La pandémie a-t-elle exacerbé l’agoraphobie ?

La pandémie a-t-elle exacerbé l’agoraphobie? Nous avons posé la question à la psychologue Melanie Badali.

Portrait de la psychologue Lauren TamakiIllustration de Lauren Tamaki
Rappelez-nous pour commencer ce qu’est l’agoraphobie.
De manière générale, on définit l’agoraphobie comme la peur de sortir de la maison, mais la réalité est plus complexe. On peut dire également qu’il s’agit de la crainte de se trouver dans une situation qui pourrait provoquer un état de panique; autrement dit, du sentiment que, dans un environnement donné, on est piégé. Elle est associée aux «espaces» clos –transport public, ascenseur, avion, file d’attente–, mais non à tel ou tel lieu particulier. Le diag­nostic d’agoraphobie doit reposer sur au moins deux lieux qui déclenchent la peur chez le patient.

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Y a-t-il d’autres signes qui confirment le diagnostic ?
Il y a des symptômes physiques souvent comparables à ceux d’une crise de panique: accélération du rythme cardiaque, gêne respiratoire ou vertiges. Il arrive également qu’on soit dans l’incapacité de faire certaines choses ou de se dépêtrer de situations pourtant familières. On aura l’impression que notre univers se contracte. Cela dit, comme pour toutes les phobies, le symptôme doit être persistant: au moins six mois pour un problème précis. On se demandera donc si le malaise rend vraiment impossible le fonctionnement normal du patient. On évalue enfin s’il y a surévaluation de la menace ou sous-estimation de la capacité du sujet à y faire face.

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Après deux années de confinement en raison de la COVID-19, avez-vous observé ou craignez-vous une recrudescence de cas de gens souffrant d’agoraphobie?
Il est vrai que la COVID-19 s’est accom­pagnée d’une augmentation du stress et de l’anxiété. Mais l’agoraphobie est caractérisée par une peur disproportionnée par rapport à un risque; or, dans le cas de la pandémie, la menace était réelle. À mon sens, la plupart de ceux qui craignent le retour dans la société après la COVID procéderont par étapes et se rendront compte qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter. L’anxiété diminuera. On n’a donc pas affaire à un symptôme persistant.

Vous voulez dire qu’il n’y a pas d’agoraphobie due à la COVID?
La pandémie a certes pu favoriser des sentiments agoraphobes chez des personnes fragiles. Les données sont encore insuffisantes pour en juger. Mais il s’agit de toute façon d’autre chose que la peur d’attraper la COVID. Dans l’agoraphobie, on craint plutôt que la panique ne tue (à la manière de palpitations qui provoqueraient une crise cardiaque). L’agoraphobe a peur de son impuissance (comme de ne pas arriver à fracasser un hublot dans l’avion). Certains finissent par reconnaître que leur peur est disproportionnée, mais en réalité, la plupart de mes patients viennent consulter parce qu’un proche leur a dit: «Je m’inquiète pour toi.»

Et le traitement, quelle forme prend-il ?
À titre de thérapeute cognitivo-comporte­mentale, je cherche avant tout des solutions concrètes. Cela peut se traduire par une thérapie d’exposition –si vous avez peur des ascenseurs, on commencera par des exercices d’observation de portes qui s’ouvrent et se ferment, puis d’entrée et de sortie de la cabine. C’est graduel, et ça ne peut marcher qu’à force de répétition –comme travailler le piano. En comprenant que sa peur est exagérée, le patient se souviendra des aspects positifs associés au fait d’avoir pu la surmonter. C’est le but.

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Contenu original Selection du Reader’s Digest