Agressions sexuelles: des victimes parlent enfin

Comme le dit si bien Martine Delvaux dans ce témoignage: «le problème de l’agression sexuelle, c’est le silence qui l’entoure.» D’une seule voix et grâce à une écrivaine, 100 femmes témoignent des blessures de leurs agressions sexuelles et dénoncent la culture du silence.

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Martine Delvaux dénonce le silence autour des agressions sexuelles.
Alex Tran
Martine Delvaux dénonce le silence autour des agressions sexuelles.

Inégalités envers les victimes d’agressions sexuelles

Martine Delvaux alimente le débat public depuis un bon moment déjà, surtout sur les questions féministes, ce qui lui vaut à l’occasion quelques volées de bois vert de ses détracteurs. Professeure de littérature à l’UQAM, romancière (Blanc dehors, Rose amer) et essayiste (Le monde est à toi, Le Boys Club), cette militante trempe parfois sa plume dans l’encre de la polémique, portée aussi par un désir profond de mettre en lumière les criantes inégalités que subissent les femmes, particulièrement les victimes d’agressions sexuelles.

Dans la foulée du mouvement #MoiAussi, Martine Delvaux n’a pas été surprise de la déferlante de témoignages venant de celles qui racontaient ouvertement un ou des épisodes douloureux issus d’un passé récent ou lointain: viol, inceste, harcèlement, violence conjugale, etc. Pour éviter que toutes ces histoires ne tombent dans l’oubli ou ne sombrent dans les profondeurs du Web, elle a lancé une invitation comme on lance une bouteille à la mer: par courriel, par texto ou sur Facebook, écrivez ce que vous avez vécu. Une centaine de femmes ont répondu à l’appel, et à partir de ces tranches de vie, elle a concocté «une fiction documentaire» tissée d’émotions et de faits vécus ayant pour titre, éloquent, Je n’en ai jamais parlé à personne (éditions Héliotrope).

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Notez ce qui vous arrive de bon pour lutter contre la déprime.
LIDERINA/SHUTTERSTOCK

Un élan de témoignages

Comment avez-vous réagi devant la réponse à votre appel?

Au moment où je l’ai lancé, je ne savais pas comment j’allais procéder, mais c’était clair qu’il s’agirait d’un tricotage de fragments, de morceaux de textes, un peu comme des perles. Et il y avait la variété des choses reçues: de trois lignes à dix pages! Toutes ces personnes m’ont fait confiance, même si je n’ai pas pris l’intégralité de leur témoignage.

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Comment faire face à la réalité des agressions sexuelles.
MikeDotta

Rester anonyme, ou non

Les témoignages sont anonymes, mais à la fin du livre vous établissez une liste de toutes les contributions reçues, et certaines femmes dévoilent en partie, ou complètement, leur identité.

Je voulais que la décision vienne d’elles, car pour certaines, c’était important que le nom apparaisse quelque part, mais pas pour d’autres. La solution de compromis était d’inscrire cette liste à la fin, et de faire en sorte que l’on ne puisse pas établir un lien entre un témoignage et un nom. Mais ma plus grande inquiétude était de les décevoir: elles me confiaient leurs mots et n’avaient aucun droit de regard. Je leur donnais régulièrement des nouvelles du processus de travail et à la fin, une seule personne s’est retirée. Ce n’est pas beaucoup.

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Agression sexuelle: le livre de Martine Delvaux.
Éditions Héliotrope

Libérer les victimes

Et quel effet a eu le livre sur celles qui ont décidé de voir leur témoignage, et parfois leur nom, publié?

Certaines de ces femmes m’ont écrit, brièvement ou longuement, pour me remercier et ont décrit l’impact de cet exercice dans leur vie: participer à ce livre les avait vraiment libérées.

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Arrêter de se sentir coupable en arrêtant de se blâmer pour tout.
iStock/BraunS

L’impression de culpabilité

Dans un de vos récents textes d’opinion, vous souhaitez l’abandon «des vieux récits», dont ceux des anciennes manières de revendiquer. Un de ces vieux récits est-il pour vous cette omerta autour de l’agression sexuelle?

La multiplication des voix dans mon livre défait déjà quelque chose. Parce que le problème de l’agression sexuelle, peu importe laquelle, c’est le silence qui l’entoure. Et cette injonction: ne dis rien, n’en parle pas… de même que le fait que les victimes ne sont pas crues. À cause de cette impression de culpabilité, on ne la raconte pas parce que la honte est grande. D’un autre côté, il y a toute une série d’agressions pour lesquelles on ne sait plus quel mot employer. Inconduite sexuelle? C’est un euphémisme, et ça laisse entendre que c’est l’écart de quelqu’un qui, normalement, se conduit correctement. Tout ça est beaucoup plus compliqué et souvent de l’ordre de l’intime. Une femme va-t-elle déposer une plainte à la police parce que son conjoint fait pression sur elle pour avoir des rapports sexuels tous les soirs? Une fille se met-elle à courir après des hommes qui l’ont insultée dans la rue? Sur la base de quoi dépose-t-on une plainte?

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Racisme: apprenez à connaître l’Histoire des Noirs.
pcruciatti/Shutterstock

Le dernier recours

Croyez-vous que c’est ce qui explique la plus récente vague de dénonciations, où des femmes identifient nommément des hommes qui les auraient agressées, de différentes manières, mais parfois aussi sans aucun détail?

Des gens crient à l’anarchie, à la mise en péril du système de justice, parlent de dérapages et de chasse aux sorcières. C’est sûr qu’on préférerait ne pas avoir à passer par ces listes, mais avant de les critiquer, demandons-nous pourquoi nous en sommes arrivés là. Selon moi, c’est le symptôme du dernier recours. On dit qu’il faut déposer des plaintes officielles, mais ces femmes-là affirment que ça ne fonctionne pas. Le système de justice est inadéquat, et on le répète depuis des années: entre le dépôt de la plainte dans un poste de police au bureau du procureur jusqu’à la cour et aux témoins, tout est en place pour mettre en doute la crédibilité de la victime. Or, plusieurs des hommes récemment dénoncés ont tout de suite été désavoués par leurs employeurs: si la chose s’est réglée aussi vite, c’est qu’ils avaient des doutes, ou qu’ils savaient, et ont réagi rapidement parce que le problème était connu. Ce qui est dénoncé aussi, c’est le silence ambiant. Au fond, c’est un geste de révolte contre une culture. Peut-être un peu sauvage, fait sous le couvert de l’anonymat sur les réseaux sociaux, mais cette révolte est bien présente. 

Souvenez-vous de ces moments historiques qui ont changé la condition des femmes.

Contenu original Selection du Reader’s Digest

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