Friture sur toute la ligne

Comment faire entendre sa grogne dans le monde impitoyable des télécommunications

Friture sur toute la ligne

En novembre 2009, Claude Hamel appelle son fournisseur d’accès Internet pour s’abonner au service haute vitesse. Au bout de quelques jours, n’ayant toujours pas reçu son modem acheminé par la poste, il rappelle le service à la clientèle, qui lui en expédie un nouveau. Mais le technicien, lorsqu’il se présente enfin, apporte lui aussi un modem. Il installe donc un des appareils et repart avec l’autre.

Quelques semaines plus tard, à sa grande surprise, Claude Hamel reçoit une lettre de son fournisseur lui réclamant 75$ pour le second modem. Il contacte le service à la clientèle et explique la méprise. Malgré cette longue discussion, il recevra encore deux avis et devra communiquer avec son fournisseur à deux autres reprises avant que l’erreur soit finalement corrigée. «J’ai perdu l’équivalent d’une journée de travail à régler cette affaire», râle le travailleur autonome.

Claude Hamel peut pourtant s’estimer heureux: bien des abonnés n’obtiennent pas aussi facilement gain de cause. C’est le cas de Bertrand (pseudonyme), qui s’est vu facturer deux types de frais d’annulation: un pour avoir résilié son entente de service Internet avant l’expiration du contrat, et un autre pour un ordinateur portable promotionnel qui était compris avec son plan de trois ans. Il a payé la facture, puis demandé le remboursement des frais, soutenant que l’ordinateur était un «cadeau» et qu’il n’était pas satisfait de la qualité de sa connexion Internet. Le fournisseur a accepté de réduire certains frais, mais refusé de rembourser ceux liés à l’ordinateur promotionnel.

Qu’il s’agisse de liaison Internet, de câblodistribution ou de téléphonie, les grands fournisseurs canadiens s’attirent de plus en plus les foudres des consommateurs. En 2008-2009, 3200 plaintes de clients mécontents comme Bertrand ont été déposées auprès du Commissaire aux plaintes relatives aux services de télécommunications (CPRST), une agence indépendante et autofinancée, créée en 2007 par le Conseil de radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) dans le but de protéger les usagers. Il s’agit d’un bond de 44 pour 100 par rapport à l’année précédente. Les principaux irritants: la facturation et les malentendus concernant les contrats. Trente-huit pour cent des plaintes touchaient la téléphonie sans fil, et 24 pour 100 la téléphonie.

Les plaintes déposées au CPRST visent une quarantaine de fournisseurs. Mais en 2008-2009, ce sont les noms de Bell (1239 plaintes), Rogers Communications (672) et Telus (579) qui revenaient le plus souvent. Comment expliquer cette insatisfaction? Les causes sont multiples. «Complexité des contrats, manque de concurrence et de réglementation, caractère «essentiel» des services…» énumère Me Anthony Hémond, analyste en télécommunications à l’Union des consommateurs. Et, pour ne rien arranger, les compagnies tentent de nier leur responsabilité: les contrats sont truffés de clauses d’exonération… même si c’est interdit par la Loi sur la protection du consommateur. Le client fait donc face à des fournisseurs qui réclament des frais pour un oui ou un non, modifient à leur gré les conditions du contrat et refusent d’être tenus responsables de leurs erreurs.

Ces abus de fournisseurs ont contraint le gouvernement du Québec à introduire de nouvelles mesures dans la Loi sur la protection du consommateur afin de mieux encadrer les clauses de renouvellement, les clauses de modification unilatérale, la résiliation et la réparation du bien nécessaire à l’utilisation du service. Ces mesures sont en vigueur depuis le 30 juin dernier.

Aujourd’hui, un client insatisfait a donc quelques cartes dans son jeu. Il peut soit déposer une plainte auprès de l’Office de la protection du consommateur, soit intenter des poursuites, soit recourir au service de médiation gratuit du CPRST. C’est cette dernière option qu’il faut privilégier.

Quelle est la procédure? «Dans un premier temps, nous demandons au fournisseur de s’entendre avec son client et lui laissons un mois pour le faire, explique Josée Thibault, directrice des plaintes au sein de l’organisme. Dans 60 à 70 pour 100 des cas, l’affaire est résolue à cette étape.» Si aucune entente ne survient passé ce délai, le CPRST mène sa propre enquête et soumet une recommandation. «Nous pouvons, par exemple, demander au fournisseur d’offrir au client une explication raisonnable, de lui envoyer une lettre d’excuses ou de lui verser une compensation, dit Josée Thibault. La compensation maximale qu’un consommateur peut ainsi obtenir est de 5000$.»

Mais là encore, le client ou le fournisseur peut rejeter la recommandation du CPRST. L’agence réévalue alors le dossier et rend une décision que, cette fois, les deux parties sont obligées d’accepter… à moins qu’elles ne choisissent de contester ce verdict devant les tribunaux.

Dans le cas de Bertrand, par exemple, l’enquête menée par le CPRST a permis de découvrir qu’une section de la «Foire aux questions», sur le site web du fournisseur, indiquait que les frais d’annulation pouvaient être plus élevés si un article promotionnel était visé, mais sans autre précision. Il n’y avait donc pas de justification générale de ces frais ni de clause décrivant avec précision le montant de ces frais. En conséquence, l’agence a recommandé le remboursement des frais d’annulation pour le matériel promotionnel, ce qui a été fait.

COMMENT VOUS DÉFENDRE
Rendez-vous sur le site du CPRST. Vous y trouverez le Guide sur le dépôt d’une plainte, à lire absolument, ainsi que le formulaire électronique à remplir. Ce document vise essentiellement à vous identifier, vous et le fournisseur, et à recueillir les faits. Notez que, pour être admissible, votre plainte doit porter sur un problème de facturation, de rupture de contrat, de prestation de services, de réparation ou d’établissement de services pour Internet, le téléphone et/ou le sans-fil. Le CPRST insiste aussi pour que vous tentiez d’abord de régler cette affaire avec votre fournisseur avant de faire appel à lui.
Si vous avez de la difficulté à remplir le formulaire, demandez l’aide du CPRST (faites le 1 888-221-1687 ou envoyez un courriel à [email protected]). Une fois la plainte acceptée, l’agence mettra le processus de médiation en marche et vous tiendra informé.

Liens utiles
• CPRST: www.ccts-cprst.ca/fr/
• Office de la protection du consommateur: www.opc.gouv.qc.ca