Le geste qui compte: Ramassage scolaire

Nous avons tout. Les petits Haïtiens n’ont rien. Une jeune ado dyslexique a voulu que ça change.

Le geste qui compte: Ramassage scolaire

Sous l’œil de la caméra, les jeunes Haïtiens bombardent Linda Tardif de questions:

«Comment elle est, Charlie?
-Elle est où, Charlie?
-À l’école, au Canada», répond la documentariste.

À 3000 kilomètres de là, Charlie-Elizabeth Nadeau, 17 ans, arpente les couloirs de son école secondaire, à Québec, en poussant un gros bac à recyclage rempli de cartables, de sacs à dos, de livres et de cahiers d’exercices usagés, que la jeune fille récupère auprès de ses camarades de classe en vue de les expédier à des élèves démunis d’Haïti.

«Ces enfants n’ont rien pour se sortir de l’ignorance et de la misère, et l’accès aux livres leur ouvre une porte sur un avenir possible, explique Linda Tardif, qui en a rencontré un bon nombre pour son film. Le geste de Charlie vient combler un besoin essentiel.»

Cette collecte est la troisième qu’entreprend l’adolescente depuis qu’elle a lancé son Projet pour la vie, en juin 2009.

L’idée lui est venue en découvrant une photo prise à Haïti par son père, le capitaine de corvette Jocelyn Nadeau, alors qu’il participait à une mission de l’ONU. Sur le cliché, une centaine d’élèves brandissent fièrement des crayons à mine et des calepins offerts par les militaires pour l’inauguration de leur nouvelle école. «Un bout de crayon et quelques feuilles: c’est tout ce qu’ils ont! s’indigne Charlie. Pendant ce temps, ici, nous jetons les livres et les cahiers à la poubelle à la fin de l’année scolaire!»

Comme la fin des classes approche, elle propose à la direction de son école de recycler le matériel scolaire usagé et de l’envoyer aux élèves d’Haïti. Enthousiasmés par l’idée, les professeurs mettent sur pied un comité d’élèves désireux d’aider l’adolescente. Cet été-là, 20 caisses de fournitures seront expédiées à des écoliers haïtiens.

L’année suivante, Charlie se remet à l’ouvrage, mais le tremblement de terre du mois de janvier donne un coup d’arrêt à son projet: avec le chaos qui règne en Haïti, tout risque de se perdre. Charlie et son équipe décident donc de remiser les caisses en attendant des jours meilleurs.

Entre-temps, les élèves d’autres écoles du Québec entendent parler du Projet pour la vie et demandent à l’adolescente de venir leur parler de son expérience. L’idée de prendre la parole en public terrorise Charlie, mais elle se souvient d’une phrase de Gandhi: «Vous devez être le changement que vous voulez voir dans le monde.»

Puisant son courage dans cette devise d’un homme qu’elle admire profondément, l’étudiante surmonte son trac et monte sur la scène de l’auditorium de l’école primaire de l’Everest, à Québec, où, devant 200 élèves, elle explique comment venir en aide aux petits Haïtiens. Depuis, Charlie a exposé sa mission humanitaire dans une multitude d’écoles, partout au Québec, et Projet pour la vie a connu un essor extraordinaire.

Cet été, ce ne sont pas moins de 300 caisses de fournitures récupérées dans 10 écoles québécoises que la jeune fille a commencé à acheminer vers Haïti. En plus de former une relève, car Charlie a quitté la Quebec High School pour aller étudier les sciences sociales au cégep Champlain St. Lawrence… où elle compte bien poursuivre son projet.

L’adolescente, récipiendaire de la médaille du lieutenant-gouverneur du Québec pour la jeunesse, espère réaliser bientôt son rêve le plus cher: rencontrer les petits Haïtiens qu’elle a aidés.

Ceux-ci sont d’ailleurs très impatients de faire sa connaissance. «Charlie, chaque jour en Haïti, une cinquantaine d’enfants, dans 20 écoles différentes de Port-au-Prince, consultent les livres que tu as envoyés, lui a écrit le psychologue haïtien Jean Gérard Clervil. Ils seraient aux anges de pouvoir te rencontrer en chair et en os pour te remercier.»

*Pour visionner le documentaire de Linda Tardif sur le «Projet pour la vie» de Charlie-Elizabeth Nadeau, rendez-vous sur www.artisans duchangement.tv/artisans-juniors/charlie.