Mon histoire: maison de répit

Aux parents d’enfants lourdement handicapés, Diane Chênevert offre un cadeau inestimable: un peu de repos!

Mon histoire: maison de répitA six ans, Mélodie Brochu ne parle pas, ne marche pas, ne s’assoit pas toute seule. Atteinte d’une forme grave de paralysie cérébrale, la fillette est aussi incapable d’avaler ou d’uriner. La nuit, elle s’étouffe avec sa propre salive ou est agitée de convulsions qui l’empêchent de dormir. Mélodie a déjà passé 34 heures sans fermer l’œil.

Sa mère, Louise Beauchesne, est restée à son chevet pendant les deux premières années de sa vie. Elle aurait fini par y laisser la santé si, un jour, elle n’était pas tombée par hasard sur cette annonce: «Le Centre de répit Philou accueille les enfants handicapés.» Première lueur d’espoir, a-t-elle pensé.

Diane Chênevert, la fondatrice de ce refuge un peu particulier, comprend parfaitement ce que vivent les parents d’enfants lourdement handicapés: Philippe, son deuxième enfant, avait trois mois quand on a découvert qu’il était atteint de paralysie cérébrale grave. «Il restera comme un bébé de six mois toute sa vie», dit-elle. Le coup est dur pour cette professionnelle, directrice des communications chez BCE. Pourtant, malgré le terrible diagnostic, Diane retourne à son poste après huit mois de congé de maternité, bien décidée à poursuivre sa carrière tout en s’occupant de son fils malade.

Mais, très vite, le défi se révèle au-dessus de ses forces: en plus de son travail, Diane court les rendez-vous médicaux – plus de 40 par mois. La nuit, elle se lève toutes les deux heures pour aider son fils à se retourner dans son lit. Pendant les deux premières années de sa vie, Philippe pleure 20 heures par jour. Diane le berce continuellement, et se demande parfois comment mettre fin à son supplice.

«On a tout envisagé, confie-t-elle. Commettre un suicide familial, laisser aller notre enfant pendant une crise d’épilepsie pour arrêter ses souffrances… Après 20 heures de pleurs continus, on peut faire de sacrées bêtises.»

Deux ans de ce régime, et Diane est au bout du rouleau. Elle rêve d’un endroit où elle pourrait laisser Philippe quelques jours, ou même quelques heures, pour s’accorder enfin un peu de repos. Mais un tel refuge n’existe pas!

Plutôt que de le déplorer, elle va se démener pour en créer un. Elle prépare un plan d’affaires, active son réseau pour trouver des sources de financement et, en 2004, quitte définitivement son emploi pour se consacrer à temps plein à son nouveau projet. Deux mois plus tard, elle loue le rez-de-chaussée d’une maison de ville, à deux rues de l’hôpital Sainte-Justine à Montréal, et, en mai 2005, ouvre les portes du Centre de répit Philou, ainsi nommé en l’honneur de son fils.

Cette maison, qui accueille jusqu’à neuf enfants âgés de 0 à 9 ans pour une période allant de deux jours à trois semaines, Diane l’ouvre d’abord pour les parents. Elle se souvient de leurs visages harassés dans les salles d’attente de l’hôpital: des mères monoparentales, des pères incapables d’accepter l’infirmité de leur enfant, des parents avec deux enfants handicapés…

«J’étais tellement plus privilégiée qu’eux, dit-elle. J’avais un mari merveilleux, une petite fille en santé. J’avais eu une belle éducation, une belle carrière. Je me suis dit: Mon malheur, je vais le transformer en quelque chose de positif.»

Diane Chênevert a depuis acheté toute la maison, emploie 26 éducatrices et prévoit dès cette année élever à 12 ans la limite d’âge de ses pensionnaires. Pour faire rouler tout ça, la fondatrice doit amasser près de 500000$ par an. Les parents donnent ce qu’ils peuvent, et Diane remue ciel et terre pour trouver le reste: campagnes de financement, sollicitations d’entreprises, conférences…

Chaque année, le centre organise également un concert-bénéfice. L’an dernier, le spectacle et les ventes de Berceuses pour Philou – un CD où brillent des pianistes de renom comme André Gagnon et Oliver Jones – ont rapporté 90000$ au centre. En 2009, ce sont Nanette Workman et ses amis (Bruno Pelletier, Martin Deschamps…) qui ont donné un concert au mois de juin.

«Mais cette année, nous ressentons durement les effets de la crise», confie Diane Chênevert qui, malgré un horaire chargé, ne passe pas un jour sans venir faire son tour au centre pour cajoler les enfants et saluer les éducatrices, «ses filles», comme elle les appelle.

«Bonjour, Mélo! Comment ça va, ma cocotte?», demande-t-elle à la petite Mélodie Brochu, qui se prépare à sortir avec Heather Walker, l’une des éducatrices. Pendant ce temps, les parents soufflent un peu.

La première fois qu’elle a laissé Mélodie au centre de répit pour la nuit, Louise Beauchesne n’a pas pu trouver le sommeil. Mais aujourd’hui, elle n’hésite pas à déposer les valises de sa fille chez Diane pendant quelques jours, le temps de recharger ses batteries.

«Diane, c’est un cœur sur deux pattes, confie la maman de Mélodie. Grâce à elle, je peux me reposer en toute confiance.»