Maladie cœliaque : le dessous des choses

La maladie cœliaque, affection courante du système immunitaire qui est déclenchée par la consommation de gluten, pourrait être la cause du problème dont vous souffrez.

Maladie cœliaque : le dessous des choses

Willow Wight souffrait d’ostéoporose, Nancy Adrian, de détresse intestinale, Maria MacKinnon, d’anémie et de fatigue. Quant à moi, j’avais le syndrome du côlon irritable et mes menstruations étaient irrégulières.

En principe, ces affections n’ont rien en commun, mais, dans notre cas, elles avaient toutes la même origine : la maladie cœliaque. Chez les personnes génétiquement prédisposées, ce trouble immunitaire est déclenché par le gluten, protéine présente dans le blé, le seigle et l’orge. Sans le savoir, chaque fois que nous consommions des pâtes, de la pizza, du pain, du gâteau, des biscuits, des céréales et d’autres produits contenant de la farine de blé, nous ingérions en réalité un allergène qui causait des dommages à notre muqueuse intestinale et mettait en péril notre santé.

La maladie cœliaque, une affection courante

Bien que la maladie cœliaque existe probablement depuis des milliers d’années, c’est-à-dire depuis que les humains cultivent et consomment des céréales, ce n’est qu’au cours des dix dernières années que les experts ont découvert qu’elle était relativement courante. En fait, un Canadien sur cent en souffrirait, mais la médecine est souvent confondue par la diversité des symptômes qu’elle présente. D’ailleurs, dans bien des cas, ceux qui en souffrent l’ignorent, de même que leur médecin. Il suffirait pourtant de supprimer le gluten de leur alimentation pour corriger le problème.

«Cette maladie est beaucoup plus courante qu’on le croyait auparavant», souligne le docteur Mohsin Rashid, gastro-entérologue en pédiatrie à l’université Dalhousie et conseiller médical pour l’Association canadienne de la maladie cœliaque. Dans le passé, les médecins pensaient que ses symptômes se résumaient en gros à la diarrhée et aux ballonnements, et qu’elle se manifestait surtout chez les enfants. «Mais, de plus en plus, on découvre que les gens présentent des symptômes atypiques, par exemple de l’anémie et de la fatigue, ce qui retarde le diagnostic», explique Mohsin Rashid.

La maladie cœliaque : en cause dans d’autres problèmes de santé

Cette maladie pourrait être la cause sous-jacente de multiples autres affections : ostéoporose, syndrome du côlon irritable, infertilité, lymphome intestinal, troubles cutanés ou thyroïdiens, dépression, taille anormalement petite, diabète de type 1, engourdissements et fourmillements, lupus et syndrome de Sjögren, affection apparentée à l’arthrite. Les personnes dont un parent proche souffre de cette maladie et qui consomment des produits contenant du gluten pourraient subir des dommages intestinaux sans présenter le moindre symptôme, pour se découvrir plus tard dans la vie de graves problèmes de santé, notamment le lymphome malin de l’intestin.

Maladie cœliaque : une affection mal diagnostiquée

Mohsin Rashid est l’un des auteurs de l’enquête canadienne qui a été menée en 2002 et a permis de découvrir que de nombreux patients avaient consulté pendant des années divers omnipraticiens et spécialistes pour une multitude de maux avant qu’on ne diagnostique finalement la maladie cœliaque. En moyenne, il leur a fallu attendre 11,7 ans.

«Nous en avons conclu que les médecins étaient peu au fait de cette maladie, ce qui explique ce long délai avant de poser le bon diagnostic», explique Mohsin Rashid, ajoutant que, compte tenu de leur formation, la plupart des omnipraticiens sont toujours sous l’impression que cette maladie touche surtout les enfants et se limite à des ballonnements, de la diarrhée et des troubles de la croissance.

Tests de dépistage

Comme on pensait, il n’y a pas si longtemps, que cette maladie était rare en Amérique du Nord, on ne disposait pas de tests de dépistage fiables. Cependant, les choses ont changé : nous avons aujourd’hui des tests sanguins très sensibles, particulièrement celui de l’antigène transglutaminase tissulaire humain recombinant, qui a d’ailleurs permis de découvrir que le taux des personnes atteintes approchait le 1%. Il s’agit d’une simple analyse sanguine, dont les résultats sont confirmés, au besoin, par une biopsie intestinale. Mis en marché en mars 2008 et approuvé par Santé Canada, le test Biocard est en vente libre dans les pharmacies canadiennes au coût de 50$.

Une maladie sournoise

«La maladie cœliaque peut causer des dommages à la peau, aux articulations et aux organes. Il est donc important d’obtenir un diagnostic précoce», de dire le docteur Alessio Fasano, l’un des plus grands experts en la matière. Directeur du Center for Celiac Research de l’université du Maryland, il a été parmi les premiers à en révéler l’importance au sein de la population. Au cours d’une étude multicentrique menée en 2003, il a fait la preuve qu’une personne sur 133 en souffrait. Dans une étude de suivi menée en 2007, son équipe a examiné les dossiers médicaux de résidents de 25 villes nord-américaines et a fait passer le test de dépistage à tous ceux qui présentaient des symptômes atypiques : on a pu établir qu’une personne sur 50 en était atteinte. Selon les estimations du chercheur, près de trois millions d’Américains en souffriraient sans le savoir.

Vivre avec la maladie cœliaque

Mon cas est classique. Quand ma mère a introduit la bouillie de blé dans mon alimentation, j’ai réagi par de la diarrhée chronique et des ballonnements. À l’époque, il n’y avait pas de test permettant de confirmer le diagnostic de maladie cœliaque, mais mes symptômes étaient éloquents. Pendant plus de 7 ans, j’ai donc suivi un régime sans gluten. A 10 ans, comme tout semblait indiquer que je n’en souffrais plus, j’ai repris une alimentation normale, sans présenter le moindre symptôme gastro-intestinal.

Cependant, au cours des 20 années suivantes, j’ai souffert de divers problèmes de santé, subtils mais néanmoins réels : irrégularité des règles, maux de ventre et, finalement, côlon irritable. Je devais avoir 35 ans quand m’est revenu en mémoire le diagnostic que j’avais reçu dans ma petite enfance, et j’ai cessé de consommer du blé, du seigle et de l’orge. Au bout de trois mois, non seulement mes symptômes avaient-ils disparu, mais j’étais en forme comme je ne l’avais pas été de toute mon existence. Pour la première fois depuis ma puberté, mes règles étaient régulières. Je ne consomme plus de gluten depuis maintenant 15 ans.

C’est de mon propre chef et sans avoir reçu de diagnostic formel que j’ai pris la décision de changer mon alimentation. Décision contre laquelle mettent en garde Alessio Fasano et Mohsin Rashid : ne présumez pas que vous souffrez de cette maladie avant d’avoir passé un test sanguin et une biopsie intestinale. Suivre un régime sans gluten (le seul traitement dont nous disposions pour l’instant) n’est pas chose simple, sans compter les frais supplémentaires qui en découlent; par conséquent, seules les personnes ayant reçu un diagnostic formel devraient s’abstenir de consommer du blé, du seigle et de l’orge. Il faut savoir aussi que l’Agence de revenu du Canada accorde un crédit d’impôt à la condition de présenter une lettre d’un médecin confirmant le diagnostic de maladie cœliaque.

Pour ma part, je me sens tellement mieux que je n’ai pas voulu prendre le risque de réintroduire le gluten dans mon alimentation pendant les six à douze mois requis pour que mes analyses sanguines révèlent un diagnostic positif. Mon médecin de famille et mon gastro-entérologue me soutiennent dans cette décision.

Comprendre les symptômes

Après avoir souffert pendant des années de divers troubles de santé Willow Wight, Nancy Adrian et Maria MacKinnon ont finalement passé une biopsie intestinale. A 52 ans, Willow Wigth avait appris qu’elle faisait de l’ostéoporose; aucun médicament ne semblait venir à bout de cette affection. C’est en 2002, soit 10 ans plus tard, qu’elle découvre, lors d’une conférence sur la maladie cœliaque, que celle-ci est d’origine auto-immune. Les liens entre cette maladie et d’autres, par exemple l’ostéoporose, lui apparaissent dans toute leur évidence. Soudainement, tous ses problèmes de santé s’expliquent. Comme elle n’a jamais souffert de problèmes gastro-intestinaux, il ne lui était pas venu à l’esprit qu’elle pouvait être atteinte de cette maladie. Elle décide de passer le test de dépistage et le diagnostic tombe enfin. Depuis qu’elle a exclu le gluten de son alimentation, sa santé osseuse s’est améliorée, de même que son état de santé général.

Maria MacKinnon a souffert pendant des années d’anémie ferriprive, de maigreur excessive, d’irrégularité menstruelle et d’épuisement avant de, finalement, se faire dire en 1994 qu’elle était positive. Quant à Nancy Adrian, elle traversait une période extrêmement stressante de son existence quand sont apparus les symptômes caractéristiques de la maladie, que la biopsie a confirmée. Depuis qu’elles ne consomment plus de gluten, les deux femmes sont en parfaite santé. «Le régime sans gluten n’est pas facile à suivre au début», confie Nancy Adrian, maintenant âgée de 49 ans, «mais je m’y suis faite. Jamais je ne me suis sentie aussi bien.»