Mode éphémère: les vêtements sont-ils toxiques?

Nous posons la question à Miriam Diamond, environnementaliste.

La mode éphémère est néfaste pour notre santé.New Africa/Shutterstock

Faut-il s’inquiéter des substances chimiques dans nos vêtements?

Oui! L’an dernier, j’ai travaillé avec Marketplace de la CBC afin de tester la présence de toxines dans une collection de vêtements bon marché (ce qu’on appelle la «mode éphémère», ou fast-fashion en anglais), incluant entre autres des maillots de bain, des sacs et des habits pour enfants. Je savais déjà que les vêtements d’aujourd’hui comprenaient davantage de produits chimiques synthétiques qu’auparavant, mais les résultats étaient inquiétants: un morceau sur quatre en présentait un niveau élevé.

Qu’est-ce qui explique la présence de telles substances dans nos vêtements?

Après la Seconde Guerre mondiale, on a massivement adopté le «lavez et portez». Or, ce sont des produits chimiques qui rendent les vêtements résistants aux plis et aux taches. De nos jours, plusieurs teintures sont fabriquées à partir de substances potentiellement dangereuses parce que c’est moins cher. Alors qu’autrefois il était commun d’avoir une tenue pour les occasions spéciales et une autre pour le travail, le désir de renouveler sa garde-robe est désormais insatiable. Une compagnie comme Zara produit 10 000 nouveaux morceaux par année… mais certains détaillants en ligne en produisent maintenant 6000 par jour.

Quels sont les risques pour la santé?

Plusieurs articles testés contenaient des substances per- et polyfluoroalkyliques (PFAS), surnommées «polluants éternels» parce qu’elles ne se dégradent pas et demeurent dans notre système. On ne devient pas malade après avoir porté un vêtement, mais l’exposition à long terme peut avoir des effets nocifs, par exemple le diabète de type 1, l’affaiblissement de la fonction immunitaire, une hausse de l’obésité et le cancer. Nous avons également trouvé des phtalates, qui interfèrent avec les hormones et avec le système reproducteur masculin, et du plomb, très nocif pour les enfants et les fœtus. Nous avons notamment testé un imperméable qui contenait plus de 20 fois la quantité de plomb permise dans un produit pour enfants par la loi canadienne.

Comment les compagnies peuvent-elles vendre des objets qui excèdent les limites permises?

Il est simplement impossible de tester tous les vêtements, surtout avec l’essor des détaillants en ligne qui livrent directement à votre porte des effets fabriqués dans une usine à l’autre bout du monde.

Ces substances peuvent-elles être éliminées par un lavage à la machine?

Certaines peuvent l’être, bien qu’elles ne soient pas conçues pour partir ainsi. Cependant, quand on met ces tissus dans la laveuse, des fibres sont relâchées et finissent dans l’eau que nous buvons. Ainsi, même si vous évitiez d’acheter des vêtements contaminés, vous seriez quand même exposé.

Est-ce un problème spécifique à la mode éphémère?

Celle-ci est responsable de la quantité massive de produits chimiques, mais on ne sait pas vraiment si le problème se limite aux collections bon marché. Il est possible que les textiles dits «faits de fibres biologiques ou naturelles» soient moins susceptibles de contenir des substances chimiques, mais il est arrivé que ces allégations se révèlent fausses. Le problème est que l’industrie du textile est peu réglementée et n’est pas contrainte d’étiqueter ses produits, contrairement aux industries pharmaceutiques et cosmétiques.

Que faire alors?

Vous pouvez rechercher les compagnies qui agissent – par exemple, les chaussures Keen ne contiennent plus de PFAS et Patagonia s’engage à faire de même. L’Union européenne a récemment annoncé un plan pour tenir les entreprises de mode éphémère responsables des toxines dans leurs vêtements – un exemple à suivre pour le Canada. En attendant, les consommateurs peuvent contribuer au changement en n’achetant pas de produits de mode éphémère.

Miriam Diamond dirige un laboratoire à l’Université de Toronto.

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