Les courses à obstacles deviennent-elles trop risquées?

Les courses à obstacles exigeantes sont de plus en plus populaires’ et risquées. Que faire pour y participer et devriez-vous même y songer?

Les courses à obstacles deviennent-elles trop risquées?ISTOCKPar une belle journée d’août, pendant que la stéréo crache l’hymne d’Eminem, Lose Yourself, un maître de cérémonie motive des hommes et des femmes prêts à prendre le départ dans le Tough Mudder (que l’on pourrait traduire par « rude épreuve dans la boue ») de Mount St. Louis Moonstone, une station de ski près de Barrie (Ontario). Pour se rendre à l’aire d’attente, les participants ont dû passer une clôture de 2 m de haut, un avant-goût des défis physiques dangereux de l’événement. Le cofondateur, Will Dean, a été agent de lutte contre le terrorisme au Royaume-Uni et les obstacles ont été conçus par d’anciens membres des Forces spéciales du R.-U. Le Tough Mudder est « probablement le défi le plus difficile de la planète », mais avec les gens qui dansent au son de la musique et crient « hourra », il revêt l’heureuse ambiance d’un concert. Après la prestation de serment (de type « Je fais passer le travail d’équipe et la camaraderie devant mon temps de parcours »), certains ont dansé jusqu’après la ligne de départ.

Les courses d’obstacles extrêmes ont mauvaise presse et cette réputation est bien méritée (lisez cet article en entier avant de vous lancer). Pourtant, leur popularité croît depuis quelques années. Les événements les plus courus sont le Tough Mudder, le Warrior Dash et le Spartan Race, qui ont lieu au Canada et partout dans le monde. (Leurs sites officiels : toughmudder.com, warriordash.com et spartanrace.com). La plupart des courses ont lieu entre mai et septembre. Les femmes représentent environ 30 % des participants au Tough Mudder ‘ considérée comme l’épreuve la plus éreintante (les courses se déroulent à Whistler, en Colombie-Britannique, à Toronto et à Montréal). Warrior Dash clame une répartition presque à parité entre les sexes. Une série rivale, Spartan Race, encourage activement les femmes à prendre part aux initiatives du groupe Facebook « Spartan Chicked »; les femmes représentent environ 35 % des participants à leurs courses à obstacles.

Dans la foule de Mount St. Louis Moonstone, se trouve Karyn Filiatrault, 33 ans, une agente d’immeubles de Toronto. Bien que cette nouvelle maman soit une coureuse expérimentée et performante, elle se sent quelque peu terrifiée. Elle s’est jointe à une équipe de sa salle de gym pour s’entraîner après qu’un instructeur de conditionnement physique l’ait mise au défi. « Je venais de terminer mon congé de maternité et j’ai pensé : quelle meilleure façon de montrer au monde entier que je suis de retour, que je peux relever un défi de style militaire? », se souvient-elle.

Pour se préparer, Karyn a poursuivi son entraînement habituel, dont une course de 5 km à 12 km trois fois par semaine, ainsi qu’un entraînement postnatal deux fois par semaine; elle s’est rendue à son aire de jeux de quartier pour s’entraîner aux barres de suspension. « Je ne pouvais pas faire deux tractions à la fin de mon entraînement. J’étais donc nerveuse avant la course », admet-elle.

Natalie Holdway, 29 ans, productrice de nouvelles télévisées à la CBC (Toronto), dit que la crainte de manquer quelque chose l’a incitée à se joindre à une équipe du bureau. Avant l’événement de mai, la coureuse passionnée est allée au parc avec ses coéquipiers, une ou deux fois par semaine, pour des entraînements proposés sur le site de Tough Mudder. « Tout le monde a considéré que c’était une bonne raison de se mettre en forme », dit-elle.

À quoi s’attendre pendant la course

Après que les équipes de Mount St. Louis Moonstone aient franchi la ligne de départ, l’« échauffement » comprend un trekking vers le sommet d’une pente de ski trop abrupte pour courir. Les détails du parcours du Tough Mudder restent secrets jusqu’à la semaine de la course, mais les participants doivent s’attendre à 20 à 25 obstacles, répartis sur 16 km à 19 km. Avec des noms comme « Arctic Enema » (lavement arctique), un plongeon dans une benne d’eau glacée, « Boa constricteur » (ramper dans des tuyaux en plastique étroits) et « Everest » (un sprint presque à la verticale pour franchir une grande planche de contre-plaqué recouverte de feuilles de métal graissées), les obstacles mettent à l’épreuve la détermination autant que la condition physique : passer la ligne d’arrivée demande de dompter son anxiété et sa peur.

Pour Natalie Holdway, qui a réalisé son Mudder par une température de 5 °C en mai, le plongeon glacé a été son deuxième obstacle et elle en a frissonné pendant des heures. « J’aurais apprécié s’il n’avait pas fait si froid », se rappelle Natalie, qui dit ne rien regretter. Les meilleurs obstacles, selon elle, étaient ceux nécessitant un esprit d’équipe pour aider les collègues et d’autres participants à franchir les murs difficiles à passer sans aide.

Au contraire d’un marathon, un exploit individuel, ces parcours d’obstacles exigent de la camaraderie, ce qui attire beaucoup de participants. En fait, 90 % des personnes prenant part au Mudder le font dans le cadre d’une équipe. C’est une épreuve d’équipe, mais elle s’accompagne de pression des pairs : « Sur le coup, on se dit : je dois le faire, tout le monde le fait », se rappelle Karyn Filiatrault en pensant aux obstacles perfides qu’elle aurait souhaité éviter. (Durant le Mudder, on peut éviter un obstacle sans pénalité, mais au Spartan, vous ne pouvez continuer sans l’essayer). L’obstacle « Walk the Plank » consistait à sauter d’une planche suspendue à 3,65 m dans les airs jusque dans une fosse d’eau boueuse pleine d’autres participants, une épreuve qui, selon Karyn, aurait pu occasionner des commotions cérébrales, des traumatismes au cou ou pire encore.

En effet, des pancartes le long du parcours rappellent : « N’oubliez pas vous avez signé une renonciation en cas de décès » et ce n’est pas une blague. Le formulaire de renonciation que les participants doivent accepter lors de l’inscription en ligne et signer le jour de l’événement, avertit que des blessures mineures (éraflures, foulures et coupures) sont « courantes », tandis que les blessures graves (fractures, ligaments déchirés, commotions cérébrales) sont « moins fréquentes, mais se produisent parfois ». Les blessures invalidantes (paralysie, crise cardiaque, voire la mort) sont décrites comme rares, mais possibles.

Chaque course du circuit Tough Mudder garde le plus effrayant pour la fin « Thérapie par électrochocs », l’un de deux obstacles électriques. C’est un sprint vers la ligne d’arrivée à travers un champ boueux sous des fils électriques qui pendent et sont alimentés à 10 000 volts au total. Ça a rappelé à Natalie Holdway une décharge électrique comme lorsqu’on sort un vêtement de la sécheuse. Pour Karyn Filiatrault : « Cela assomme, à tel point que je suis tombée et ceux à qui je m’accrochais aussi. Je ne me souviens pas que mon visage ait touché la boue. Je sais que j’ai perdu connaissance parce que, lorsque j’ai fini la course, j’avais de la boue sur le visage. »

Électrochocs est l’une des épreuves les plus risquées, selon un rapport récent d’Annals of Emergency Medicine, qui relate qu’un Mudder de deux jours aux États-Unis a occasionné plus de 100 appels pour des services médicaux d’urgence et 38 visites à l’urgence. Quatre des cinq patients examinés avaient des blessures graves (comme des problèmes cardiaques) causées par les obstacles électriques. En raison de la nature des défis, selon le rapport, « l’entraînement ne pouvait prévenir certaines blessures. » En effet, comment s’entraîner pour une décharge électrique?

Interrogé par Best Health, Tough Mudder a refusé de présenter ses statistiques sur les blessures « pour des raisons de respect de la vie privée des participants » et n’avait aucun commentaire à faire sur le rapport, mais a déclaré que la déshydratation, les coups de chaleur et l’hypothermie sont les affections les plus courantes sur la santé et qu’on les traite sur place. Les personnes présentant des risques médicaux sont priées de consulter un médecin avant de signer. En raison de la difficulté du parcours, 22 % en moyenne des participants au Mudder abandonnent.

Heureusement, Karyn Filiatrault a terminé avec seulement quelques bonnes contusions. « J’étais fière de moi », lui rappelle l’euphorie de la ligne d’arrivée. Tout le monde avait gagné une bière, un bandeau orange et le droit de se vanter. « Ce fut une journée divertissante, mais trop dangereuse pour recommencer. »

Certains effets ont perduré sur la santé de Natalie Holdway : « Je sais ce qu’est l’hypothermie, c’est ce que j’ai connu durant la course. » Elle affirme avoir traîné un rhume pendant un mois « ‘ parce que cela a traumatisé mon système immunitaire. » Elle dit encore, qu’elle n’exclut pas de réessayer, mais par temps chaud. « Cette épreuve a changé la dynamique au sein du groupe de gens avec qui je travaille. Nous sommes des amis maintenant », dit-elle. Quand on se pousse mutuellement les fesses pour passer un mur, on apprend à se connaître! »

S’entraîner avec sagesse et concourir en toute sécurité

N’oubliez pas que si vous devez signer une renonciation, c’est qu’il y a risque de blessures. Les informations suivantes s’appliquent uniquement à la préparation physique. Rien ne peut vous préparer à la décharge électrique et à d’autres obstacles. Vous prenez part à ces compétitions à vos risques.

Côté mise en forme, à condition de bien s’entraîner et d’avoir l’accord du médecin, participer à des courses à obstacles est possible, peu importe le niveau de forme physique, selon Joy Victoria Younan-Renold, entraîneure personnelle diplômée d’Equinox, à Toronto, qui a terminé deux Mudders. « Les deux fois, il y avait des personnes de toutes conditions physiques et de toutes tailles », dit-elle.

Pour vous préparer, consultez le site officiel de l’événement. Mme Younan-Renold conseille de s’entraîner pendant au moins trois mois : musculation et cardio, au moins deux fois par semaine. Pour le cardio, elle recommande notamment des courses de faible intensité (5 km à 7 km) et de l’entraînement par intervalles de haute intensité (EIHI), à faire seul ou en groupe (par exemple, le programme Metcon3 d’Equinox).

Pour la musculation, elle suggère de travailler tout le corps avec des squats et des haltères, puis de passer aux barres de suspension avec tractions.

L’entraînement avec un partenaire ou des coéquipiers est une excellente façon de se motiver et d’être constants. Des vidéos en ligne de la compétition à laquelle vous prévoyez prendre part vous donneront une idée des épreuves et stimuleront vos séances d’entraînement.

Pendant la course, évitez les obstacles que vous ne vous sentez pas capables de passer. Des compétitions, comme le Tough Mudder, ne sont pas chronométrées : passer la ligne d’arrivée rapidement n’est pas l’objectif. Donc, n’hésitez pas à aller lentement. Si vous n’avez pas atteint la mi-parcours à une heure précise, on peut vous indiquer un raccourci vers la ligne d’arrivée.