L’entrevue du mois: Le Pharmachien

Impertinent et audacieux : Olivier Bernard, alias le Pharmachien, sévit en ligne depuis plus de deux ans. Avec humour et un sens de la vulgarisation inégalé, ce drôle de pharmacien de profession déjoue les mythes infestant le monde de la santé.

L'entrevue du mois: Le Pharmachien Votre récent livre, Le Pharmachien, s’ouvre sur une représentation géographique de votre univers fictif. Vous reléguez tout ce qui relève des médecines dites « douces » à des zones obscures. En dehors de la médecine occidentale, rien ne trouve grâce à vos yeux ?

Pas du tout ! J’essaie d’encourager les gens à avoir un esprit critique. En tant que pharmacien, mes recommandations sont scientifiquement fondées. On peut bien sûr rétorquer que la science n’a pas forcément réponse à tout : c’est vrai. Mais lorsqu’on n’a pas de preuves, il faut garder une certaine retenue. Malheureusement, dans le monde de la santé dite « alternative », j’en observe rarement. On lance plutôt des affirmations farfelues et infondées.

C’est ce qui vous a incité à lancer votre blogue Le Pharmachien ?

Ma motivation première était de m’attaquer aux croyances erronées sur la santé. Cela peut être des choses aussi banales que la différence entre le rhume et la grippe.

Vous estimez que l’on peut faire dire ce que l’on veut à une étude scientifique. Pourquoi ce scepticisme ?

J’ai toujours eu l’esprit critique. Mes études en pharmacie et mes années au sein d’un laboratoire m’ont fait comprendre à quel point la science est fragile. J’ai gardé le réflexe de tout remettre en question, de ne rien tenir pour acquis en matière de science.

Comment se repérer face à la multitude d’informations accessibles ?

Il faut poser des questions ! Quand on n’a pas les connaissances scientifiques nécessaires pour détecter d’emblée une imposture, cela reste la meilleure arme. On vous dit que le gluten est mauvais pour vous ? Posez toutes les questions possibles ! « Qui t’a dit ça ? Tu l’as vu à la télévision ? Dans quelle émission ? Qu’est-ce qu’on y disait exactement ? Selon toi, ce que tu as entendu a-t-il été prouvé ? » Si votre interlocuteur ne sait pas de quoi il parle, vos questions feront ressortir les failles. C’est ma tactique numéro un quand je débats avec quelqu’un : le presser de questions !

Votre livre ne contient quasiment pas de références. Comment vos lecteurs peuvent-ils être certains que vos affirmations sont justes ?

Vous avez tout à fait raison ! Mais je ne lance jamais d’affirmations scientifiques extravagantes, ou s’éloignant des bases de la science. Tout ce que je dis est élémentaire.

Par exemple ?

On entend souvent dire que ce qui est naturel est bon, et que ce qui est chimique est mauvais. Ceux qui affirment ça ne comprennent pas ce qu’est une molécule. C’est pourtant l’a b c de la science ! Effectivement, je ne donne pas de références dans mon livre, mais je traite de questions simples, quoique méconnues, et rarement de sujets complexes. Dans ce cas, j’indique mes références. On peut avoir l’impression que je fais des déclarations délirantes, mais c’est mon humour qui l’est !

Vous vous documentez beaucoup avant de vulgariser. Quelles sont vos sources ?

J’ai recours à des  spécialistes. Par exemple, le chapitre sur le chimique et le naturel a été révisé par un pharmacien, chimiste organique de formation. Actuellement, je travaille sur une BD à propos du cancer, et je la fais réviser par deux oncologues. Je puise aussi beaucoup dans les publications scientifiques, avec des sources solides, fiables et indépendantes, telles que les méta-analyses Cochrane ou le site Science-Based Medicine.

Quelle partie du monde imaginaire du Pharmachien aimeriez-vous visiter pour des vacances en dehors du « Royaume de la science » ?

J’irais faire un tour du côté des « Plaines détoxifiées » ! J’ai eu des discussions avec des naturopathes aux propos tellement convaincants ! Scientifiquement, cela n’a aucun sens mais c’est très séduisant cette idée géniale qu’on accumule des déchets, ce qui expliquerait notre fatigue et notre prise de poids. Ce serait bien, mais cela révèle une totale méconnaissance du fonctionnement du corps humain.

Dans un monde idéal, Le Pharmachien n’existerait pas ?

J’aspire à mon autodestruction ! J’aimerais que les gens développent un meilleur esprit critique, qu’ils fassent des choix plus avisés, et voir ainsi de mon vivant l’homéopathie et les cures « détox » disparaître des pharmacies. Si cela arrivait, je n’aurais plus de raison d’être. On me demande parfois pourquoi je trouve à redire aux gens qui ont recours à l’homéopathie ou aux cures de détoxification. Honnêtement ? Rien ! Mais quand des individus prodiguent des conseils loufoques sous une apparence scientifique, il est de ma responsabilité de pharmacien d’agir.

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