Le lapin de la fertilité

Ce petit animal apparu sur notre pelouse un week-end de Pâques a rendu moins lourd mon désir d’enfant. Nous l’avons surnommé le lapin de la fertilité.

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Pascal, le lapin de la fertilité trouvé dans le jardin.
Melinda Nagy/Shutterstock

Une infertilité inexpliquée

Pendant plus de trois ans, mon mari Spencer et moi n’avons ménagé aucun effort pour avoir un enfant. Après plus d’une douzaine de tests de grossesse porteurs d’espoir mais se terminant par un résultat négatif, on nous a diagnostiqué une «infertilité inexpliquée». L’infertilité fait partie des problèmes de santé sexuelle dont les hommes milléniaux n’osent pas parler. La déception et la souffrance de ne pas avoir d’enfant m’ont dévorée jusqu’à ce week-end de Pâques 2017, quand un lapin est apparu sur la pelouse devant notre maison.

Ma voisine marchait dans notre rue du quartier de l’Ouest de Toronto quand elle a aperçu la première cette petite boule de fourrure incroyablement douce nichée dans l’herbe.

Elle l’a délicatement prise dans ses mains, l’a enroulée dans une serviette de bain élimée, puis l’a déposée dans une boîte de plastique transparent avec un bout de carotte si énorme que c’en était comique. La boîte sous le bras, elle est venue frapper à notre porte.

«C’est votre lapin?» a-t-elle demandé.
Je n’ai pas pu me retenir de rire. Ce n’était pas mon lapin. Mais avec sa fourrure blanche immaculée mouchetée de taches gris clair et la petite entaille à une oreille – œuvre sans doute d’un chat de gouttière –, il appartenait forcément à quelqu’un.

Ma voisine devait s’absenter ce week-end et le lapin ayant choisi ma pelouse, je m’en suis sentie responsable. Ayant déjà un chien et deux chats à la maison, sauvés de l’abandon, il était évident que je m’occuperais au moins quelques jours de cet étranger un peu particulier.

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Pascal a été trouvé à Pâques.
papanum/Shutterstock

Pascal, le lapin

Le premier week-end, nous avons fait de notre mieux pour signaler que nous l’avions trouvé. Il était si adorable qu’il manquait nécessairement à une famille qui verrait notre tweet «LAPIN TROUVÉ» ou nos affiches collées aux lampadaires du quartier.

Comme nous l’avions trouvé à Pâques, nous l’avons appelé Pascal et il a eu droit à sa chambre. La vieille cage de notre chien a été remontée de la cave et installée dans la pièce vide que j’avais prévu transformer en chambre d’enfant. Je l’ai remplie de couvertures soyeuses et de paille trouvée à l’animalerie. J’ai posé le lapin sur mes genoux et entrepris de le nourrir d’un peu de laitue, d’épinards et de chou frisé. Je lui donnais des bananes pelées et m’amusais à le regarder en grignoter la chair. Quand je lisais ou regardais la télé, je le laissais libre de sautiller sur le lit. Je le berçais parfois comme un bébé en caressant sa tête minuscule tandis que son petit museau rose frétillait. Les lapins sont des petits animaux de compagnie facile à entretenir!

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Le spectre de l’infertilité.
Chinnapong/Shutterstock

Le spectre de l’infertilité

À presque 40 ans, je savais que mes chances d’être un jour enceinte diminuaient. J’avais consulté plusieurs spécialistes et supporté les questions personnelles, les examens et les interventions. Je savais par ailleurs que la démarche, couplée au désespoir de ne pas pouvoir avoir d’enfant, menaçait ma santé mentale.

Je dis souvent que l’expérience de l’infertilité, c’est faire le deuil de ce que nous avons perdu sans l’avoir jamais connu – un deuil qui ne se surmonte que quand on renonce enfin à l’espoir de connaître cet être que nous ne verrons jamais. Il s’agit d’un deuil que comprennent beaucoup mieux ceux qui ont eu à l’affronter. La famille et les amis ont tout fait pour nous réconforter mais, avec le temps, il m’a semblé plus simple de porter seule ces sentiments que d’essayer de les expliquer.

Combien de fois – et combien de mois – pouvez-vous être en manque d’un enfant hypothétique, un enfant que vous ne pouvez pas avoir, avant que ce désir ne vous détruise? Combien de temps avant de passer à autre chose, si tant est que vous en soyez capable?

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Une semaine après avoir fait ses adieux à Pascal le lapin, elle était enceinte.
fizkes/Shutterstock

Heureux événement

Quelques semaines ont passé, laissant nos annonces sans réponse. Des gens sont venus voir Pascal pour le prendre et le caresser derrière les oreilles. Plusieurs ont offert de l’adopter, mais tous ont finalement renoncé – un partenaire allergique, un voyage en préparation, l’hésitation devant une telle responsabilité. Au cours de ce moment passé en sa compagnie, j’ai appris des tas de choses sur les léporidés, notamment que le nôtre était bien un lapin domestique – plus précisément un Rex, une race à la fourrure duveteuse d’aspect velouté originaire de France. J’ai aussi découvert qu’il y avait beaucoup de lapins abandonnés, surtout autour de Pâques, quand on les offre pour le plaisir avant de tout simplement les abandonner.

Enfin, j’ai appris qu’ils vivaient en bande et que, d’instinct, ils battaient le sol de leurs pattes arrière pour signaler un danger aux congénères du terrier. Je l’ai constaté moi-même, car malgré mes efforts pour offrir à Pascal un cadre rassurant et confortable, malgré mon désir de le garder avec nous, les trois autres animaux de la maison le terrifiaient.

Après avoir longtemps reporté son départ, nous avons fini par appeler un refuge pour qu’on lui trouve un vrai foyer.

Quelques jours plus tard, un samedi matin de mai, notre petit lapin a été confié à deux femmes chargées de le faire adopter. Il avait passé un mois avec nous et la séparation a été difficile. Nous lui avons dit au revoir en lui caressant une dernière fois les oreilles.

C’est étrange. Nous nous attachons très rapidement à des choses qui ne nous ont jamais vraiment appartenu; de même sommes-nous séduits par des idées et des vies que nous aurions pu vivre. J’aurais voulu garder le lapin et j’ai souffert en rangeant la cage et en balayant la paille dans la pièce, mais j’étais heureuse de confier Pascal à un refuge, de lui avoir offert un foyer rassurant en attendant qu’il en trouve un meilleur. Notre invité surprise a entre-temps ouvert une parenthèse au milieu de mes pensées envahissantes, un espace où rediriger mon attention, et accordé un répit à mon désir ardent.

Une semaine après lui avoir fait mes adieux, j’étais enceinte.

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Ce lapin était-il un signe de fertilité?
Halfpoint/Shutterstock

Enfin, ma fille dans mes bras!

Ma fille a eu trois ans cette année et elle dort dans la pièce où a vécu le lapin le printemps de sa conception. Parfois, quand elle se réveille la nuit, je la prends dans mes bras et je tiens son corps serré contre le mien, encore sensible à la douleur de toutes ces années sans elle. Comme s’il restait des traces de ce deuil porté si longtemps, comme si je n’étais pas encore guérie de cette blessure ouverte qui m’a laissée si vulnérable, en manque d’elle bien qu’elle soit aujourd’hui dans mes bras.

Le chagrin de l’infertilité subsiste, tout comme l’espoir auquel je n’ai jamais renoncé malgré les déceptions. Ma foi inébranlable n’est pas du tout la cause de ce chagrin, elle m’a plutôt aidée à le supporter. C’est ce qui m’a permis de me projeter dans l’avenir, de croire que ça pouvait aller et que ça irait mieux.

Je ne sais pas si je crois à la magie, aux présages ou même aux porte-bonheurs, mais quand je tiens ma fille dans mes bras la nuit, je pense au lapin que nous avons accueilli un printemps, il y a quelques années, et je sais que l’espoir ne me quittera jamais.

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