Le thymome, une tumeur cancéreuse rare

Cette tache noire dissimulait finalement un thymome, cancer rare qui frappe moins d’une personne sur 1,5 million dans le monde. Le patient allait être opéré à l’aide d’un robot.

Le thymome est une tumeur cancéreuse rare.Victor Wong
Le patient: Nick Farrow, 65 ans, semi-retraité
Les symptômes: symptômes grippaux, arythmie cardiaque, insomnie
Les médecins: Peter Harper, oncologue, et Thomas Routledge, chirurgien à l’hôpital de London Bridge

Le mois d’août 2019 est anormalement humide et brumeux dans la charmante petite ville d’Aylsham, à 15 minutes de la côte orientale de l’Angleterre, mais Nick Farrow, un semi-retraité de 65 ans, a la tête ailleurs: avec sa compagne et le fils de celle-ci ainsi que sa propre fille adulte, il s’apprête à partir une semaine au soleil de Bali.

Tous ont reçu divers vaccins, notamment contre la typhoïde et l’hépatite A et B. Mais peu de temps après la vaccination, Nick commence à souffrir de symptômes grippaux: fatigue, difficultés respiratoires, courbatures. De temps en temps, son cœur bat la chamade au point qu’il ne réussit pas à s’endormir. «La nuit, j’avais l’impression qu’un oiseau battait des ailes dans ma poitrine», se rappelle-t-il. Les autres membres de la famille n’ont pas de réaction indésirable aux mêmes vaccins.

Nick a déjà souffert de fibrillation auriculaire – un battement cardiaque irrégulier –, mais ces symptômes-là sont nouveaux et inquiétants. Il prend donc rendez-vous avec son médecin généraliste. Le jour du rendez-vous, les symptômes grippaux ont disparu, et l’infirmière le soupçonne d’avoir attrapé quelque chose peu avant ou après la vaccination. L’arythmie cardiaque persiste, cependant. On l’envoie donc voir un cardiologue et on lui déconseille le voyage à Bali.

Chez le cardiologue, Nick subit divers tests – échographie du cœur, tomographie thoracique, électrocardiogramme – qui ne révèlent rien d’anormal. Mais en écoutant le cœur et les poumons au stéthoscope, le spécialiste remarque un léger râle dans la respiration. Ne sachant pas bien ce que ça peut signifier, il dirige son patient vers un pneumologue.

En octobre, un scan pulmonaire révèle quelque chose d’inattendu: une tache noire bizarre derrière le sternum, au milieu de la poitrine. Son siège n’est ni les poumons ni le cœur, mais bien le thymus. Cette glande peu connue mais cruciale est logée entre les poumons, juste au-dessus du cœur, et intervient dans la production des lymphocytes T, leucocytes qui combattent les infections virales et microbiennes. Le thymus est actif jusqu’à l’adolescence; il s’atrophie ensuite et est remplacé par du tissu adipeux. Or, celui de Nick grossit.

Le pneumologue formule deux hypothèses pour expliquer ce gonflement. S’il s’agit d’un élargissement bénin, les causes peuvent être multiples, mais les conséquences ne seront pas graves. Mais il peut aussi s’agir d’un thymome, tumeur cancéreuse rare qui frappe moins d’une personne sur 1,5 million. «C’est étrange d’entendre dire qu’on a peut-être le cancer. Cela paraît irréel», confie Nick.

Seule une biopsie permettrait d’en avoir le cœur net, mais vu la position de la glande, il faudrait fendre la cage thoracique du malade. Par ailleurs, quelle qu’en soit la cause, l’excroissance explique le trouble cardiaque. Le thymus exerce une pression sur des vaisseaux sanguins vitaux et sur le péricarde (l’enveloppe du cœur). S’il devient anormalement gros, il peut provoquer des problèmes cardiaques et circulatoires comme ceux dont se plaignait Nick. Le spécialiste recommande plutôt de suivre l’évolution de la tache noire pour voir si elle grossit, auquel cas on conclura au cancer. «Vous n’en mourrez pas en six mois», garantit-il à son patient. Un nouveau rendez-vous est fixé en avril 2020.

Évidemment, en raison de la pandémie, il n’a pas eu lieu. Nick doit patienter une année au cours de laquelle il continue à souffrir de palpitations pendant des heures, environ deux fois par mois. «Je commençais à être inquiet à l’idée que ce truc grossissait en moi sans que je puisse aller à l’hôpital», raconte-t-il.

En octobre 2020, il subit enfin une autre tomographie qui confirme ses pires craintes: c’est bien un cancer. Par bonheur, la tumeur reste limitée au thymus, et les médecins sont sûrs de pouvoir l’enlever par endoscopie chirurgicale, en glissant de petits bistouris dans des incisions de la taille d’un trou de serrure.

Pendant que Nick Farrow attend l’intervention, une collègue lui présente son mari, l’oncologue Peter Harper, qui lui conseille d’annuler la cœliochirurgie. Il lui propose plutôt une chirurgie robotique à l’hôpital de London Bridge, l’assurant que ce sera plus efficace et moins éprouvant pour son organisme.

Fabriqué par la société américaine Intuitive Surfical, le robot en question a été baptisé Da Vinci Xi en l’honneur de ce génie universel de la Renaissance qui a fait progresser l’étude de l’anatomie et qui a laissé les premiers croquis d’un robot.

Près de 6000 appareils Da Vinci sont actuellement en usage dans des hôpitaux du monde entier pour un large éventail d’interventions au cœur, aux poumons, à la vésicule biliaire et aux reins, entre autres. «C’est une machine intimidante», reconnaît Thomas Rou­tledge, le chirurgien de Nick. Elle comporte deux éléments: une série de bras articulés équipés d’instruments miniatures (bistouris, caméras, pinces) qui sont suspendus au-dessus du patient, et une console qui donne au chirurgien une image tridimensionnelle du champ opératoire pendant qu’il dirige les bras du robot au moyen de pédales et d’un pavé de commande. «Ça ressemble à une console de Play Station, mais en plus complexe», dit le Dr Rou­tledge, qui utilise le robot dans pres­que toutes ses opérations.

En 90 minutes, le chirurgien extrait la tumeur et la partie du thymus qui l’entoure, mais pas toute la glande, car cela pourrait léser des nerfs voisins et causer pour longtemps à Nick des difficultés respiratoires. Après une soirée de récupération aux soins intensifs et quelques jours à l’hôpital, il peut rentrer chez lui et se remettre au travail. «Ça élançait un peu, dit-il, mais à vrai dire, je me sentais plutôt bien.»

Deux semaines plus tard, une tomographie confirme que Nick Farrow est en rémission. Et les palpitations cardiaques cessent. Aujourd’hui, il mène une vie normale. En octobre 2021, il a pris des vacances tant attendues avec sa famille. Sur sa poitrine, les cicatrices de la chirurgie pâlissaient déjà. «Personne ne les a remarquées, dit-il. J’étais très reconnaissant.»

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Contenu original Selection du Reader’s Digest