Colocataire à 85 ans

Alors que la population vieillit, les aînés font preuve d’imagination en s’associant et en cohabitant pour s’entraider. 

1 / 8
Colocataire à 85 ans

Une colocation qui a du bon

En 1998, quand le petit dernier quitte la maison familiale pour s’établir à Mont-Laurier, Jacques Guénette et sa femme, Hélène, décident de trouver un colocataire pour occuper la chambre désertée.

C’est ainsi que le couple découvre les Habitations partagées de l’Outaouais, un organisme communautaire de soutien à domicile et de jumelage, qui permet aux aînés d’accueillir des personnes susceptibles de répondre à leurs besoins.

Depuis ce jour, Jacques et Hélène sont membres de l’organisme et hébergent des locataires dont les antécédents sont toujours vérifiés. Si Mauro, mi-cinquantaine, habite avec eux depuis maintenant neuf ans, d’autres ne restent que quelques mois, la durée d’un contrat ou le temps de terminer leurs études.

Retraité de la Société de transport de l’Outaouais, Jacques apprécie la formule de jumelage offerte par les Habitations partagées, tout comme l’aide financière qui en découle. Mais ce n’est pas tout. « À 66 ans, il y a certaines tâches que je commence à avoir du mal à faire. Si je ne suis plus capable de passer la souffleuse, je vais demander un locataire qui peut me donner un coup de main. Cela fera partie de mes critères inscrits dans le protocole d’entente de location. »

Un nombre croissant de Canadiens se retrouve seul à la retraite. Prenez ces précautions dès aujourd’hui pour assurer votre sécurité financière.

2 / 8
Les aînés peuvent rester plus longtemps à la maison lorsqu'ils vivent à plusieurs.
Rawpixel.com/Shutterstock

Rester plus longtemps à la maison

Jacques est convain­­cu que cette forme d’échange de bons services va lui permettre de rester plus longtemps à la maison. À tel point qu’il s’est rallié à l’organisme pour devenir par la suite président de son conseil d’administration.

L’année dernière, les Habitations partagées ont reçu 93 inscriptions pour leur service de jumelage, mené 63 entrevues et, finalement, effectué 14 jumelages. « J’aime ce concept ! Je remarque que les baby-boomers veulent davantage garder leur maison et cherchent de l’aide pour y arriver, dit-il. Et puis, cela coûtera moins cher à l’État ! »

En 2013, les 65 ans et plus représentaient 15 % de la population canadienne et 17 % de la population québécoise. L’Institut de la statistique du Québec prévoit qu’en 2056 près du tiers des Québécois seront âgés de 65 ans et plus. Si le nombre d’aînés à faible revenu est en baisse depuis trois décennies, des écarts subsistent encore entre les sexes, de même qu’entre les personnes vivant seules et les autres.

À ce titre, le taux de faibles revenus en 2008 était deux fois plus élevé chez les 65 ans et plus vivant seuls (8,8 %) que chez l’ensemble des aînés (4,2 %). Pour cette raison, et parce qu’elle permet de briser l’isolement, des aînés se tournent désormais vers la cohabitation.

Cette réalité n’est pas unique au Québec. Aujourd’hui, 92,3 millions d’Européens ont plus de 65 ans, deux fois plus que dans les années 1960. Or, un nombre croissant d’entre eux ­explorent aussi de nouvelles voies pour éviter la maison de retraite.

Les aînés sont parmi les plus vulnérables. (Re)découvrez l’histoire de Veronika Piela, une femme placée contre son gré dans un centre d’hébergement et dépouillée de ses droits.

3 / 8
Les aînés aussi forment des colocations.
Pressmaster/Shutterstock

Colocataires à tout âge

Dans une banlieue arborée de Hambourg, Irene Westphalen fait du café pendant que Wilhelm Gutmann met le couvert pour le dîner. Tous deux taquinent Peter Rohwer qui ne plie jamais bien ses affaires. « En fait, il avait seulement l’habitude de descendre la poubelle », confie Gisela Mosner, prenant la défense de son colocataire.

Ce pourrait être n’importe quelle colocation. Seul indice permettant de dire que cet appartement n’est pas comme les autres : les numéros de téléphone sur le réfrigérateur sont écrits en très gros caractères. Les cinq résidents ont entre 74 et 85 ans. L’âge avançant, ils ont choisi d’habiter ensemble plutôt que de passer la fin de leurs jours dans une maison de retraite sinistre, ou de vivre seuls avec leurs souvenirs.

L’appartement laVida a été conçu par Karin Hillengass, une sexagénaire pleine d’énergie, travailleuse sociale, qui a étudié l’habitat pour les personnes âgées à l’université de Hambourg. « J’ai appris que ce qui effrayait le plus les aînés, c’était la solitude et le fait de n’avoir personne à qui parler », dit-elle. Il y a trois ans, elle a décidé de créer laVida.

Karin Hillengass croit fermement qu’il existe des solutions pour permettre aux personnes âgées de continuer à vivre de manière indépendante au sein de la communauté, d’organiser leur existence et l’aide nécessaire, et de rester autonomes. À partir de son propre réseau, elle est entrée en contact avec sept séniors qui vivaient seuls à Hambourg, et elle leur a expliqué son projet.

Les personnes vivant seules ou en couple peuvent parfois compter sur leur entourage. Lisez ces histoires émouvantes de voisins faisant preuve de générosité remarquable.

4 / 8
Cinq aînés décident d'emménager ensemble.
Rawpixel.com/Shutterstock

Le club des cinq

Les sept ont commencé à se côtoyer pour voir s’ils pouvaient s’entendre et pour commencer à chercher un éventuel appartement. Ils se sont retrouvés à cinq après la décision de deux d’entre eux de se retirer de l’aventure. Ils ont choisi l’appartement où ils vivent actuellement en raison de la proximité du métro, de l’arrêt de bus, des magasins et du supermarché.

« Nous savons où acheter le meilleur saucisson », affirme Peter Rohwer, qui vit là depuis le début. Âgé de 74 ans, cet ancien électricien qui aime construire des maquettes de bateaux, est le « bébé » du groupe. Irene Westphalen est arrivée en même temps que lui. Cette femme au foyer, aujourd’hui veuve, est née en 1929. C’est la plus âgée. Mince et bien mise, les yeux pétillants, elle avoue que vivre en résidence partagée est génial pour « ceux qui restent ouverts aux autres et curieux de ce que la vie peut apporter. Il faut aussi être généreux. On donne et on reçoit. Un juste équilibre est nécessaire, mais on ne tient pas de livre de comptes ! »

L’appartement, situé au troisième étage, est desservi par un ascenseur. Il dispose de cinq chambres, d’une grande cuisine, et d’une vaste salle de séjour donnant sur un balcon ensoleillé. Les larges couloirs sont adaptés à ceux qui marchent ou circulent en fauteuil roulant. Les deux salles de bains, au sol antidérapant, sont équipées de sièges de douche et de mains courantes. Chaque résident dispose d’une sonnette d’alarme à la tête de son lit, et de son propre téléphone. Le loyer mensuel s’élève entre 239 $ et 682 $, en fonction de la superficie de la chambre.

« Lorsque nous l’avons enfin trouvé, nous avons été confrontés à une difficulté, explique Karin Hillengass. Aucun propriétaire n’était prêt à signer cinq baux pour un seul appartement. Et si les cinq locataires l’avaient signé, le problème se serait posé en cas de départ ou de décès de l’un d’eux. » La solution est venue d’un homme d’affaires, que connaissait Karin, et qui fait office de « second bailleur ». C’est lui qui a signé le bail avec le propriétaire. Les locataires payent le loyer par son intermédiaire.

Ces 9 récits vont vous donner envie de croire en la force de l’entraide.

5 / 8
Les aînés se rendent des services.
Photographee.eu/Shutterstock

Un précieux service de soins à domicile

Les problèmes de santé contraignent souvent les personnes âgées à vivre en institution. L’appartement laVida est relié à un service de soins à domicile fonctionnant 24 heures sur 24. Les cinq infirmières aident aussi pour les courses, la cuisine et le ménage. Ces services coûtent à chaque résident entre 1 421 $ et 3 552 $ par mois, remboursés en grande partie par leur assurance et l’aide de l’État.

Karin passe elle-même jusqu’à 15 heures par semaine avec les résidents. Deux des locataires d’origine sont décédés et ont été remplacés par de nouveaux membres. Une troisième personne est atteinte de la maladie d’Alzheimer. Elle a la chance de pouvoir rester dans l’appartement grâce aux soins infirmiers et au soutien de ses colocataires. Apprenez-en plus sur cette maladie et ses différents stades.

De temps en temps, les résidents de laVida partent en excursion sur la côte de la mer du Nord. Ils assistent à des représentations théâtrales et ont vu Le roi lion, par exemple. À la maison, ils jouent à des jeux de société et rient autour de la grande table de la cuisine. Ils ont chacun leur propre téléviseur, mais ils l’allument bien moins que lorsqu’ils vivaient seuls.

« Il se passe toujours quelque chose, explique Irene Westphalen. Ça ne coûte pas plus cher que d’être en maison de retraite, et c’est beaucoup moins impersonnel. Il n’y a pas de règles précises à suivre. Alors, si un matin, vous avez envie de faire la grasse matinée, eh bien vous restez au lit ! Et souvent, il se trouve quelqu’un pour vous apporter un café dans votre chambre. »

6 / 8
Les aînés bénéficient de logements sociaux adaptés.
Pixel-Shot/Shutterstock

Les habitations communautaires

Alors que la population vieillit, les options de vie commune se multiplient pour les personnes âgées. Des solutions de rechange permettant de vivre agréablement le grand âge, relèvent davantage de la formule clé en main.

Certaines personnes, par exemple, auront une préférence pour l’appartement en résidence, qui leur permet d’avoir des soins et un espace de loisirs sous un même toit.
Si on dénombrait près de 66 000 unités de logement en résidences privées et 35 000 en HLM pour les aînés en 2005, d’autres se sont tournés vers le logement social, préférant explorer l’avenue des quelque 20 000 unités de logement communautaire disponibles : 18 500 appartenant à des organismes sans but lucratif (OSBL) et 1 300 en coopératives d’habitation.

Fréquentés par une majorité de femmes (75 %), ces établissements sont présents partout au Québec. Il en existe une grande variété, dont le plus connu est probablement le Chez-Nous des Artistes, dans le quartier Rosemont, à Montréal. Il compte 78 logements accueillant les 50 ans et plus qui ont œuvré dans le domaine artistique. Alys Robi fut d’ailleurs l’une de ses plus célèbres résidentes.

Certains ont été mis sur pied pour répondre aux besoins d’une population particulière ou pour combler un manque d’infrastructures dans un milieu donné. C’est le cas de La Corvée, Coopérative de solidarité en soins et services de Saint-Camille, en Estrie.

Mise en place en 2000 et comptant 10 logements, dont cinq adaptés pour des individus en légère perte d’autonomie, cette coopérative a été créée dans la foulée d’un projet de revitalisation du vieux presbytère. Si chaque résident a son appartement, tous se connaissent et partagent quelques tâches communes. Ils se retrouvent lors d’un café-rencontre hebdomadaire et quelques repas communautaires sont au programme.

Lucile Bernier, âgée de 87 ans, réside à La Corvée depuis le début du projet, il y a 13 ans. Elle a d’abord voulu se rapprocher de sa famille. Mme Bernier a neuf enfants et 23 petits-enfants qu’elle voit davantage depuis qu’elle y habite. Plus près d’eux, elle se sent ainsi moins isolée et en sécurité. Elle apprécie aussi le partage d’opinion et l’entraide. Elle occupe ses loisirs en faisant un peu de couture pour ses voisins et en s’occupant du grand jardin, l’été. Le fait d’être entourée et de partager un espace commun avec d’autres lui permettra sans doute de rester chez elle plus longtemps.

Cette façon de vivre n’est pas ­inconnue à l’Europe, où, au contraire, le phénomène prend de l’ampleur.

7 / 8
Certains aînés préfèrent vivre entre femmes exclusivement.
DenisProduction.com/Shutterstock

Pour femmes seulement

En général, les femmes vivent plus longtemps que les hommes et les communautés non mixtes constituent encore une autre approche pour vivre sa vieillesse de manière agréable et conviviale. Les Françaises, par exemple vivent en moyenne 6,7 ans de plus que leurs compagnons et jouissent de l’espérance de vie la plus longue au monde, à l’exception du ­Japon et de l’Espagne.

En 1999, Thérèse Clerc, alors âgée de 72 ans, divorcée et mère de quatre enfants, se met à rêver d’un lieu où des femmes intelligentes et dynamiques pourraient vieillir ensemble sans avoir à être prises en charge par des étrangers. Cette féministe de la première heure, habitante de Montreuil, à l’est de Paris, a alors entamé des démarches auprès des autorités locales pour trouver les fonds nécessaires au financement de ce projet de logement autogéré, où les femmes pourraient garder leur indépendance tout en ­menant une vie communautaire.

Après 14 années de combat, et un investissement de plus de 5,6 millions de dollars provenant de huit sources différentes, la Maison des Babayagas (Baba Yaga fait référence à une vieille ogresse de la mythologie slave) voit le jour sous la forme d’un édifice de cinq étages s’élevant dans le centre de Montreuil. Le bâtiment comporte 21 appartements autonomes, conçus spécialement pour les personnes âgées. « Ce fut un long combat pour en arriver là, et nous sommes là pour rester », assure Thérèse, avec sa tignasse blanche, et dans un grand éclat de rire.

« Toutes les candidates passent un entretien pour s’assurer, tout d’abord, qu’elles cadrent avec le projet, explique-t-elle. Il existe un comité et la décision est prise collectivement. Nous avons entre 58 et 88 ans. Mais bien que nous soyons toutes retraitées, il y a une génération entière entre les plus jeunes et les plus âgées, et c’est pour cette raison que cela fonctionne si bien. » Les résidentes payent en moyenne 597 $ par mois pour un espace de 377 pieds carrés. Beaucoup d’entre elles sont bénévoles au sein de leur communauté et sont d’ardentes féministes.

8 / 8
Monkey Business Images

Une vie collective dans le respect de l’indépendance de chacun

Des événements sont organisés, ainsi que des activités et des repas. Bien que l’idée de la Maison des Babayagas repose sur la participation active des résidentes à la vie collective, l’intimité est respectée et l’indépendance est encouragée. Si l’une d’elles est trop malade pour qu’on puisse s’occuper d’elle, elle est alors transférée à l’hôpital. « Depuis que nous avons emménagé ensemble, tout repose sur la solidarité. Nous mangeons ensemble, nous nous entraidons, et si l’une d’entre nous ne va pas bien, nous lui rendons toutes visite », ­raconte l’une des résidentes, Odile Razafimandimby, 66 ans, artiste peintre et écrivaine à la retraite.

D’autres projets Babayagas similaires sont en cours d’élaboration ailleurs en France. « Nous voulons changer le regard des gens sur la vieillesse », déclare Thérèse qui a été décorée de la Légion d’honneur pour son action. « La Maison des Babyagas est destinée à des femmes qui vieillissent mais souhaitent veiller sur elles-mêmes jusqu’au bout, afin de vivre cette dernière étape dans la dignité et la tendresse. »

Alors que les gouvernements ont tout intérêt, financièrement, à encourager les gens à trouver des solutions aux maisons de retraite financées par l’État, des projets novateurs surgissent pour répondre aux besoins particuliers des personnes âgées autonomes.

Adoptez dès maintenant ces astuces pour planifier votre retraite et en tirer un maximum de plaisir.

Newsletter Unit