Le passé insoupçonné d’une enfant adoptée
En recherchant ses parents biologiques, une femme se découvre des racines insoupçonnées.
Comme tous les enfants adoptés, j’ai grandi avec le désir d’en savoir plus sur mes origines.
Il y a quelques années, après le décès de mes parents adoptifs, je décidai d’entreprendre des démarches officielles.
Trois ans plus tard, je reçus du gouvernement du Nouveau-Brunswick une lettre relatant dans le détail les origines de ma naissance, survenue 40 ans plus tôt.
J’avais été le fruit d’une aventure d’un soir entre une fille de 17 ans et un athlète de l’école secondaire. À l’époque, comme le voulait la pratique, ma mère biologique quitta la Nouvelle-Écosse pour le Nouveau-Brunswick où elle accoucha. Sa famille et j’imagine les bonnes mœurs la contraignirent à me donner en adoption.
Forte de ces quelques données et d’informations non fondées entendues d’une amie de la famille selon lesquelles mes parents biologiques étaient d’origine scandinave (ce qui expliquait mes cheveux blonds et mon teint pâle), j’avais demandé à rencontrer ma mère biologique.
Quatre ans plus tard – après tout ce temps, j’avais cessé d’y croire -, je reçus un appel du gouvernement qui m’informait que ma mère biologique était décédée. Je me revois assise, sans voix, le combiné vissé à l’oreille. Comment pleure-t-on la mort d’une personne qu’on n’a jamais rencontrée mais avec qui l’on partage un lien vital ? Il semble qu’elle avait aussi entrepris des démarches pour me rencontrer à peu près à la même époque. La voix masculine au bout du fil m’annonça ensuite que j’avais un demi-frère qui vivait à Vancouver. Un frère ! Si lui et moi étions d’accord, l’agence pouvait nous mettre en contact. Je n’hésitai pas une seconde.
De 10 ans mon cadet, ce « nouveau » frère qui avait grandi auprès de ma mère biologique avait toujours été au courant de mon existence ; il connaissait une histoire que je voulais à tout prix entendre. Voici un extrait de l’un des premiers courriels qu’il m’envoya et qu’en raison des fuseaux horaires, je lus à 2 h du matin :
« Selon ce que j’ai appris au fil des années, quelque part autour de 1967, notre mère tomba amoureuse d’un jeune Noir de Halifax et se retrouva enceinte de toi. […] Son père prit plutôt mal la nouvelle […]. Il paraît qu’il avait poursuivi ton père biologique dans la rue, armé d’une pelle. »
Je me souviens d’avoir réveillé mon mari pour lui annoncer avec excitation qu’il avait peut-être épousée une femme noire. « Je ne connais pas de femme plus blanche que toi », fut tout ce qu’il trouva à dire avant de replonger dans le sommeil. La découverte que j’étais probablement de sang mêlé avait-elle modifié la perception que j’avais de mon identité ?
Outre une explication possible à mes cheveux très frisés, le fait de savoir que j’étais aussi noire que blanche n’avait pas plus d’importance pour moi que si j’avais appris que mon père était roux.
Ce n’était pas une réalité que j’avais eu l’occasion de vivre. Si mes origines avaient révélé un quelconque secret de famille, celui-ci n’aurait pas été le mien mais celui de ma mère biologique, et son existence même aurait été fonction de l’époque obtuse qui m’avait vue naître.
Je suis avant tout reconnaissante : à ce frère que la vie m’a envoyé, à ma mère qui, ne pouvant m’élever, m’avait donné en adoption, et si reconnaissante à mes parents adoptifs qui m’ont appris ce que signifie être aimé.