Après le cancer, l’amour

«Sans le cancer, je n’aurais pas rencontré la femme de ma vie!»

Cancer et amour: Stephanie et Antoine, photo de mariageMOORES PHOTOGRAPHIE/MOORESPHOTOGRAPHIE.COM

Enlacés, les jeunes parents sont en admiration devant les premiers gazouillements de leur poupon. «Édouard est un bébé miracle!» s’exclame Stéphanie Guindon. «Les médecins étaient convaincus que nous ne pourrions jamais avoir d’enfant à cause des puissants traitements contre le cancer que nous avons tous les deux reçus il y a quelques années», ajoute Antoine Gagnon Bouchard. Âgés respectivement de 27 et 28 ans, Stéphanie et Antoine sont eux aussi des enfants miracles. «Leur histoire est digne d’un film d’Hollywood!» convient la Dre Caroline Laverdière, hémato-oncologue au CHU Sainte-Justine.

Septembre 2011. Antoine rêve de basketball professionnel. Le gaillard de 17 ans, qui mesure près de deux mètres, a été recruté par l’équipe du Collège Champlain de Saint-Lambert. Il court et virevolte à l’entraînement lorsque tout à coup, le crissement des souliers et le claquement des ballons qui rebondissent s’estompe. «Je n’avais plus d’énergie et je sentais le sol se dérober sous mes pieds.» Inquiet de sa pâleur, son entraîneur l’envoie consulter un médecin de famille, qui le transfère aussitôt aux urgences de l’Hôpital Pierre-Boucher de Longueuil.

«Après 24 heures passées dans un corridor, le médecin de garde m’a froidement annoncé que j’avais 75% de risque d’avoir la leucémie et 25% que ce soit une mononucléose», se souvient-il. En état de choc, Antoine s’effondre dans les bras de ses parents. Puis on le transporte en ambulance au CHU Sainte-Justine, où des examens approfondis confirment qu’il souffre d’une forme de leucémie aiguë lymphoblastique à haut risque de rechute. La maladie va le clouer à un lit d’hôpital pendant 11 mois. «J’étais sûr de ne plus jamais jouer au basket!»

Comme les anthracyclines, les médicaments de chimiothérapie qui lui sont injectés pendant 50 jours, sont susceptibles d’altérer ses spermatozoïdes et de réduire sa fertilité, il fait congeler son sperme avant d’entreprendre les traitements. «Je me projetais dans l’avenir en bon père de famille», dit-il.

Cancer et amour: Antoine et Stéphanie à l'hôpitalAVEC LA PERMISSION DE STÉPHANIE GUINDON ET ANTOINE GAGNAON BOUCHARD
À gauche: Antoine passera 11 mois à l’hôpital Sainte-Justine. À droite: Stéphanie, ici en août 2012, n’avait qu’une crainte: perdre ses cheveux.

Passer des mois à l’hôpital, une époque difficile

Fatigue, chute de cheveux, atrophie musculaire, perte de poids, l’athlète répond difficilement à la thérapie – comme 2% des jeunes patients qui ont le même type de maladie. Comble de malheur, la chimio provoque une pancréatite foudroyante et entraîne un arrêt cardio-respiratoire. « J’ai failli mourir! Raconte Antoine. Quand j’ai repris connaissance, je ne comprenais pas pourquoi il y avait autant de soignants autour de mon lit. » Il passe cinq jours aux soins intensifs et doit suspendre sa chimiothérapie pendant trois mois. On le gave de narcotiques pour soulager sa douleur.

«Antoine souffrait beaucoup et ne voulait plus se battre, se souvient une de ses infirmières, Carole Provost. Je lui ai dit que si je le laissais partir chez lui, il allait mourir!» Le jeune homme reprend courage, et c’est finalement un programme expérimental de chimiothérapie (la nélarabine est utilisée pour la première fois au Québec) combiné à de la radiothérapie qui le conduiront vers la guérison au début de l’été 2012.

Antoine rentre chez ses parents, à Boucherville, mais pas pour longtemps : un mois plus tard, il est de nouveau hospitalisé d’urgence, brûlant de fièvre. Affaiblie, sa moelle osseuse ne parvient plus à combattre les infections et son anémie exige de nombreuses transfusions sanguines. Il peine à reprendre le dessus. Et puis un jour, déambulant dans le corridor, son regard croise celui d’une adolescente. Le coup de foudre est immédiat! «Elle était si jolie avec son petit bandeau sur la tête, même si elle avait perdu ses cheveux à cause des traitements!»

Mais cette attirance n’est pas réciproque. «Il était plutôt repoussant avec son teint vert et son culot de sang accroché à une tige à soluté qui le suivait partout!» se souvient Stéphanie Guindon. La jeune fille n’a de toute façon pas la tête à ça. Elle sait depuis deux mois qu’elle souffre d’un lymphome de Hodgkin, un cancer qui attaque le système immunitaire.

«Quand mon médecin a prononcé le mot cancer, j’ai eu l’impression que la terre cessait de tourner, mais je n’ai jamais pensé à la mort, raconte Stéphanie. Le pire, c’était de penser que j’allais perdre mes cheveux comme tous les enfants que je voyais au Centre de cancérologie Charles-Bruneau!» Pendant quatre mois, elle séjourne trois jours par semaine à l’hôpital Sainte-Justine pour recevoir sa chimiothérapie.

«Ce cancer se guérit généralement bien chez les jeunes. Le taux de réussite est de 85%», affirme son hémato-oncologue du CHU Sainte-Justine, la Dre Josette Champagne. Avant d’obtenir leur congé, presque en même temps, en septembre, Stéphanie et Antoine finissent par échanger quelques mots anodins et leur numéro de cellulaire. Ils se croiseront à l’occasion, dans les mois suivants, lors de rendez-vous en consultation externe. Des rencontres qui laissent Antoine sur sa faim. «On parlait très brièvement de notre santé, de nos études», se rappelle-t-il.

Antoine Et Stephanie Photos Souvenir(À GAUCHE) AVEC LA PERMISSION DE STÉPHANIE GUINDON ET ANTOINE GAGNAON BOUCHARD ; (À DROITE) MOORES PHOTOGRAPHIE/MOORESPHOTOGRAPHIE.COM
À gauche: En 2014, ils partent aux îles Turquoises grâce à la Fondation Rêve d’enfants. À droite: Le jour du mariage, ils affichent fièrement l’échographie de leur bébé.

Retour à la case départ

Au début de 2013, Antoine et Stéphanie reprennent leurs études, lui en comptabilité à l’université, elle en soins infirmiers. Mais ce retour à la normalité ne dure pas. En avril, la jeune femme apprend que son cancer a récidivé. «Lorsque cela se produit moins d’un an après la rémission, la maladie est plus difficile à traiter», explique la Dre Champagne. Chimiothérapie, radiothérapie… la voilà confinée dans sa chambre d’hôpital. Pour tromper l’ennui, elle envoie à Antoine un texto lui demandant des suggestions de films afin de passer le temps.

Le jeune homme se précipite à son chevet, le cœur battant à tout rompre. Les visites se multiplient et, quand la jeune femme quitte momentanément l’hôpital en juillet, il l’invite au restaurant. La magie opère. «Je le trouvais tout à coup plus beau et plus gentil!» confie Stéphanie.

Même s’ils vivent encore chez leurs parents, à 30 kilomètres de distance, Antoine et Stéphanie se retrouvent dès qu’ils le peuvent au restaurant, au cinéma, ou l’été aux feux d’artifice de la Ronde. La main délicate de Stéphanie se perd dans celle d’Antoine, large et rassurante. Il l’aide à combattre les angoisses qu’il a lui-même surmontées. En décembre 2013, la jeune femme subit une greffe autologue.

Les médecins prélèvent 3% de ses cellules souches, qu’ils soumettent à un cycle de chimiothérapie pour éliminer toute trace de cancer. Stéphanie reçoit dans la foulée une puissante chimiothérapie destinée à venir bout du lymphome avant que les cellules souches lui soient réinjectées. Elles vont aider sa moelle osseuse à fonctionner normalement.

«Sans Antoine à mes côtés, j’aurais eu de la difficulté à passer au travers! avoue la jeune femme. Son amour m’a aidé à guérir!» Les deux jeunes gens se fiancent en 2015 et continuent de vivre chez leurs parents jusqu’à la fin de leurs études, bien décidés à se marier. Un projet que la pandémie va repousser de quelques années.

Un prompt rétablissement…avec une surprise!

Ils sont guéris, mais la maladie et les traitements ont durement éprouvé leurs corps. Antoine souffre d’une nécrose avasculaire, une maladie très douloureuse des os de la hanche, et a développé un diabète. De son côté, Stéphanie doit faire attention à ses poumons, que la radiothérapie a endommagés, réduisant sa capacité respiratoire. Ils savent que tout cela anéantit leur désir d’enfant à moins, peut-être, d’avoir recours à la procréation assistée.

Mais début 2022, alors que le couple est en attente d’un rendez-vous dans une clinique de fertilité, Stéphanie s’étonne du retard dans son cycle menstruel. Elle sait bien qu’une grossesse est tout à fait improbable, mais court tout de même acheter un test à la pharmacie sans en parler à Antoine. Surprise! Il est positif. Elle lui annonce la nouvelle, et comme ils continuent d’être sceptiques, elle fait un autre test. Même résultat. Son médecin de famille, très étonné, confirme la bonne nouvelle. «Nous étions abasourdis!» raconte Stéphanie.

Quelques mois plus tard, en juillet 2022, Antoine et Stéphanie, le ventre déjà bien rond, se marient en plein air, entourés de 185 convives parmi lesquels certains médecins et infirmières qui les ont sauvés. «Ça fait du bien de constater le rôle que nous avons pu jouer dans leur existence», se réjouit l’oncologue d’Antoine, la Dre Caroline Laverdière.

Suivie étroitement par une équipe médicale du CHUM, la jeune femme a eu une grossesse sans problème et à terme et a accouché la veille de Noël 2022. Après toutes ces épreuves, la venue d’Édouard leur donne une magnifique raison de croire en l’avenir. «C’est un magnifique cadeau que nous fait la vie!», se réjouissent-ils.

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