Obturations dentaires

Avez-vous entendu parler des dangers des obturations dentaires et croyez-vous être à risque? À l’aude du mois d’avril qui est le mois national de la santé buccodentaire, nous avons demandé à des experts de remettre les pendules à l’heure.

Obturations dentaires

Les obturations représentent une protection contre les effets de la plaque, couche collante de microbes qui se forme sur les dents, tous les jours. Dans la population canadienne, 96 % des adultes canadiens ont au moins une dent cariée ou qui a été traitée (la moyenne étant de 10) et les adolescents ont, en moyenne, au moins deux dents cariées ou obturées.

Le brossage des dents, 20 minutes après les repas, permet d’éviter la plaque. À défaut, la plaque attaque l’émail des dents. (Attention, le brossage dans les 20 minutes qui suivent le repas peut être nocif pour des dents qui viennent d’être exposées à des boissons et à des aliments acides. Toutefois, mâcher de la gomme immédiatement après les repas est un bon moyen de stimuler la production de salive, car celle-ci neutralise les acides dans la bouche.) Les caries non traitées prennent de l’ampleur, finissent par atteindre les nerfs, causer de la douleur et des abcès (infection) ou une fracture des dents et, finalement, détruire la pulpe dentaire entraînant la chute des dents.

Les dentistes comblent les cavités dentaires avec différents matériaux. Mais certains titres d’études scientifiques et les clavardages ont soulevé des inquiétudes quant à l’innocuité de ces matériaux. Pourtant, au-delà du seul matériau, les dentistes tiennent compte de plusieurs facteurs pour déterminer ce qu’ils emploieront, dont la durabilité, la technique de mise en place, le coût et l’esthétique.

Les matériaux d’obturation les plus courants, ceux qui ont fait les manchettes, sont la résine composite et les amalgames d’argent. Voici ce que vous devez savoir à leur sujet.

L’amalgame d’argent, un alliage d’argent, d’étain, de cuivre et de mercure, est utilisé comme matériau d’obturation depuis plus de 165 ans. Il est communément appelé plombage. Les dentistes débattent de son innocuité depuis les années 1840. On s’interroge sur sa composition en métaux, dont du mercure qui cause des problèmes de santé chez les personnes exposées à des doses élevées, explique le Dr Ben Balevi, un dentiste de Vancouver qui a étudié les rapports de recherche. Les conséquences sont des lésions rénales et des lésions cérébrales. « Les plombages libèrent des quantités infimes de mercure, » dit le Dr Peter Doig, président de l’Association dentaire canadienne (ADC) et dentiste à Dauphin, au Manitoba. L’ADC et Santé Canada s’accordent pour dire que la quantité libérée ne présente aucun risque pour la santé du Canadien moyen.

Néanmoins, un groupe de dentistes du Canada et des États-Unis appelé l’Académie internationale de médecine buccale et de toxicologie (IAOMT) milite contre l’utilisation des amalgames d’argent. Selon le Dr David Warwick, un dentiste de Hanna, en Alberta, membre de l’IAOMT, « les études qui ont mesuré la quantité de mercure dans nos corps montrent clairement que vous en absorbez même si vous n’avez qu’une seule obturation en argent. » L’IAOMT croit que cela entraîne un risque accru de maladies, comme l’Alzheimer et la sclérose en plaques. Santé Canada et l’ADC insistent sur le fait qu’aucune preuve crédible n’appuie ces affirmations.

Pourquoi ce débat a-t-il lieu? Une grande partie de la controverse est tributaire du fait qu’il est difficile de déterminer exactement la quantité de mercure venant des obturations présentes dans nos corps. Par exemple, deux études au cours desquelles les chercheurs se sont penchés sur les mêmes mesures de santé des Canadiens ont conduit à des conclusions opposées sur la quantité de mercure à laquelle nous sommes exposés du fait des amalgames.

L’IAOMT souligne que la Norvège, le Danemark et la Suède ont interdit ou restreint l’utilisation de ces amalgames. Cependant, ces pays ont agi surtout pour des motifs environnementaux (au Danemark et en Suède, la santé faisait aussi partie des raisons), parce que leur utilisation par les dentistes et leur élimination est peu contrôlée.

Résines composites

Bien que l’amalgame d’argent soit jugé sûr et soit moins cher que les résines, les dentistes canadiens lui préfèrent souvent maintenant les résines composites. En 2012, une étude publiée dans la revue Pediatrics a fait les manchettes parce qu’elle concluait que les enfants avec des obturations au méthacrylate de glycidyl et de bisphénol A (bis-GMA) présentent une plus grande incidence de variations de l’humeur et de comportements agressifs. (En 2008, le gouvernement du Canada a interdit le bisphénol-A [BPA] dans la fabrication des biberons en raison de préoccupations sur la santé des bébés et des enfants, touchant le comportement, le cerveau et la prostate.) Parce que les obturations de résine composite remplacent peu à peu les amalgames et qu’on étend de plus en plus souvent des scellants plastiques sur les molaires des enfants pour prévenir la carie, il y a une inquiétude. Ces plastiques étanches sont faits de matériaux à base de résine. Les obturations de résine et les scellants au bisphénol A diméthacrylate (bis-DMA) libèrent des BPA en permanence à mesure que le matériau se dégrade. Des traces de BPA venant de la fabrication subsistent pendant une courte période de temps après la pose sur les dents de matériaux de bis-DMA et de bis-GMA (les obturations de bis-GMA sont couramment utilisées au Canada), selon l’American Dental Association.

Devriez-vous vous inquiéter des propos tenus dans l’article de Pediatrics en 2012? Balevi, Warwick et Doig soulignent tous qu’on n’a pas mesuré l’exposition réelle au BPA et que le changement de comportement était truffé de partialité. « Certaines études cliniques ont démontré la présence de traces de BPA dans la salive de patients, immédiatement après une obturation dentaire en plastique. Les taux de BPA étaient bien en deçà des niveaux acceptables et ils étaient devenus indétectables quelques heures plus tard » fait remarquer Balevi. « En outre, aucune de ces études n’a trouvé une association entre la courte exposition à des traces de BPA et un effet délétère sur la santé. »

Fait intéressant, un mois seulement après son article dans Pediatrics, le même auteur a publié une étude dans NeuroToxicology affirmant qu’il n’y a aucun effet délétère important du fait des composites de bis-GMA.

Les patients inquiets peuvent demander à leur dentiste quel matériau il utilise, le bis-GMA étant plus sûr que le bis-DMA, selon Doig et Warwick. (Il n’existe aucune résine composite d’obturation sans bis-GMA, ni bis-DMA). Santé Canada ne restreint pas le recours aux matériaux dentaires libérant des BPA parce qu’ils restent dans la plage sécuritaire, en ce qui concerne l’exposition.

De fait, Santé Canada approuve aussi utilisation d’amalgame d’argent, à une exception près : les 2 % ou 3 % de la population qui présentent une hypersensibilité allergique à ces obturations (une hypersensibilité difficile à dépister par des tests d’allergie).

Les dentistes interviewés dans le cadre de cet article croient qu’il n’y a aucune raison de remplacer les amalgames d’argent (plombages) par d’autres amalgames, sauf s’ils présentent un risque évident, comme en cas d’hypersensibilité allergique. Leur remplacement fait courir un risque accru d’exposition au mercure, mais il n’y a pas consensus sur le degré de danger. Si vous devez remplacer des obturations, demandez à votre dentiste s’il ou elle utilise une digue dentaire (une pellicule de caoutchouc posée sur les dents pour empêcher les particules d’être avalées) et s’il suit les recommandations de l’IAOMT pour le remplacement.

« Maintenir de saines habitudes d’hygiène buccale est essentiel pour prévenir la carie dentaire et éviter le remplacement d’une obturation. Lorsque cela devient nécessaire, c’est souvent attribuable, non à la détérioration du matériau, mais à l’érosion de la dent », dit Doig. Et, ajoute-t-il, bien qu’on recherche un meilleur matériau d’obturation, rien de ce qui a été testé au cours des dernières années, ne se rapproche de l’efficacité de la résine composite ni de l’amalgame d’argent.