Mark Pinkus: l’homme d’affaires derrière Farmville

Le patron de Zynga (et créateur de FarmVille) cueille les fruits du succès en ligne!

Mark Pinkus: l'homme d'affaires derrière Farmville

Un très rude hiver a dévasté tous les vergers, y compris le vôtre, mais celui de votre copain Rick a tellement été éprouvé qui vous décidez de lui offrir quelques pommiers. Non, vous n’êtes ni l’un ni l’autre des agriculteurs.

Vous êtes un internaute ordinaire, et Rick est un camarade d’université perdu de vue jusqu’à ce que vous deveniez deux des 70 millions d’accros à FarmVille, l’un des multiples jeux de réseautage social lancés par Zynga,  l’entreprise-champignon de Mark Pincus.

FarmVille permet en effet de cultiver une ferme virtuelle et des amitiés réelles sur Facebook, Twitter ou iPhone. Au lieu de téléphoner à vos amis ou de les retrouver au restaurant ou au cinéma, vous prenez contact chaque fois qu’un «dring» de votre téléphone vous prévient, par exemple, que vos pastèques sont dangereusement mûres. «Ma femme et moi sommes archisociables, dit l’entrepreneur de 44 ans, mais tellement pris que la plupart de nos échanges se font par l’entremise de Facebook, d’un jeu ou de Twitter. C’est un miracle que nous arrivions à coïncider dans l’espace et le temps avec des amis.»

L’aventure de Pincus commence à Chicago dans une famille qui raffole des charades et des jeux de société. À dix ans, il est «incurablement accro» aux jeux vidéo. Pourtant, il n’est pas de ces gamins coupés du monde derrière un écran; il joue au soccer de la troisième à la douzième année et se sent aussi à l’aise parmi les mordus du jeu Donjons et Dragons qu’avec les fanas de sport. À l’école d’études commerciales Wharton, ses amis et lui font presque l’équivalent d’un diplôme en baseball SEGA – de nuit.

En 1993, son MBA de Harvard en poche, il décroche un emploi d’idéateur pour un bouquet de chaînes câblées; c’est le début d’une carrière qui débordera d’idées originales. Il lance FreeLoader (qu’il décrit comme un croisement de Napster et d’eBay) en 1995, fait partie des premiers actionnaires de Napster et crée le site de réseautage social tribe.net en 2003, un an avant la naissance de MySpace et de Facebook. En 2007, il prend conscience du potentiel des nouvelles applications Facebook, et c’est alors que son expérience des affaires et de la technologie, sa créativité, sa sociabilité et son amour des jeux engendrent Zynga. «Je cherchais un moyen de travailler avec des esprits créateurs et de toucher rapidement des millions de gens», avoue-t-il.

Dans l’esprit de son fondateur, Zynga (nom du bouledogue américain de Pincus) doit «unir l’humanité par le jeu». Trois ans après sa naissance, la société compte 900 salariés et accueille chaque mois 240 millions de joueurs. «Presque tout le monde s’y est mis, des enfants en bas âge aux grands-mères en passant par les parents qui travaillent», s’émerveille Scott Steinberg, fondateur du magazine GameExec et de Game Industry TV. Pincus réussit même là où Facebook, Google et
MySpace ont échoué: il fait payer ses clients.

En acceptant d’ouvrir leur porte-monnaie, les joueurs accroissent la valeur de leur domaine; chaque «mise à niveau» leur donne droit à de nouveaux accessoires. Ils peuvent également donner des articles à un ami – ou à une bonne œuvre. Après le séisme de janvier en Haïti 2010, la totalité de leurs achats de plants virtuels de patate douce  – plus d’un million et demi de dollars en cinq jours – a servi à nourrir les écoliers et à faire des microprêts aux femmes du pays dévasté. En achetant une boîte-tortue du Golfe pour votre aquarium virtuel, vous aidez la société Audubon à sauver des animaux menacés par le déversement pétrolier de BP dans le golfe du Mexique. Pincus mise sur des initiatives comme celles-là pour relier les «biens sociaux virtuels» au «monde réel».

Au siège social de Zynga, à San Francisco, il passe le plus clair de son temps dans l’Imaginarium, salle de remue-méninges aux murs bordés de divans et de tableaux blancs: «J’y réfléchis à la façon d’incorporer mes idées folles au jeu.»

Après des décennies d’activité fébrile – lancement d’entreprises, nuits blanches, voyages en jet privé, repas avec des investisseurs -, Pincus semble vouloir ralentir un peu. En 2010, sa femme Alison Gelb (fondatrice du site d’ameublement onekingslane.com) a donné naissance à des jumelles, et Pincus a pris un temps d’arrêt. Le nouveau papa lui-même n’avait aucun nouveau produit en gestation. Pour l’homme qui s’est juré d’«aider les gens à égayer leur vie quotidienne», l’heure semble venue de mettre ses principes en pratique.

Crédit photo: JIM WILSON/THE NEW YORK TIMES/REDUX