Mythes et vérités sur la crème solaire

Certains soutiennent que la crème solaire serait plus nuisible pour la santé que les effets du soleil sur la peau. Les produits chimiques que contient la crème solaire représentent-ils vraiment un danger? Nous avons étudié la question.  

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Une évolution importante

Une évolution importante

L’ÉCRAN SOLAIRE A FAIT DU CHEMIN depuis sa mise en marché, il y a 78 ans. Autant par ses formulations efficaces que par la législation en matière d’étiquetage. Pourtant, on débat toujours de la sécurité de sa composition chimique. Néanmoins, Joe Schwarcz, directeur de l’Organisation pour la science et la société de l’Université McGill, affirme que « les écrans solaires peuvent prévenir le cancer de la peau, qui n’est pas une maladie rare. » En effet, la Société canadienne du cancer estime qu’en 2013, plus de 81 000 Canadiens ont reçu un diagnostic de tumeur cutanée de type non mélanome, 6000 personnes en ont reçu un de type mélanome et 1470 autres sont mortes de l’une des deux formes de cancer de la peau. L’utilisation des parabens (agents de conservation prévenant la croissance bactérienne dans les produits) et leur lien avec le cancer du sein est une préoccupation persistante en dépit des assurances de Santé Canada et de la US Food and Drug Administration (FDA) qu’ils sont sans danger selon le niveau d’exposition actuelle. Plaisirs Santé a rencontré des experts pour répondre à plusieurs autres inquiétudes.

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INQUIÉTUDE :  « Pourquoi certains prétendent-ils que la crème solaire absorbée par la peau pourrait être pire que le soleil?

INQUIÉTUDE : « Pourquoi certains prétendent-ils que la crème solaire absorbée par la peau pourrait être pire que le soleil?

Certains des sacs fourre-tout de Lululemon arborent ce message, suivi de « Prenez la bonne dose de soleil. » La déclaration étant avare de détails, nous nous sommes tournés vers la science. Il a été démontré que trois produits chimiques (et peut-être davantage) utilisés couramment comme filtres UV dans les crèmes solaires provoquent la création de dérivés réactifs de l’oxygène (DRO). Kerry Hanson, un chimiste et chercheur de l’University of California, à Riverside, qui étudie les écrans solaires et les DRO, explique que, pour aider à signaler les processus biochimiques importants, nous en produisons naturellement dans notre corps ainsi que lors de l’exposition à la lumière UV. « Le mauvais côté des DRO c’est qu’ils réagissent également avec des composants cellulaires comme les membranes cellulaires ou le collagène et possiblement avec l’ADN. Sur toute une vie, cela pourrait augmenter la charge oxydante sur la peau et entraîner des lésions cutanées. »

Les filtres UV des écrans solaires étudiés par le Pr Hanson qui tendent à générer des DRO sont l’oxybenzone et le   méthoxycinnamate (utilisés principalement pour bloquer les rayons UVB, qui pénètrent la couche externe de la peau et qui sont responsables de la plupart des cancers cutanés et des cataractes), de même que l’octocrilène (utilisé pour stabiliser l’avobenzone, l’un des seuls filtres UV pour les UVA approuvé par les gouvernements). Les rayons UVA ont des ondes plus longues et plus fréquentes que les UVB. Ils jouent aussi un rôle dans certains cancers de la peau. (C’est pourquoi vous devez choisir les écrans solaires étiquetés « à large spectre » ou « UVB/UVA », autrement, vous n’êtes protégé que contre les rayons UVB.) Il y a toutefois une sérieuse mise en garde quant à la production de DRO : « Certaines conditions doivent être remplies avant que les molécules des produits chimiques puissent en générer. La molécule doit pénétrer la peau, ensuite, la lumière UV doit atteindre cette molécule », expose le Pr Hanson.

On peut empêcher la génération de DRO en appliquant l’écran solaire toutes les deux heures, précise-t-il, citant les directives de la Fondation des cancers de la peau. Une nouvelle application consistante garantit que la lumière UV n’atteindra pas la molécule puisqu’il s’agit d’un revêtement constant de filtres UV sur la couche supérieure de la peau (important, puisque l’on sait que les filtres UV peuvent la pénétrer).

L’objectif des formulateurs d’écrans solaires est de trouver une formule qui « agit comme la peinture au latex sur un mur et reste juste à la surface de la peau. »

EN RÉSUMÉ Donc, l’absorption de la crème solaire est-elle dangereuse? La quantité de produits chimiques qui pénètrent la peau varie puisque les propriétés de barrière de la peau sont différentes d’une personne à l’autre. (Consultez la section suivante.) « Il est important de souligner que la FDA et Santé Canada jugent que les filtres UV sont sûrs et, lorsqu’ils sont utilisés correctement, ils préviennent les coups de soleil qui peuvent conduire à des cancers de la peau potentiellement mortels », rappelle le professeur Hanson.

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« INQUIÉTUDE : La crème solaire peut-il avoir un impact sur les hormones?  »

« INQUIÉTUDE : La crème solaire peut-il avoir un impact sur les hormones?  »

Comme nous l’avons vu, plusieurs écrans solaires contiennent de l’oxybenzone, appelée aussi benzophénone 3. Selon le U.S. Centers for Disease Control and Prevention, on en a détecté dans le sang de plus de 96 % de la population. L’Environmental Working Group (EWG), une organisation américaine pour la défense de l’environnement, soutient que ce produit chimique peut perturber les hormones. Les études sur les humains ont commencé tout récemment, mais les premiers résultats démontrent une corrélation entre les concentrations de benzophénone 3 dans le corps et un risque accru d’endométriose chez les femmes, ainsi qu’un poids de naissance plus faible chez les bébés de sexe féminin. En se basant sur ces données, l’EWG recommande de choisir un écran solaire qui contient des filtres minéraux comme l’oxyde de zinc et le dioxyde de titane (plus de détails ci-dessous concernant ces produits) plutôt que de l’oxybenzone.

Cela dit, dans la monographie sur les écrans solaires de Santé Canada qui contient les directives approuvées pour les fabricants d’écrans solaires, l’oxybenzone est autorisée et classée acceptable. De plus, selon Darren Praznik, président de la Canadian Cosmetic, Toiletry and Fragrance Association (l’association commerciale au Canada pour les produits de soins personnels et les cosmétiques), le Cosmetic Ingredient Review Expert Panel (un groupe indépendant d’experts scientifiques et médicaux financés par le Personal Care Products Council, le syndicat professionnel américain de l’industrie du cosmétique) a confirmé que l’utilisation de l’oxybenzone comme photostabilisant pour protéger les formulations cosmétiques était sans danger. Darren Praznik ajoute : « Le Comité scientifique des produits de consommation de l’Union européenne a lui aussi officiellement déclaré que la benzophénone 3 contenue dans les écrans solaires et les cosmétiques ne présente pas de risque pour la santé du consommateur. »

EN RÉSUMÉ   Joe Schwarcz mentionne que l’oxybenzone peut imiter le comportement des œstrogènes, du moins chez les poissons qui ont été exposés à des doses élevées. « Mais – et ce « mais » est de taille – il n’existe dans la documentation scientifique aucune preuve que l’oxybenzone soit reliée à un problème de santé humaine, à l’exception de la photodermatite, une réaction cutanée déclenchée chez certaines personnes par l’exposition au soleil. » Il fait également remarquer qu’il y a des centaines et des centaines de composés tant naturels que synthétiques qui, s’ils étaient examinés aussi minutieusement que l’oxybenzone, pourraient être reliés à des problèmes. Parmi les substances qui, sans contredit, se sont avérées œstrogéniques chez l’humain, mentionnons les phtalates, le bisphénol A et divers pesticides. « Nous vivons dans un monde rempli de substances semblables aux hormones et une analyse complète de notre sang pourrait en révéler des centaines. Tout cela pour dire qu’à mon avis, les risques de l’oxybenzone pour la santé, sous-entendus par l’EWG, sont exagérés. »

Pour ceux qui ont encore des inquiétudes, il recommande un autre écran solaire chimique efficace à large spectre appelé acide téréphthalylidène dicamphresulfonique, connu sous le nom commercial de Mexoryl et exclusif à L’Oréal. « Il est stable, absorbe la lumière UV et dissipe l’énergie sous forme de chaleur inoffensive. Mexoryl n’est pas absorbé par la peau et, jusqu’à présent, il n’y a pas de questions concernant sa sécurité. » À l’instar de l’EWG, il suggère également d’utiliser des écrans solaires contenant du dioxyde de titane et de l’oxyde de zinc.

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INQUIÉTUDE :  « Les écrans solaires contenant de la vitamine A peuvent-ils accélérer le développement du cancer de la peau? »

INQUIÉTUDE : « Les écrans solaires contenant de la vitamine A peuvent-ils accélérer le développement du cancer de la peau? »

L’ingrédient anti-âge, le palmitate de rétinyle (RP), une forme de vitamine A, est ajouté à plus de 20 % des écrans solaires pour la plage, le sport, le visage, ainsi qu’aux produits de maquillage FPS inscrits sur la liste EWG sunscreen database de 2013. On a mené des études afin de déterminer s’il a des propriétés photocarcinogénèses, c’est-à-dire s’il accélère le développement des tumeurs cutanées lorsqu’il est exposé à la lumière. Selon l’EWG, une étude sur des animaux a démontré que c’était le cas. Une autre étude, effectuée par le U.S. National Toxicology Program et le FDA’s National Center for Toxicological Research, a révélée que le RP accélère le développement de tumeurs sur les animaux de laboratoire traités aux UV. Toutefois, les chercheurs conviennent que d’autres études sont nécessaires.

Darren Praznik note que le Cosmetic Ingredient Review Expert Panel a évalué l’innocuité du RP à trois reprises et a conclu qu’il est sans danger pour l’utilisation dans les cosmétiques. « Il n’existe aucune preuve convaincante que le RP contenu dans les produits de protection solaire constitue un risque pour la santé des consommateurs. » Santé Canada autorise actuellement son utilisation, de même que celle du rétinol (une autre forme de vitamine A), dans les cosmétiques et les produits de soins personnels pour des concentrations égales ou inférieures à 1 % d’équivalent en rétinol.

EN RÉSUMÉ Joe Schwarcz souligne que l’étude sur les animaux citée plus haut n’a pas été publiée dans des documents évalués par les pairs (ce qui signifie qu’elle peut ne pas être valable), et qu’elle n’a pas comparé les écrans solaires contenant l’ingrédient. Par contre, il mentionne une étude effectuée par Recherche et Innovation L’Oréal en 2009 et parue dans Mutation Research, qui a examiné l’effet combiné de la lumière ultraviolette et du RP sur des cellules ovariennes de hamster, un protocole conforme aux recommandations actuelles pour des analyses efficaces sur la photogénotoxicité. « Cette étude publiée et examinée par des pairs conclut que le palmitate de rétinyle n’est pas potentiellement photogénotoxique. »

Nous vous tiendrons informés des études plus détaillées à venir. En attendant, si vous êtes toujours préoccupé par l’additif, utilisez un écran solaire qui n’en contient pas. Portez un chapeau et évitez le soleil pendant les heures d’intensité. Quoi qu’il en soit, la protection contre les rayons solaires est la meilleure façon de prévenir les rides.

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INQUIÉTUDE :  « J'ai lu que l'oxyde de zinc et le dioxyde de titane que contient la crème solaire sont dangereux. »

INQUIÉTUDE : « J’ai lu que l’oxyde de zinc et le dioxyde de titane que contient la crème solaire sont dangereux. »

Les formulateurs d’écrans solaires utilisent depuis longtemps ces deux ingrédients tirés des minéraux qui sont considérés comme des écrans solaires « physiques », pour bloquer les rayons UVB et UVA. Mais de nombreux consommateurs n’aiment pas le résidu blanc qu’ils laissent sur la peau

Donc, on a créé des molécules nanométriques (super-microscopiques ou « micronisés »). Les produits de protection solaire utilisant cette technologie ont été mis en marché au début des années 1980. Puisque la nanotechnologie est relativement nouvelle (30 ans dans le monde scientifique, c’est nouveau), il y a peu de données sur l’impact que ces produits puissent avoir sur notre corps. Les gens supposent que la peau absorbe plus facilement ces micros molécules que celles de « taille normale » et cela semble logique.

Mais Santé Canada et le Comité scientifique pour la sécurité des consommateurs de l’Union européenne ont récemment terminé l’examen de l’oxyde de zinc et du dioxyde de titane nanométriques et n’ont découvert aucun risque, ni émis d’avertissements aux consommateurs. En outre, la Therapeutic Goods Administration en Australie, un organisme de réglementation des médicaments et des appareils médicaux (et un chef de file mondial dans la recherche sur les écrans solaires puisque ce pays a le plus haut taux de cancer cutané au monde), signale que « le poids actuel de la preuve révèle que les nanoparticules de dioxyde de titane et d’oxyde de zinc (ingrédients actifs couramment utilisés dans les crèmes solaires) n’atteignent pas les cellules viables de la peau. Elles restent plutôt à la surface et dans la couche externe de la peau qui sont constituées de cellules non viables ». L’Association canadienne de dermatologie a officiellement déclaré qu’« il n’existe aucun indice qui confirme que l’application de produits de protection solaire contenant de l’oxyde de zinc et du dioxyde de titane micronisés puisse engendrer de la toxicité. On n’a pas encore prouvé qu’appliqués sur une peau saine, ces produits pénètrent au-delà des couches superficielles de la couche cornée de l’épiderme » (la plus superficielle des couches de la peau).

EN RÉSUMÉ   Il n’y a aucune raison de craindre que l’utilisation de crèmes solaires contenant de l’oxyde de zinc et du dioxyde de titane nanométriques soit dangereuse. Si des études contradictoires étaient dévoilées, nous vous en tiendrons informé.

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En conclusion...

En conclusion…

À LA LUMIÈRE DE CE QUI PRÉCÈDE, selon Elliot Drobetsky, expert dans l’effet des rayons UV et professeur à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal ainsi qu’au Centre de recherche du CHUM, on peut conclure que les ingrédients contenus dans les écrans solaires n’entraînent pas de graves dangers connus. « À mon avis, compte tenu de nos connaissances actuelles, le risque de lésions cutanées sérieuses et de cancer de la peau (due à l’exposition au soleil) dépasse de loin tout risque posé par les ingrédients des écrans solaires. » Bien sûr, Plaisirs Santé continuera de rester au fait de la science et tiendra ses lecteurs informés de toute évolution dans ce domaine. Autrement, se couvrir de vêtements appropriés et d’un chapeau, ou rester à l’ombre, demeurent de bonnes idées. Pour l’instant, Joe Schwarcz certifie que « la recommandation générale au Canada est d’utiliser un produit avec un FPS 30 contenant de l’avobenzone, du Mexoryl, du dioxyde de titane ou de l’oxyde de zinc. » Pour les enfants, les produits qui ne contiennent que du dioxyde de titane (5 %) et de l’oxyde de zinc (10 %) sont les plus appropriés, car ils sont le moins irritants pour la peau.

Et, en terminant, Joe Schwarcz dit : « Rappelez-vous que les écrans solaires ne devraient pas être utilisés pour prolonger l’exposition au soleil, mais plutôt pour protéger la peau lorsque l’exposition est inévitable. Malheureusement, il n’existe pas de beau bronzage sain. »

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