Humeur et nourriture : le plaisir de manger

Comment la nourriture peut-elle affecter nos humeurs? Des experts nous illustrent la relation étonnante entre notre alimentation et nos émotions!

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Humeur et nourriture : le plaisir de manger

Qu’est-ce que le goût?

Essayez de vous souvenir de votre dernier barbecue estival.

Repensez à la texture croustillante et à la saveur salée des chips, au hot dog tout juste sorti du gril.

Rappelez-vous le pétillement cuivré de la première goulée de bière, le frisson acidulé d’une gorgée de limonade.

Lorsque, en 1825, le célèbre gastronome français Jean Anthelme Brillat-­Savarin écrivait : « Dis-moi ce que tu manges, je te dirai ce que tu es », il ne pouvait pas se douter à quel point il avait raison.

Par essence, le goût est la transmission de signaux par des milliers de papilles gustatives sur la langue, le palais et dans la gorge jusqu’au cerveau. Cependant, le toucher, l’ouïe, l’odorat et la vue participent tous à son action.

Ces chips, par exemple, ne sont pas les mêmes sans leur bruit. Des expériences menées à l’Université d’Oxford ont démontré que plus elles étaient croustillantes à l’oreille, plus on les jugeait fraîches. Même l’éclairage peut influer sur la perception d’un vin ; en 2009, une étude a révélé que les gens ont tendance à mieux apprécier leur riesling sous une lumière bleue ou rouge.

Le goût d’une bière en canette peut varier d’une personne à l’autre, selon son ADN. Les variations d’un gène spécifique, TAS2R38, modifient la forme des récepteurs de la saveur amère, qui détermine la perception plus ou moins intense du goût des aliments comme la bière, les brocolis et les choux de Bruxelles.

Un autre facteur essentiel de notre perception du goût réside dans notre hygiène buccale. Une bouche bien nettoyée permet de mieux distinguer les saveurs.

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Il y a plus de 3 000 ans, en Inde, les médecins pensaient que nos papilles gustatives étaient capables de reconnaître ce qui était bon pour nous. La médecine ayurvédique, un ancien système de soins de santé encore utilisé de nos jours, affirme que six goûts de base devraient toujours figurer au menu d’un repas sain : sucré pour les glucides, aigre pour les acides, salé pour les minéraux, amer pour les légumes, des saveurs fortes comme les piments et les oignons, et des aliments astringents comme les lentilles et le thé.

Au Moyen Âge, on utilisait la nourriture pour traiter les humeurs : les œufs et les pommes comme aphrodisiaques, les dattes comme stimulants, et la laitue et les endives comme calmants. La médecine moderne a indiqué que ces deux approches étaient pertinentes.

On sait qu’un sens du goût déficient peut avoir un effet négatif sur nos habitudes alimentaires en poussant à trop saler ou sucrer, à manger moins, ou en affectant l’humeur. Cette année, le Monell Chemical Senses Center de Philadelphie a découvert que des récepteurs d’hormone du stress chez la souris déterminent le degré de réaction des cellules gustatives aux aliments sucrés. « Nous savions depuis longtemps que le stress et l’alimentation étaient liés. Maintenant, nous savons que nos papillent gustatives réagissent directement au stress », précise Rocky Parker, professeur à l’Université Washington et Lee qui a mené cette étude.

Il avance ainsi que le stress diminue la capacité à détecter les saveurs sucrées. Une étude allemande de l’Université de Würzburg, cette fois sur des personnes souffrant de dépression et d’anxiété, a révélé, en 2013, que celles qui éprouvaient des émotions intenses – en regardant des vidéos tristes ou gaies – percevaient plus fortement les goûts amers, sucrés et acides. Les sujets ont également affirmé ne pas distinguer la quantité de matières grasses dans ce qu’ils mangeaient pendant ce temps – ce qui explique pourquoi la glace disparaît très vite lors d’une soirée télé.

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Comme l’attestent les souvenirs de barbecue, les émotions et la mémoire peuvent aussi influer sur notre façon de manger. Dans À la recherche du temps perdu, Marcel Proust s’interrompt en goûtant une madeleine trempée dans du thé.

Il se rend compte que la vague d’émotion provoquée par le gâteau lui rappelle les dimanches matin qu’il passait avec sa tante Léonie. Les neuroscientifiques pensent aujourd’hui que ce que Proust avait compris il y a plus de 100 ans sur les effets agréables et nostalgiques du goût fonctionne dans les deux sens. L’association réconfortante entre l’odeur et le goût du gâteau sablé à la framboise de votre grand-mère peut créer un penchant pour les framboises et les pâtisseries.

Mais prenez garde : le souvenir d’un aliment périmé, ne serait-ce qu’une seule salade aux œufs gâtés, par exemple, peut vous dégoûter d’un plat pour la vie.

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