Drame vécu: emporté par le Saint-Laurent

Le drame vécu d’Andrew, emporté dans le Saint-Laurent par un courant très fort. Comment, sentant ses forces l’abandonner, il a tenté de garder la tête hors de l’eau.

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Drame vécu: Andrew Spiridonov emporté par le Saint-Laurent.
Richmond Lam

Le temps est radieux en cette fin d’après-midi du 15 juin 2018

Comme une vingtaine d’autres surfeurs, Andrew-­Benjamin Spiridonov est venu profiter du vent fort qui balaie la métropole et glisser sur la fameuse vague qui déferle derrière Habitat 67, bâtiment emblématique construit lors de l’Exposition universelle.
Cette vague stationnaire, surnommée « Habitat 67 » par les initiés, est créée par le mouvement rapide de l’eau qui va heurter les rochers sous la surface, créant un remous qui peut atteindre jusqu’à deux mètres de haut.
Amoureux de glisse aquatique depuis plus de 20 ans, Andrew profite de tous ses moments libres pour apprivoiser la force des eaux. Sa fille, pilote d’avion, lui réserve régulièrement des billets à bord de vols vers Miami. Mais lorsque son travail d’ostéopathe le retient à la maison, l’homme de 48 ans se fait un devoir de venir surfer tous les jours à « Habitat 67».

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Andrew se jète à l'eau, l'emplacement est idéal.
Sw_photo

Le surfeur se lance, l’emplacement est idéal

Aujourd’hui, c’est armé d’une toute nouvelle planche qu’il s’apprête à se jouer du fleuve, un modèle plus petit et plus léger qu’il a loué pour l’occasion et qui lui permet de bouger plus rapidement et plus facilement.
Enfin, la voie se libère. Andrew nage, à plat ventre sur sa planche, en route vers la vague qui ne peut accueillir qu’un seul surfeur à la fois. Il trouve l’emplacement idéal et saute sur ses pieds. Après une trentaine de secondes, alors qu’il achève de prendre sa vague, il se laisse tomber de sa planche (ce qu’on appelle en surf un wipeout). Très vite, les choses se compliquent : le cordon qui relie son poignet à sa planche – son « filet de sécurité » – cède brusquement. Dès qu’il se retrouve à l’eau, le surfeur tente de récupérer sa planche, seul moyen de regagner la terre ferme, mais le courant est trop fort. « Je ne la voyais nulle part », se souvient-il.

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Seul face au Saint-Laurent, le courant l'emporte sur près d'un kilomètre.
Meunierd / Shutterstock.com

Seul face au Saint-Laurent, le courant l’emporte sur près d’un kilomètre

En quelques instants à peine, trop rapidement pour que l’un des surfeurs présents remarque sa chute, le courant a le dessus sur les efforts d’Andrew pour garder la tête hors de l’eau et demeurer sur place. Une vague plus grande que les autres l’engloutit, l’entraînant à une vitesse vertigineuse dans l’immensité du fleuve.
Submergé par les eaux, privé d’oxygène, Andrew refuse de céder à la panique. De toutes ses forces, il nage vers la surface et, après quelques secondes, parvient à sortir la tête de l’eau. Ce bref répit lui permet de constater qu’il approche du pont de la Concorde, reliant l’île de Montréal à l’île Sainte-Hélène. Mais avant de pouvoir s’y accrocher, le courant l’emporte de nouveau.
« Je ne pensais qu’à une chose : faire de mon mieux pour parvenir à rejoindre la rive. » Lorsqu’il peut enfin reprendre une bouffée d’air, moins d’une minute plus tard, Andrew a parcouru près d’un kilomètre. Il a vue sur le Quai de l’horloge.
Encore une fois, le courant est trop fort pour pouvoir regagner la rive. Par chance, le temps chaud de ce bel après-midi a attiré quelques plaisanciers. « À bout de forces, j’ai agité ma main dans les airs en me laissant flotter et dériver. Je ne pouvais qu’espérer que l’un d’eux m’aperçoive », se souvient Andrew.

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Drame vécu: de valeureux vacanciers au secours d'Andrew.
Dennizn / Shutterstock.com

De valeureux vacanciers

Simon Hébert est policier à la Sûreté du Québec. En congé, il profite du beau temps pour prendre l’apéro à bord de son bateau avec deux de ses amis. Soudain, ils aperçoivent un corps inanimé flottant dans l’eau. Ils essaient d’approcher et de l’agripper, mais n’y parviennent pas. « Avec le courant et les vagues que nous provoquions, assure Simon, il aurait facilement pu glisser sous l’embarcation. »
Ils agitent frénétiquement les bras dans l’espoir d’attirer l’attention des passagers d’une motomarine qui passe non loin et dont la taille est beaucoup mieux adaptée à la situation. Constatant que des gens l’ont enfin aperçu, Andrew sent ses dernières forces le quitter. « L’adrénaline est tombée d’un coup, et j’ai perdu conscience », indique-t-il.

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Le drame vécu par Andrew: une heureuse rencontre avec une motomarine.
Richard A. McGuirk / Shutterstock.com

Une heureuse rencontre

Comme tous les vendredis, après leur journée de travail chez Global Sécurité, la compagnie qu’ils possèdent sur la Rive-Sud, Jocelyn Bordeleau et Sonia Dupuis ont été faire des courses à Longueuil avec leur motomarine et regagnent leur bateau, amarré dans le Vieux-Port de Montréal. C’est sur le chemin du retour qu’ils voient trois hommes sur le pont d’un bateau de plaisance leur faire de grands signes en pointant quelque chose dans l’eau.
« Au fur et à mesure que l’on s’approchait, on a aperçu une main et des cheveux qui flottaient », se rappelle Sonia. Ils s’approchent, et Jocelyn tente sans succès de hisser l’homme à bord. « C’était impossible à cause du courant. » Sans hésiter, il saute à l’eau. Une manœuvre très risquée puisqu’on ne sait jamais comment va réagir un individu en détresse. « Mais Andrew était complètement inconscient, se souvient Sonia. Sa peau et ses lèvres étaient bleutées. »
Comme l’espace est insuffisant pour trois personnes sur la motomarine, le couple s’approche du bateau de Simon. Tant bien que mal, le policier et ses deux amis hissent le surfeur sur la plateforme. L’opération, qui leur sem­ble durer une éternité, ne dure en fait que quelques minutes.

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Drame vécu: ils tentent de réanimer Andrew.
KieferPix

Tentative de réanimation

Andrew ne présente toujours aucun signe de vie. Il ne respire plus et son pouls est imperceptible. Le policier entreprend immédiatement des manœuvres de réanimation. De toutes ses forces, il compresse la poitrine de la victime. Sans hésiter, Sonia insuffle de l’air entre les lèvres entrouvertes du noyé, un geste qui amènera Andrew et Simon à la qualifier de « véritable héroïne dans cette journée ». « Elle a fait preuve d’un sang-froid exceptionnel », souligne le policier de Joliette. « Je n’ai pas vraiment pensé aux risques associés au bouche-à-bouche, affirme Sonia, dont la formation en secourisme remonte à plus de 15 ans. Cet homme se trouvait entre la vie et la mort, j’ai suivi mon instinct. »

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Drame vécu: toujours inconscient mais il respire, les secours arrivent.
Kryzhov

Toujours inconscient, mais il respire: les secours arrivent

Leur travail porte ses fruits. Après une centaine de compressions, ils entendent enfin Andrew reprendre une bouffée d’air. Mais il est toujours inconscient, et rien ne garantit qu’il va s’en tirer. Ils poursuivent les manœuvres de réanimation jusqu’à ce que la garde côtière arrive et prenne le relais, quelques instants plus tard.
Une fois Andrew transbordé, nos cinq héros regardent le navire de patrouille s’éloigner vers le port et n’ont qu’une question en tête : ont-ils réussi à lui sauver la vie ?
Les sauveteurs de la garde-côtière sont catégoriques : sans l’intervention rapide de ses bienfaiteurs, l’incident aurait pu lui laisser de graves séquelles, voire lui coûter la vie.

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Shutterstock

L’appel de la délivrance

Le soir même, vers 20 h 30, Sonia et Jocelyn reçoivent un appel de la police : Andrew va survivre. Pour le couple, cet appel est une véritable délivrance. « J’ai senti un grand poids s’envoler de mes épaules. Jocelyn et moi avons rêvé à l’accident durant quelques jours. »
Andrew, de son côté, les appelle le lendemain. À leur grand plaisir. Les médecins auraient voulu garder le surfeur en observation pendant quelques semaines, mais c’est sans compter sur sa forme physique exceptionnelle et sa détermination de fer.
« Je suis sorti après deux jours. »

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Andrew a pu rencontré ses anges gardiens une semaine après le drame vécu.
Pierre-Paul Poulin/les archives/Le journal de Montréal

La rencontre avec ses anges gardiens

Andrew ne perd pas de temps. La semaine suivante, il demande à Sonia d’organiser une rencontre avec tous les intervenants de son sauvetage. Une semaine jour pour jour après l’incident, le vendredi suivant, à peu près à la même heure et au même endroit, tous les protagonistes du sauvetage se retrouvent sur le bateau de Sonia et de Jocelyn. Ils sont une dizaine, y compris les membres de la garde côtière et les policiers qui sont intervenus. Andrew peut alors rencontrer ses anges gardiens et les remercier en les regardant droit dans les yeux.

« Lorsqu’on s’est finalement vus en personne, Andrew était avec sa femme, Tracy, indique Sonia. Ça nous a permis de constater qu’on a accompli quelque chose non seulement pour lui, mais aussi pour sa famille. Il pourra voir son petit-fils grandir. »

Depuis, les nouveaux amis se rencontrent à l’occasion. « Quand j’étais plus jeune, mon père me disait souvent : rappelle-toi que tu es toujours en vie. Sonia, Simon et Jocelyn m’ont donné la chance de continuer. Ils sont la confirmation concrète de ma vision de l’existence. »

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La sécurité avant tout! Certains outils comme le gilet de sauvetage peuvent vous sauver la vie.
Amfroey

La sécurité avant tout

Octobre 2018. Près de quatre mois après l’accident qui a failli lui coûter la vie, Andrew se prépare pour sa séance de surf quotidienne. Comme d’habitude, son véhicule est encombré de planches, de pagaies et de nombreux équipements. Il en sort un petit sac en tissu tout anodin, dans lequel se cache un gilet de sauvetage.

« J’appelle cet objet mon plan B. La sécurité a toujours été ma priorité, mais avant l’accident, je tenais pour acquis que ma planche était mon engin de flottaison. Si jamais je me retrouve de nouveau à l’eau, je pourrai tirer la corde qui fait gonfler la veste. »

À Habitat 67, le risque d’incident est considéré comme peu élevé. Depuis 2008, le Service de police de Montréal n’a recensé que deux accidents liés au surf. Ces statistiques excluent toutefois les cas où les services d’urgence n’ont pas été appelés, par exemple lorsque la victime a été secourue par des plaisanciers.

Andrew se fait donc un devoir de promouvoir des comportements sécuritaires auprès des surfeurs qu’il côtoie. Pour le reste, il continue de profiter de chaque moment.

Contenu original Selection du Reader’s Digest

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