’est assis devant son ordinateur pour rédiger un appel au secours qu’il a adressé à l’homme de théâtre Robert Lepage : « Robert, qu’est-ce que je dois faire de ma vie ? » Il a joint à son envoi une vidéo où il interprète l’une de ses compositions au piano.

Âgé de 21 ans, Jean-Michel Blais est alors un jeune pianiste sans avenir. Il a quitté le Conservatoire avant d’obtenir son diplôme et, après avoir travaillé dans un orphelinat au Guatemala, s’est inscrit au cégep pour devenir éducateur spécialisé. Pour payer ses études, il s’installe tous les vendredis et samedis soirs au piano de La Scala, un restaurant italien de Québec. Il ne connaît pas Robert Lepage personnellement. Mais, à cette époque confuse de sa vie, il a besoin d’un mentor. Le dramaturge offrira gentiment de lui venir en aide, mais le compositeur réalise qu’il ignore totalement ce qu’il veut. Toute sa vie, il a été guidé par son désir d’aider les autres. C’est en partie pour cela qu’il a abandonné la musique classique « trop parfaite » et le piano « bourgeois ».

Entre deux voyages en Amérique latine, un séjour d’un an à Berlin, et un job d’éducateur spécialisé auprès de la Fondation du Dr Julien, l’artiste polyglotte mettra du temps à trouver sa voie. Un parcours que son ami l’économiste et l’ex-député Jean-Martin Aussant refuse de mettre sur le compte du dilettantisme. « Jean-Michel ne s’est pas cherché, précise-t-il, il s’est trouvé souvent. »

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Le musicien Jean-Michel Blais est atteint du syndrome de Gilles de la Tourette.
SunnyGraph/Shutterstock

La musique pour guérir les maux

Jean-Michel Blais a grandi à Nicolet, tout près de sa cathédrale et de son orgue Casavant datant de 1909. Ses parents se sont connus lors de soirées de danse sociale. « Ce qui est important chez nous, ce sont les relations humaines. Des belles valeurs, des valeurs que j’appelle post-judéo–chrétiennes : la charité, etc. Mes parents sont toujours là pour aider tout le monde. Ils sont très à l’écoute, très simples. Ils incarnent la simplicité volontaire sans même avoir su que c’était un courant. »

Enfant unique, il retourne régulièrement dans son patelin pour consulter ses proches sur sa carrière… ou participer à une de ces fêtes dont la famille a le secret, avec danseurs en ligne et danse traditionnelle québécoise. « La musique populaire, la danse et le plaisir sont au cœur de l’amour que mes parents se sont porté, confie-t-il. Et c’est ce qui a donné lieu à ma naissance. »

Jean-Michel Blais souffre alors du syndrome Gilles de la Tourette, caractérisé par une série de tics et de manies. Cette affliction aurait pu le stigmatiser. Mais une fois qu’il s’installait derrière le piano familial et durant tout le temps passé à jouer, ses symptômes disparaissaient. Renseignez-vous sur les bienfaits incroyables que procure la musique.

Il assure n’avoir jamais souffert d’ostracisme à cause de sa maladie. « Je me suis construit avec ça et j’en vois les bénéfices. Mais je comprends que pour d’autres il en soit autrement. »

S’il n’a pas eu à subir l’intimidation, l’ex-éducateur spécialisé en décèle facilement les signes. « Si tu réagis contre le harcèlement, dit-il, tu donnes du pouvoir à ceux qui t’ont en point de  mire. » La meilleure façon de s’en sortir, croit-il, c’est de demeurer créatif. Et créatif, il l’est, abreuvant Internet de sa musique.

C’est là, sur la Toile, que la maison de disques torontoise Arts & Crafts découvre cet étrange musicien qui se décrit encore comme « un petit simplet qui fait de quoi de naïf ». La chance lui sourit enfin quand son premier disque, Il, figure parmi les meilleurs disques de l’année 2016 du magazine Time. Sur le coup, Jean-Michel n’arrive pas à croire que son album « broche à foin », réalisé à Montréal avec 500 $, sur un piano droit de style Yamaha, figure au même palmarès que ces opus des rois de la pop que sont Rihanna, Frank Ocean et Radiohead.

Pour en avoir le cœur net, il téléphone à Jamieson Cox, le journaliste qui a réuni la sélection pour le Time à New York. Cox, un Canadien, explique qu’il s’était promis de réserver une place dans le Top 10 à un outsider. Outsider, un qualificatif qui lui sied bien même s’il préfère ne pas en abuser.

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Le musicien Jean-Michel Blais sort un deuxième album.
Daphné Caron

Un deuxième album

Sorti en mai dernier, son deuxième album, Dans ma main, a été enregistré de nuit durant les heures de fermeture du magasin Pianos Bolduc, sur la rue Saint-Laurent, à Montréal. Sur ce disque aux accents poignants dont le thème explore nos fragilités (physiques, psychologiques, humaines), on trouve un bref extrait d’une entrevue qu’accordait le peintre d’origine antillaise Jean-Michel Basquiat à un journaliste britannique quelque temps avant sa mort en 1988. Intitulée Outsider, la pièce sonne presque comme un avertissement. Basquiat est le symbole de l’artiste soi-disant comblé qui se heurte au capitalisme, explique Jean-Michel. Il a fait fortune rapidement avant de succomber à une overdose.

Comme musicien, Jean-Michel Blais n’a toujours eu qu’un but : démocratiser la musique classique. Parsemée de bruits de fond, d’emprunts à Chopin, de références à Ginette Reno ou à Leonard Cohen, sa mélodie crée des atmosphères rassurantes, presque douillettes. Au piano « son doigté est incroyablement doux », juge Jean-Martin Aussant. Pianiste à ses heures, le politicien se souvient d’une époque où les compositions de son ami étaient beaucoup plus expérimentales. Et même si on entend encore des bruits ambiants dans ses enregistrements, « il est devenu plus accessible, plus lyrique avec le temps. Si bien qu’à la première écoute de sa musique, on veut acheter l’album. »

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Le musicien Jean-Michel Blais donne des concerts à l'étranger.
Chubykin Arkady/Shutterstock

Sous les projecteurs

Tout de noir vêtu « pour se confondre avec le piano », Jean-Michel Blais s’adresse volontiers à son auditoire durant ses concerts. Communicateur né, il met les gens en confiance.
« Est-ce que ça s’assoit par terre un Parisien ? » demande-t-il au début de son concert au ARTE Concert Festival en avril 2018.

« Ce n’était pas le meilleur contexte, rappelle-t-il. Je craignais que les gens ne m’écoutent pas. Mais ils ont suivi. En France, je ne change rien. Ni mon accent. Ni mon prénom. Ni la façon un peu familière de m’adresser aux gens. Et tant pis si ça fait ringard. »

« Sous ses dehors bon enfant, Jean-Michel est un perfectionniste », explique Vladimir Belova, 23 ans, qui gère la carrière du musicien dans les médias sociaux. « Une des raisons de son succès, c’est son souci du détail, ajoute-t-il. Il prend son temps. Ce qu’il fait est à la fois intuitif et extrêmement réfléchi. »

Vladimir avait 10 ans lorsqu’ils se sont rencontrés. « Un petit voyou dont les profs avaient peur, quasiment », lâche le pianiste.

« Ce jour-là, raconte Vladimir, je venais de me faire expulser de ma classe. En route vers le bureau du directeur, je trouve Jean-Mi qui jouait durant sa pause. Au courant de mon “cas” et connaissant mon intérêt pour la musi-que, il s’est tourné vers moi et m’a offert de me donner des leçons de piano pour me motiver à l’école. “Beau temps mauvais temps, a-t-il dit, je serai toujours là à t’attendre devant mon instrument.” Il a tenu parole. »

Reconnu pour sa gentillesse, Jean-Michel Blais sera toujours un gars qui aide les gens. « C’est quelqu’un qui mérite totalement son succès, estime Jean-Martin Aussant. Il n’y a que de la bonté chez cet homme-là. » Un legs que le musicien dit tenir de sa famille. Conscient d’être « extrêmement choyé », il espère continuer à créer une musique empreinte de spiritualité, « comme une carte », suggère-t-il, pour reconstruire nos vies. « Les gens viennent me voir pour fermer leur téléphone, se reposer, élever leur âme. Je suis sensible à leurs attentes. »

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Contenu original Selection du Reader’s Digest

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