La « nouvelle » Nouvelle-Orléans

Depuis près de trois siècles, la Nouvelle-Orléans est un laboratoire où l’on expérimente la vie sous le niveau de la mer, et où l’on tente de s’adapter aux canicules et aux termites voraces. Les Néo-Orléanais y travaillent depuis 1718, date de l’établissement par deux Français d’un avant-poste sur ce sol détrempé et instable.

S’il y a une conclusion à retenir: «Il est inutile de songer à l’avenir, sans le passé pour nous guider.» En cet après-Katrina, s’il faut une nouvelle métaphore de la ville («gumbo culturel» a depuis longtemps fait son temps), les poètes seraient peut-être avisés de visiter le quartier Bywater, où tout ce qu’il y a de vieux redonne vie à la Nouvelle-Orléans.

Comme l’architecture et la musique, la gastronomie locale nous donne subtilement des leçons d’histoire. À l’extrémité est du quartier Bywater se trouve le Bacchanal, un restaurant dont je ne me lasse pas. En réalité, il s’agit d’une cave à vins logée dans un immeuble défraîchi de style créole. Voici la formule: vous entrez, choisissez une bouteille de vin et peut-être un ou deux fromages, puis vous passez au comptoir pour régler les droits de bouchon (3$) et prendre des verres, et vous sortez par-derrière. La cour, vaste et en désordre, est semée de lauriers-roses, de chaises de jardin bon marché, de bobines de chantier renversées et autres tables, et de torches de jardin qui grésillent.

Les Néo-Orléanais ne se sont jamais lassés de rassembler, de dépoussiérer et de recombiner des pans de leur passé. Sans rien pasticher, sauf peut-être dans les boutiques de tee-shirts qui déversent de la musique zydeco dans les rues. Visiter la Nouvelle-Orléans, c’est assister à une renaissance du passé inscrite dans les gènes. Cette ville recycle ce qu’il y a de mieux depuis des décennies, et tout indique qu’elle le fera encore longtemps.