Le STOP: un syndrome méconnu et incurable

Kim n’est pas une malade imaginaire comme certains ont pu le croire. Elle a fini par découvrir qu’elle était atteinte du STOP.

Le STOP est un syndrome méconnu et incurable, mais il est gérable.rumruay/Shutterstock
La patiente: Kim Ryberg
Les symptômes: évanouissements, tachycardie, vomissements, confusion
Les médecins: Dr Peng-Sheng Chen, cardiologue à la clinique Cedar-Sinai de Los Angeles

La première fois que Kim Ryberg a perdu connaissance, au début des années 2000, elle avait 13 ans. Ce jour-là, elle faisait un exposé aux autres élèves de sa classe dans une école rurale du Montana, aux États-Unis. Elle s’est subitement sentie tout étourdie, puis s’est évanouie. Quand elle a repris connaissance, quelques minutes plus tard, elle est allée voir l’infirmière de l’école. Ne sachant que penser, celle-ci a soupçonné la nervosité. Kim est donc rentrée chez elle en espérant que ça ne se reproduirait pas.

Ce fut loin d’être le cas. Pendant tout son secondaire, elle a perdu connaissance une ou deux fois par mois – en classe, pendant les concerts de la chorale, à l’épicerie. «C’était comme la roulette russe», se rappelle-t-elle. Chaque matin, elle se demandait: «Vais-je m’évanouir aujourd’hui?»

Pour comble, d’autres symptômes inquiétants sont apparus: tachycardie, vomissements, brouillard mental affectant sa concentration. Par moments, elle transpirait abondamment, l’instant d’après, elle grelottait.

Ses parents se sont d’abord demandé si c’était du théâtre, mais comme les troubles persistaient, ils l’ont amenée chez leur médecin, qui, elle non plus, n’avait jamais rien vu de tel. Ils ont donc consulté d’autres médecins, dont le diagnostic allait du stress à l’anxiété, en passant par la simulation. «Quand on me voyait, je donnais l’image de quelqu’un en parfaite santé, dit-elle. Et c’était bien le problème: je n’avais pas l’air malade.»

Cette étrange maladie n’en a pas moins joué un rôle crucial dans sa vie. Elle devait souvent sécher ses cours parce qu’elle ne se sentait pas bien ou avait rendez-vous chez le médecin. Elle a renoncé à conduire: qu’arriverait-il si elle s’évanouissait au volant? «Comme si le secondaire n’était pas déjà assez difficile pour l’élève moyen, j’étais aux prises avec tout ça», soupire-t-elle.

Dans la vingtaine, Kim déménage à Los Angeles pour tenter sa chance dans la chanson. Elle y rencontre son futur mari, Or, un homme qui a les pieds bien sur terre et qui l’aide à gérer ses symptômes. Au fil des ans, elle voit plus d’une centaine de médecins, infirmiers, naturopathes et autres spécialistes médicaux pour essayer d’obtenir réponse à ses questions. Certains essaient de traiter ses symptômes, mais aucun ne peut les expliquer tous.

Vers la fin de la vingtaine, Kim n’est plus admissible à une assurance maladie à prix abordable aux États-Unis. Pendant quatre ans, elle ne voit plus de médecin et s’entraîne plutôt régulièrement dans l’espoir d’améliorer son état de santé. Mais c’est l’inverse qui se produit. Parfois, la tête lui tourne quand elle essaie simplement de s’asseoir, et elle vomit deux fois à quatre fois par mois. Au mois d’octobre 2017, elle doit s’aliter et passe 18 mois sans pouvoir se lever. Elle est lavée, vêtue et nourrie par son mari et ses parents.

Devant la dégradation de son état, ses amis et sa famille la supplient de consulter de nouveau, mais au lieu de voir un médecin, elle se tourne vers Google. Elle a déjà fait des recherches à partir de ses divers symptômes, sans succès. Cette fois, elle trouve sur Facebook des groupes dont les membres décrivent des troubles semblables aux siens. Si c’est bien ce dont elle souffre, son mal a un nom: syndrome de tachycardie orthostatique posturale (STOP).

Le STOP est un trouble vasculaire. Ses victimes ont une tension artérielle irrégulière et un battement cardiaque anormal, ce qui dérègle la circulation sanguine, surtout en cas de mouvement brusque ou après une période d’immobilité prolongée. En conséquence, il leur arrive de s’évanouir en se levant. Kim a le profil type: une femme blanche âgée de 13 à 50 ans. «En lisant ça, j’ai fondu en larmes.» Elle sent qu’elle a enfin résolu l’énigme.

Sa recherche lui livre aussi le nom d’un spécialiste qui pourrait l’aider: le Dr Peng-Sheng Chen, cardiologue à la clinique Cedar-Sinai de Los Angeles, non loin de chez elle.

Kim réussit à obtenir un rendez-vous en octobre 2020. Dès son arrivée, le médecin lui assure que sa maladie est réelle. «En soi, c’était une confirmation inouïe», dit-elle.

Pour le Dr Chen, le cas de Kim n’est pas mystérieux. Étant l’un des rares spécialistes du STOP, il voit souvent des patients qui ont été mal diagnostiqués pendant des années.

Comme Kim, ils présentent un ensemble de symptômes généraux qu’aucun spécialiste n’a les moyens de diagnostiquer ni de traiter. Pourtant, même si quelque 700 000 Américains en souffrent, le syndrome n’est pas connu des médecins.

La cause primaire du STOP demeure inconnue, mais il apparaît parfois à la suite d’une autre maladie, d’une blessure ou d’une infection. Le Dr Chen aide Kim à découvrir que son cas a un rapport avec une maladie héréditaire commune chez les victimes du STOP, le syndrome d’activation des mastocytes. Tout le monde a des mastocytes: ces cellules sécrètent une substance appelée histamine qui, en combattant les allergènes, provoque des réactions comme le nez qui coule ou les yeux qui piquent. Les sujets atteints du syndrome d’activation produisent une quantité anormalement élevée d’histamine qui a des effets nuisibles sur tout l’organisme.

Selon le Dr Chen, on peut dépister ces anomalies génétiques chez les jeunes patients si le médecin pense à faire le test. Dans certains cas, cependant, les patients restent dans le noir pendant des décennies malgré des symptômes persistants, au risque de faire un choc anaphylactique potentiellement fatal.

Ni le STOP ni le syndrome d’activation des mastocytes ne sont curables, mais ils sont assez aisément gérables. Le Dr Chen prescrit à Kim une enzyme anti-inflammatoire contre ses troubles digestifs, ainsi qu’une antihistamine. Il lui recommande de porter des vêtements de compression pour accroître l’irrigation sanguine du cerveau, de s’entraîner couchée et de prendre des électrolytes et du sel pour rester hydratée.

Dès qu’elle commence ce régime, Kim se sent mieux. Elle a encore des crises, mais son état de santé s’est grandement amélioré; elle perd rarement connaissance. Désormais remise sur pied, elle rêve de fonder une famille – ce qui lui semblait jusque-là impossible. «Maîtriser un problème comme celui-là demande d’abord de la détermination, le désir de guérir, dit-elle. Maintenant que je suis en meilleure santé, je ferai vraiment n’importe quoi pour le rester.»

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Contenu original Selection du Reader’s Digest